Lundi 4 mars 2019
Le suicide de l’Algérie plutôt que la perte de pouvoir
Néron aurait brûlé Rome, Hitler a meurtri son peuple et l’Europe jusqu’à son dernier souffle dans un bunker. C’est ainsi que Saϊd ira jusqu’au bout d’une logique suicidaire. Ces monstres ne peuvent concevoir une vie sans pouvoir, ils préfèrent risquer le pire pour un peuple que de s’imaginer en être dépourvu.
L’histoire a connu des paranoïas délirantes de la part des despotes qui perdaient leur raison au moindre signe de soulèvement des citoyens qui pourrait menacer leur main mise sur le pays.
Cette fois-ci, il faut reconnaître que c’est l’une des réactions les plus originales que l’on puisse imaginer. Le dictateur reste, il sera élu et, dans sa grande mansuétude, il proposera des élections anticipées.
À l’Institut d’études politiques, dans ma jeunesse, nous avions compulsé des tonnes de documents historiques et politiques, nous avions passé des multitudes de soirées à étudier les mécanismes institutionnels, jamais je ne crois avoir étudié celui que nous propose la famille Bouteflika.
Le moins averti des citoyens n’a pas besoin d’érudition pour comprendre que la situation désespérée du despote l’oblige à gagner du temps et à espérer que des millions de citoyens vont le plébisciter, une fois que la rue se sera calmée.
Mohammed Benchicou avait titré l’un de ses articles « Pour Bouteflika, un pouvoir ne se rend pas ». J’en suis persuadé, à une remarque près qui contrebalance le propos.
Si ces individus arrivent au pouvoir et le gardent par les armes, on a vite oublié que ce sont des millions d’Algériens qui ont donné le pouvoir à Abdelaziz, même grabataire, bavant, muet et tremblant.
Je ne les ai pas rêvés ces millions d’électeurs qui se bousculaient pour aller mettre un bulletin dans l’urne. Je n’ai pas été pris d’hallucinations lorsque je voyais cette foule immense hurler sa joie et sa dévotion au moindre passage du fauteuil.
Je n’ai pas perdu la raison lorsque je me suis fait insulter par de très jeunes filles et garçons sur Internet, me traitant « d’ingrat à l’égard d’un grand homme qui a tant donné à l’Algérie et à sa modernité ».
À moins que j’ai perdu la notion des statistiques et des probabilités, très lointaines dans ma jeunesse estudiantine, il me semble bien qu’une partie (même si elle est petite) des manifestants dans les rues ont voté et soutenu Abdelaziz. C’est une donnée objective incontournable.
Que le lecteur ne se méprenne pas, mes décennies de publications assassines et de militantisme contre ce pouvoir ne permettent aucune ambiguïté. Je ne remets en aucun cas la sincérité et le souffle de désir démocratique de la jeunesse. Mais si je l’accorde à la grande majorité de la jeunesse innocente et brave, j’ai quelques réserves pour certains autres.
Raison pour laquelle il faut rester extrêmement vigilent cette fois-ci car des soulèvements de rue, il y en a eu d’autres. Il ne faut rien accepter et continuer à rejeter ce régime quelles ques soient ses tergiversations et ses manœuvres.
Mais encore une fois, il faut se rendre à l’évidence, la relève n’est franchement pas de celles qui me ravissent. Des généraux et vieux routards du régime militaire algérien, ce n’est pas pour me satisfaire.
Encore et encore, soyons vigilants et ne nous laissons pas emporter par des visions enthousiastes et rapides. La démocratie, c’est bougrement plus difficile que la dictature, il était temps de s’en apercevoir.
En attendant, la jeunesse algérienne est resplendissante, elle tient son destin entre les mains et je ne peux que la soutenir avec force.
Qu’elle ne le lâche pas, cette fois-ci encore !