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« Le tabou de la guerre civile algérienne » n’a pas attendu Kamel Daoud pour se « briser »

Houris

Loin d’être la première œuvre à rompre le silence romanesque sur « la guerre civile » qu’impose la loi de réconciliation nationale de 2005 (sa promulgation date de 2006) et à redonner « une voix » aux femmes qui en ont été les victimes, Houris de Kamel Daoud vient après des dizaines de fictions et d’essais consacrés à ce conflit fratricide par des Algériennes et des Algériens.

Sur « la guerre civile algérienne » (1991-2002), « il y a eu deux ou trois essais, mais la réalité, ça reste un tabou, on n’en parle pas, c’est puni par la loi ! ». Par un beau matin d’été, un mensonge, produit au début du mois d’août 2024 par nombre de publications et de communiqués de presse[1], est devenu viral après sa validation par France Inter.

Le 28 du même mois, invité sur « Le 7/10 » dans le cadre de la campagne menée par les médias pour le prix Goncourt, Kamel Daoud a falsifié l’histoire littéraire de l’Algérie en usant d’assertions contrefactuelles.

Engagé volontaire depuis 2014 au sein des colonnes réactionnaires du Point, l’écrivain franco-algérien était surtout connu par son rôle dans la banalisation du triptyque islam-immigration-insécurité au cœur de l’idéologie néoconservatrice des droites dures et extrêmes, mais aussi par la liquidation de l’histoire coloniale française et des mises en équivalence audacieuses avec la « décennie noire ».

La fabrique de l’« inédit » de la rentrée littéraire

Loin d’être la première œuvre à rompre le silence romanesque sur la guerre civile qu’impose la loi de réconciliation nationale de 2005 (sa promulgation date de 2006) et à redonner « une voix » aux femmes qui en ont été les victimes, Houris de Kamel Daoud vient après des dizaines de fictions et d’essais consacrés à ce conflit fratricide par des Algériennes et des Algériens.

Mais, aux aveuglements de l’écrivain qui semble vouloir réécrire l’histoire littéraire de son pays s’ajoute le fait qu’en France, les médias mainstream ne sont aucunement favorables au débat contradictoire. La caractérisation et la critique des éditos que publie l’auteur de Meursault, contre-enquête (Barzakh, 2013) dans Le Point est inaudible dans des journaux comme Le Monde, L’Obs ou même Libération.

Le très violent ressentiment qu’il éprouve à l’encontre de la société algérienne et ses écrits culturalistes et essentialistes – qui reprennent aveuglément l’agenda politique des droites dures et extrêmes – sur l’islam, l’immigration, la présence des Algériens en France (et surtout des binationaux), l’histoire coloniale et les gauches françaises ont imposé le paradigme de l’Algérien, et par conséquent de l’Arabe, entendable, récompensable.

De ce fait, le domaine du dicible est réduit à un seul énoncé, « Kamel Daoud ou la mort », et l’analyse politique, sur la base d’éléments factuels, de ses publications et prises de positions idéologiques ne reçoit, jusqu’à présent, auprès des élites culturelles qui dominent le débat public français, que l’abominable stigmate d’hérésie intellectuelle, de « collaboration » avec « le régime d’Alger » et « les islamistes ».

Par la magie du baratin postmoderne que promeut le pôle médiatique dominant, l’Algérien et donc l’Arabe[2] – « goncourisable » sera exclusivement celui qui affirmera qu’il serait le seul à avoir écrit le LIVRE de la « tragédie nationale », que l’ensemble de ses concitoyens voudraient justifier la violence des islamistes et des militaires et auraient pour unique boussole politique et existentielle la « haine de la France »[3], l’effacement même de leur « véritable guerre » des mémoires et des livres d’histoire, au profit de ce que Kamel Daoud estime être « la culpabilisation rampante de la France et de l’Occident » (La Grande Librairie, 15/05/2024).

La guerre civile algérienne par les faits

Parler de la « guerre civile algérienne » en littérature, est-ce vraiment interdit en Algérie ? Loin pour moi de vouloir minimiser ses travers liberticides, la loi de réconciliation nationale de 2005 a été promulgué pour rendre la société algérienne vivable au sortir d’une décennie sanguinaire et inhumaine, protéger contre toute mise en cause judiciaire et politique tant les islamistes hâtivement « repentis » que certains membres des forces de l’ordre de leurs exactions d’alors, mais elle n’a nullement empêché en réalité une abondance précoce et continue de fictions et d’essais historiques sur ce thème.

L’interdiction de Houris et des éditions Gallimard au Salon International du Livre d’Alger (SILA) en novembre 2024 est une hideuse pratique dictatoriale que l’auteur de ces lignes condamne fermement, sans pour autant perdre de vue les données empiriques du champ littéraire et intellectuel algérien.

Si Le Point insiste sur le fait qu’avec Houris, Kamel Daoud « brise enfin le tabou de la guerre civile algérienne », cela ne va pas sans l’oubli, voire l’occultation délibérée, de certains romans algériens dont l’hebdomadaire lui-même s’est fait l’écho. En 2018, le magazine a publié les bonnes feuilles et une critique d’un roman noir sur la « décennie noire », 1994 de Adlène Meddi (Barzakh, 2017 / Rivages, 2020)[4], le correspondant algérois de ce même hebdomadaire !

Mais, regrettablement, cette entreprise médiatique de réécriture de l’histoire littéraire algérienne ne s’arrête pas là.

Évoquant l’histoire d’une famille algéroise déchirée par les conflits idéologiques des événements nihilistes des années 1990, les médias mainstream ont aussi jeté le voile du déni sur l’existence du roman de l’écrivaine franco-algérienne Amina Damerdji, Bientôt les vivants, pourtant publié en 2023 aux éditions Gallimard… Même si, au SILA, l’autrice a présenté l’édition algérienne de son livre publiée chez Barzakh, Kamel Daoud et ses encenseurs médiatiques n’ont aucunement mentionné ce fait.

A ces rappels factuels, deux autres publications méritent d’être également mentionnée. Le 14 novembre 2024, toujours au SILA, l’écrivaine Maïssa Bey est revenue, dans une table ronde animée par le critique Lebdai Benaouda, sur la question du viol durant la « sale guerre » qu’elle a scrupuleusement évoquée dans son premier roman Au commencement était la mer (Marsa, 1996).

Et en juillet 2024, un prix étatique, le Grand Prix Assia Djebar, a été attribué à l’écrivaine de langue arabe In‘âm Bayoud pour son roman Houaria[5] (Dar Mîm, 2023) qui raconte la décennie fratricide du point de vue d’une Oranaise évoluant dans les milieux interlopes de sa ville natale, qui donne à voir les vies féminines précaires et le lourd tribut payé pour survivre dans un monde plongé dans la violence.

Curieusement, le parangon du « féminisme » algérien, qui ne cesse de faire l’éloge des livres et de la lecture, semble n’être guère intéressé par les romans que publient ses compatriotes chez ses éditeurs de France et d’Algérie, Gallimard et Barzakh, et surtout ceux écrits par des femmes et…en langue arabe [6].

Ainsi s’est dessiné le sentier du graal littéraire français, le Goncourt. Une affirmation « post-véridique », une confirmation complaisante et la machine fabriquant l’« inédit » algérien de la rentrée est lancée.

Au milieu du brouillard de cette insignifiance médiatique, Rachid Mimouni n’aurait pas écrit La Malédiction en 1993 (Stock), Fadila Farouk T, la lettre de la honte [تاء الخجل] en 2003 (Riyad Er-Reyyes) non plus. Le débat est cimenté, la valeur littéraire de Houris est mise en suspens. Seul l’idéologique importe, mais seulement quand il se niche au sein de l’ « arc républicain », contre « les extrêmes ». D’aucuns croient reconnaître dans cette pensée tiède un rare « courage de la nuance ».

Pis encore, et loin de se limiter à la réécriture de l’histoire des lettres algériennes, le prix Goncourt 2024 a « révisé »  son propre parcours littéraire en expurgeant de sa bibliographie « officielle » Ô Pharaon, ce roman publié en 2005 chez l’éditeur oranais Dar al-Gharb racontant l’histoire d’une ville moyenne de l’Oranie qui, entre 1994 et 1997, a été martyrisée par la milice impitoyable d’un tyran dénommé Pharaon, l’homme fort de « l’État du jour » (le gouvernement et son armée) exerçant une violence démesurée à l’encontre des civils soupçonnés, à tort ou à raison, d’intelligence avec « l’État de la nuit » que représentaient alors les intégristes religieux[7].

Si, en 2005 dans Ô Pharaon, les crimes perpétrés à l’encontre des civils sont majoritairement imputés à l’institution militaire et à sa façade civile, ces mêmes crimes deviennent, en 2024 dans Houris, l’apanage, non seulement de l’intégrisme islamiste, mais de l’islam tout court.

De quoi la censure du SILA 2024 est-elle le nom ?

Comme le prouvent les nombreuses publications qui viennent d’être citées, l’ignoble censure de Kamel Daoud et des éditions Gallimard au SILA ne porte que partiellement sur le contenu documentaire de Houris et l’instrumentalisation fémonationaliste[8] du combat des femmes arabes contre la domination patriarcale. Cette interdiction cible un sur-citoyen-naturalisé ultra chauviniste, l’un des visages franco-algériens de la réaction littéraire et politique en France, récompensé du prix Goncourt 2024 dans le cadre d’une virulente campagne anti-algérienne au sein de laquelle il a joué un rôle majeur.

Je m’oppose radicalement à l’interdiction d’un écrivain dans son pays. Et mon désaccord est total, irréconciliable, avec nombre d’Algériens et de binationaux qui critiquent Kamel Daoud en recourant aux arguments conservateurs et autoritaires du pouvoir algérien (la « haine de soi », la « trahison nationale », le « Parti de la France », « les Algériens de papiers »[9]). S’acharner sur l’auteur de La Préface du nègre (Barzakh, 2008) et garder le silence sur la censure de maisons d’éditions indépendantes comme Koukou éditions ou Tafat éditions au SILA, sur l’exclusion non-officielle d’écrivains démocrates et progressistes (de langue arabe et amazighe) de ce grand événement du livre en Algérie et sur la mise sous scellés des librairies[10] est une scandaleuse abdication devant l’arbitraire.

Ce musellement des libertés par les institutions culturelles est une insulte à l’intelligence des citoyens algériens, considérés d’emblée par leurs dirigeants comme une masse d’incultes et de décérébrés qui seraient incapables de lire, de comprendre, d’interpréter et de critiquer subtilement des livres dont l’inconsistance du propos et du contenu épistémique est proverbiale.

Qu’on soit d’accord avec ses positions politiques ou non, qu’on apprécie la lecture de ses romans ou non, Kamel Daoud est un citoyen algérien comme les autres et il a le droit le plus absolu à la libre expression et communication de ses idées et de ses livres. Sa soumission volontaire au conservatisme français relève du débat d’idées, un fait que l’auteur de ces lignes considère comme une double défaite littéraire, intellectuelle et politique : algérienne et française.

Six décennies après l’Indépendance de l’Algérie, il est temps de remplacer l’excommunication hypernationaliste et religieuse par le débat et la controverse où la finesse de l’analyse et la rigueur de l’argumentation remplacent la dénonciation stérile et l’insulte avilissante.  On ne construit rien en fermant des librairies, en jetant des écrivains de plus de soixante-dix ans en prison. Ces agissements despotiques ne sont que laideur et vilénie, la faiblesse criante du fort.

La liste de livres qui suit est destinée au lecteur universel[11] qui souhaiterait reprendre son souffle devant le triste spectacle de la mise en vente de la littérature au marché de la soumission volontaire.

Liste non exhaustive de romans et d’essais algériens ayant pour sujet la guerre civile des années 1990 :

En français

Malika Mokeddem, Le Siècle des sauterelles, Paris, Ramsay, 1992.

Rachid Boudjedra, FIS de la haine, Paris, Denoël, 1992 (Alger, ANEP, 2002).

Sabrina Kherbiche, Suture, Alger, Laphomic, 1993

Rachid Mimouni, La Malédiction, Paris, Stock, 1993.

Rachid Mimouni, Chroniques de Tanger, Paris, Stock, 1995.

Mohammed Dib, La Nuit sauvage, Paris, Albin Michel, 1995.

Malika Mokeddem, Des Rêves et des assassins, Paris, Grasset, 1995.

Lazhari Labter, Journalistes algériens entre le bâillon et les balles, Paris,  L’Harmattan, 1995.

Waciny Laârej, Don Quichotte à Alger, Paris, Marsa, 1996 (l’édition arabe de ce roman a été publiée en 1999 à Cologne aux éditions Al-Jamal : حارسة الظلال : دونكيشوت في الجزائر)

Aziz Chouaki, L’Étoile d’Alger, Paris, Marsa, 1996.

Maïssa Bey, Au Commencement était la mer, Paris, Marsa, 1996.

Assia Djebar, Le Blanc de l’Algérie, Paris, Albin Michel, 1996.

Hafsa Zinaï-Koudil, Sans voix, Paris, Plon, 1997.

Aïssa Khelladi, Peurs et mensonges, Paris, Seuil, 1997.

Maïssa Bey, A Contre Silence, Paris, Paroles d’aube, 1998

Yasmina Khadra, Les Agneaux du Seigneur, Alger, ENAL,1998.

Mohammed Dib, L’Arbre à dires, Paris, Albin Michel, 1998.

Mohammed Dib, Si Diable veut, Paris, Albin Michel, 1998.

Baya Gacemi, Moi, Nadia, femme d’un émir du GIA, Paris, Seuil, 1998.

Yasmina Khadra, À quoi rêvent les loups, Alger, ENAL,1999.

Yamina Méchakra, Arris, Paris, Marsa, 1999.

Leïla Marouane, Ravisseur, Paris, Julliard, 1999.

Leïla Marouane, La Fille de la Casbah, Paris, Julliard, 1999.

Khelladi Aïssa, Spoliation, Paris, Marsa, 1999.

Tahar Djaout, Le Dernier été de la Raison, Paris, Seuil, 1999.

Yasmina Khadra, Morituri, Paris, Gallimard, 1999.

Youcef Zirem, L’Âme de Sabrina, Alger, Barzakh, 2000.

Abdelkader Djemaï, Un Été de cendres, Paris, Gallimard, 2000.

Abdelkader Djemaï, 31, rue de l’Aigle, Paris, Gallimard, 2000.

Malika Mokeddem, N’Zid, Paris, Seuil, 2001.

Salim Bachi, Le chien d’Ulysse, Paris, Gallimard, 2001.

Youcef Zirem, La guerre des ombres. Les non-dits d’une tragédie, Bruxelles, GRIP/ Complexes, 2002 (essai).

Leïla Aslaoui, Les Jumeaux de la nuit, Alger, Casbah éditions, 2002.

Hassan Zerrouky, La nébuleuse islamiste en France et en Algérie, Calmann Lévy, 2002.

Abdelkrim Djaad, Le fourgon, Alger, Casbah éditions, 2003.

Kamel Daoud, Ô Pharaon, Oran, Dar al-Gharb, 2005.

Lazhari Labter, Journalistes algériens 1988-1998. Chronique des années d’espoir et de terreur, Alger, Chihab éditions, 2005.

Abderrahmane Moussaoui, De la violence en Algérie, Alger, Barzakh, 2006 (ouvrage historique).

Nassira Belloula, Visa pour la haine, Alger, éditions Alpha, 2007.

Djamel Bencheikh, Rose noire sans parfum, Alger, Barzakh, 2008.

Youcef Merahi, L’ombre assassine la lumière, Alger, Casbah éditions, 2010.

Maïssa Bey, Puisque mon cœur est mort, Éditions Chèvre-feuille étoilée, 2010.

Samira Guebli, Une balle en tête, Alger, Casbah éditions, 2011.

Mohamed Dorbhan, Les Neufs Jours de l’inspecteur Salaheddine, Alger, Arak, 2011 (le livre de ce journaliste assassiné en 1996, un faux polar situé dans la période des émeutes 1988-1989, dessine avec justesse les signes annonciateurs des tensions de la guerre civile).

Canesi & Rahmani, Siamoises, Alger, Dalimen éditions, 2013.

Maïssa Bey, Nouvelles d’Algérie, Paris, Grasset, 2014.

Arezki Mellal, Maintenant, ils peuvent venir, Alger, Barzakh, 2015.

Dey Bendifallah, Le minaret ensanglanté [2003], Sedia éditions, 2015.

Adlène Meddi, 1994, Alger, Barzakh, 2017.

Canesi & Rahmani, Alger sans Mozart, Alger, Dalimen éditions, 2018.

Rachid Mokhtari, La graphie de l’horreur. Essai sur la littérature algérienne (1990-2000), préface de Rachid Boudjedra, Alger, Chihab éditions, 2019.

Hajar Bali, Ecorces, Alger, Barzakh, 2019.

Canesi & Rahmani, Ultime preuve d’amour, Alger, Dalimen éditions, 2020 (ce roman évoque de façon frontale le massacre de Bentalha).

Abdallah Aggoune, Blouse blanche, zone grise. Décennie noire (préface de Karima Lazali), Alger, Koukou éditions, 2020 (témoignage).

Salima Mimoune, La Pieuvre, Chélif, Les Presses du Chélif, 2021.

Amer Ouali, Le coup d’éclat. De la naissance du FIS aux législatives avortées de 1991, préface de Mustapha Hammouche, Boumerdès, Frantz Fanon, 2021 (essai).

Amer Ouali, La Terreur sainte. Retour sur la décennie noire. Algérie 1991-2002, Paris, Erick Bonnier, 2022 (essai).

Salah Ameziane, Romans algériens au présent. Écrire dans le tournant des XXème et XXIème siècle, préface de Christiane Chaulet-Achour, Boumerdès, Frantz Fanon, 2023 (ouvrage d’histoire littéraire).

Amine Esseghir, Revenir entier. Un appelé dans la guerre contre le terrorisme islamiste en Algérie, Paris, L’Harmattan, 2023.

Amina Damerdji, Bientôt les vivants, Barzakh, 2024 (Gallimard, 2023).

En arabe

Tahar Ouettar, La bougie et le vestibule [الشمعة والدهاليز], Alger, Manshourat al-Tabyyîn al-Jahidhiyya, 1995.

Jilali Khalas, Tempêtes sur l’île aux oiseaux [عواصف جزيرة الطيور], Alger, Marino, 1998.

Waciny Laredj, Sayyîdat al-Maqâm [سيدة المقام], Alger, Espace Libre, 2001.

Mohammed Sari, Al Waram [الورم], Alger, Manshourât al-Ikhtilaf, 2002.

Habib Sayah, Tamassikht ou le sang de l’oubli [تماسخت… دم النسيان], Alger, Casbah éditions, 2002.

Fadila Farouk, T, la lettre de la honte [تاء الخجل], Beyrouth, Riyad Er-Reyyes, 2003 (ce roman parle du viol des Algériennes durant la guerre civile).

Yasmina Saleh, Un pays en verre [وطن من زجاج], Alger, Manshourat al-Ikhtilaf, 2006.

Merzak Baktache, Le sang de la gazelle [دم الغزال], Alger, Casbah éditions, 2007.

Samir Kacimi, Déclaration de perte [تصريح بضياع], Alger, Manshourat al-Ikhtilaf, 2009.

Habib Sayah, Sur ma main encore le sang des Coupables [مذنبون…لون دمهم في كفي], Alger, Dar al-Hikma, 2009 (traduit en français par Mohammed Sehaba).

Yasmina Saleh, Lakhdar [لخضر], Beyrouth, Centre des Études Arabes, 2010.

Mohammed Sari, Des citadelles qui s’effondrent [القلاع المتآكلة], Alger, Barzakh, 2013.

Habib Sayah, La mort à Oran [الموت في وهران], Alger, Dar Mîm, 2013.

Habib Sayah, Le récit de la montagne [كولونيل الزبربر], Beyrouth, Dar al-Sâqi, 2015.

Habib Sayah, Qui a tué As‘ad al-Marrourî [من قتل أسعد المروري], Alger, Dar Mîm, 2017 (ce roman raconte l’histoire de l’assassinat du professeur Ahmed Kerroumi).

Faycel Lahmeur, Une heure d’amour et de guerre [ساعة حب، ساعة حرب], Amman, Fadâat éditions, 2018.

Hamid Abdelkader, Un homme de cinquante ans [رجل في الخمسين], Alger, Barzakh, 2019 (Prix Mohammed Dib 2020).

Faycel Lahmeur, Voies et voix de parleurs [ضمير المتكلم], Alger, Dar Mîm, 2021.

Habib Sayah, Tibhirine. L’affliction des sept moines [تيبْحِيرِينْ محنة الرهبان السبعة], Koweït, Takween publishing / Alger, Dar Dhamma, 2022.

Salah Badis, Des choses qui arrivent [هذه أمور تحدث], Milan/Bagdad/Beyrouth, Al Mutawassit, 2019 (traduit de l’arabe au français par Lotfi Nia, Barzakh, 2023).

Mohammed Sari, Mon corps souillé [جسدي المستباح], Milan/Bagdad/Beyrouth, Al Mutawassit, 2023.

In‘âm Bayoud, Houaria [هوارية], Alger, Dar Mîm, 2023.

P.-S. Il serait profitable pour toutes et tous que cette liste soit complétée par les livres publiés en tamazight sur la guerre civile algérienne.

***

Faris LOUNIS

Journaliste

Source : https://actualitte.com/article/120877/enquetes/le-tabou-de-la-guerre-civile-algerienne-n-a-pas-attendu-kamel-daoud-pour-se-briser

ActuaLitté, le 13 décembre 2024


[1] Voir dans Le Point :François-Guillaume Lorrain, « Le nouveau roman de Kamel Daoud brise enfin le tabou de la guerre civile algérienne » (08/08/24) ; « Kamel Daoud publie Houris, roman sur le tabou de la guerre civile algérienne » (13/08/2024), un bref texte non-signé par la rédaction accompagnant une vidéo dans laquelle Kamel Daoud présente Houris (Gallimard, 2024).

[2] Même si Kamel Daoud nie son arabité, comme dans une récente déclaration – « Je ne suis pas arabe. Je suis Algérien, Français et écrivain » – sur un plateau de France 2 (« Quelle époque ! », le 05/10/24), c’est au nom de la vision essentialiste qu’il a de l’arabité et de l’islam que sa parole est légitimée au sein du camp de la réaction et du conservatisme en France.

[3] Le 9 juin 2023, sur les ondes de France Inter, Kamel Daoud a jugé qu’« être Algérien » équivaudrait à « être anti-Français » et que l’accord de 1968 entre la France et l’Algérie, pourtant vidé de toute son effectivité amendement après amendement (voir : The Conversation, « L’accord franco-algérien de 1968 est-il en sursis », 15 août 2023) , serait un « droit de cuissage mémoriel [que l’Algérie exercerait] sur la France ». Sur l’immigration, il a affirmé dans le même entretien que les « candidats clandestins à l’immigration » choisiraient la France pour « avoir accès à des aides », parce qu’elle est « un pays qui assiste énormément ».

[4] Les bonnes feuilles de 1994 ont pour titre : « Adlène Meddi – ‘‘1994’’ : des lycéens dans l’Algérie de la décennie noire » (Le Point, 10/10/18). Et la critique de ce roman est de Julie Malaure, « Adlène Meddi, le roman noir de l’Algérie » (Le Point, 20/09/18). 

[5] A rebours des positions du camp de la réaction en Algérie, Kamel Daoud a eu le mérite de soutenir l’écrivaine, dans un post sur X datant du 19 juillet 2024, au milieu de l’offensive réactionnaire et misogyne qu’elle subissait. Mais, comme avec les femmes iraniennes, ce qui l’intéresse, ce n’est pas l’agression en soi, mais l’identité supposée exclusivement musulmane des agresseurs et leur nationalité. Ces réflexes culturalistes qui se croient « féministes » sont massivement présents dans les formations politiques de droite et d’extrêmes droite, obsédées par « l’homme arabe » et sa « pulsion destructrice » qui serait innée. 

[6] Oubliant les traités d’érotologie écrits par des savants religieux durant l’âge classique de l’Islam, Kamel Daoud réduit souvent, dans ses écrits et déclarations, la langue arabe à une langue qui serait « piégée par le sacré », incapable de dire le rêve et de célébrer la vie. Cet essentialisme caricatural pourrait être le revers de son incapacité à construire un imaginaire idéologique, politique et littéraire en arabe.

[7] Voir la chronique du sociologue Lahouari Addi, « État du jour contre État de la nuit », dans Le Monde diplomatique (mai 2006): https://www.monde-diplomatique.fr/2006/05/ADDI/13471

[8] Le fémonationalisme est un concept qui désigne l’instrumentalisation des luttes et des acquis féministes à des fins racistes, xénophobes, différentialistes et suprémacistes. 

[9] Dixit l’ancien ministre de l’Industrie El Hachemi Djaâboub (2003-2005) sur la chaîne privée Echorouk News le 24/11/2024 : https://www.youtube.com/watch?v=jM2H9rI9g7g

[10] Le 9 décembre 2024 à Tizi Ouzou, l’historique librairie Cheikh, ouverte en 1963, a été fermée (de façon temporaire apparemment) par la police au motif kafkaïen de ne pas avoir « la mention des ventes dédicaces sur son registre de commerce ». Ce code, qui n’existe nullement au Centre National du Registre de Commerce (CNRC), est exigé aux libraires selon leur coloration politique et culturelle.

[11] A entendre dans le sens pluraliste que démontrent les travaux de l’historien Antoine Lilti. Son livre incontournable, L’Héritage des Lumières. Ambivalences de la modernité (2019), analyse et démonte le mythe d’un universalisme étroit qui ne serait qu’exclusivement français et ouest-européen (autrement dit, il défait l’hégémonie de l’acception essentialiste de l’universalisme). Voir aussi les interventions du colloque « Lumières multiples » (juin 2023) que cet historien a accueilli au sein de la chaire qu’il occupe au Collège de France : https://www.college-de-france.fr/fr/agenda/colloque/lumieres-multiples.

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