Tout le monde a reconnu cet emprunt à la littérature et en connait le sens. Dans l’actualité de ces deux derniers jours, « Si Prigojine n’a pas gagné, Poutine a perdu » est probablement la phrase la plus juste que j’ai entendue. Le Tsar de toutes les Russies, descendant fantasmé du Tsar Nicolas 1er, a vacillé jusqu’à se murer dans le silence pendant vingt-quatre heures dont il ne ressort pas, au moment de la rédaction de cet article.
Que pouvait-il arriver d’autre comme fin ? Pouvait-elle être moins tragique ? Absolument pas, nous le répétons depuis des mois, Poutine est la parfaite caricature du dictateur mégalomane et populiste.
L’histoire ruisselle de flots d’exemples concernant la fin pathétiques de personnages qui ont cru à leur puissance et qui ont régné par une terreur qui finit par leur renvoyer une adoration du peuple qui les rassure.
Ils construisent une histoire glorieuse nationale, Poutine en abreuvait son peuple en se dissuadant qu’il était celui qui ramènerait la puissance passée, l’honneur bafoué et perdu de la nation russe.
Il avait perdu pied comme tous les dirigeants emmurés dans leur puissance et terreur qu’ils font subir pour garder le pouvoir absolu. Il en était arrivé à ce point ultime où son entourage, n’étant pas aussi fou que lui, ne lui distillait que les informations qu’il voulait entendre.
L’une des phrases les plus comiques qui circulait dans l’ère soviétique était « Staline est mort mais qui va aller le lui dire ? ».
On lui disait que les sondages confirmaient l’écrasante majorité qui le soutient. Mais ces instituts étaient aux ordres et quel est le sondé suicidaire qui répondrait autrement ?
On lui disait que son armée était puissante mais qui oserait lui dire qu’elle s’enliserait dans une guerre où sa vétusté causée par la corruption et l’indigence du commandement militaire l’avait entraînée ?
On lui disait que la presse et les journalistes vantaient, à longueur de journée, sa gloire et l’immense bienfait de sa politique.
On lui disait que les opposants étaient des espions à la solde des ennemis qui veulent du mal à la patrie et que l’étranger les manipulaient.
Mais tout cela, c’est Poutine qui l’a créé, qui voulait l’entendre et qui a tout fait pour cela. Assoiffé de pouvoir et de fortune, ce jeune délinquant des quartiers de Saint Petersburg et corrompu de la Mairie de cette ville, voulait non seulement atteindre la puissance absolue, il voulait être le Tsar, le grand protecteur de la Russie.
En fin de compte, ce qui vient d’être dit de la psychose de ces individus sanguinaires, est d’une gigantesque banalité. Nous savions comment tout cela devait se terminer car il était impossible qu’il en soit autrement. Il n’y a qu’une majorité d’Algériens qui voulaient croire au contraire. C’est vrai que dans notre pays natal, l’histoire est un peu manipulée, juste un tout petit peu.
Tous les dangereux psychopathes de l’histoire au pouvoir se sont effondrés, la plupart du temps par la mort, entrainant guerres civiles et chaos derrière eux.
Poutine avait créé une horizontalité dictatoriale et s’était entouré d’une garde prétorienne. C’est aussi vieux que l’histoire de l’humanité, il allait être poignardé par les siens. Et c’est ce qui s’est passé, un refrain immortel de l’histoire.
Ce fou n’est pas encore réellement à terre mais il a subi sa première blessure. Or, la très grande vigilance des tyrans est de ne jamais laisser voir ni entrevoir une faille, elle serait mortelle. Car tout l’édifice repose sur la terreur et la cupidité des courtisans.
Lorsque c’est par la terreur, le moindre faux pas et ils en profitent pour l’abattre. Et lorsque c’est par cupidité, la moindre défaillance met en danger leur empire financier, il faut alors qu’ils éliminent le risque.
Poutine, comme les autres monstres de l’histoire, était en danger absolu car c’était en même temps, semer la terreur et gouverner en rétribuant l’avidité de ses proches.
Non, il n’est pas encore totalement tombé, ce Bokassa de Russie, celui qui se rêvait en Tsar, mais il a mis un genou à terre, il est humilié.
Or, une autre raison pour laquelle les tyrans règnent sur la population crédule est la création perpétuelle du mythe de l’agression par l’ennemi extérieur. L’empire russe, comme l’URSS ont toujours vécu ce fantasme, cette crainte manipulée par le régime politique pour souder les populations autour de la force du protecteur.
Non seulement Vladimir Poutine ne les protège plus d’une défaite contre un pays aussi petit que l’Ukraine mais il n’arrive même pas à arrêter une bande de mutins qui se lance à la conquête de Moscou et parvient, en une balade de campagne, jusqu’à presque aux portes du Kremlin qui est obligé de se barricader.
Et voilà que le Tsar prouve sa défaillance en intervenant à la télévision (sa télévision), mortifié, costume sombre et austère, paroles fébriles et menaces sans grande conviction. Pire encore, c’est là son erreur fatale, il avait promis une terrible réponse et le voilà qu’il négocie, le soir même, avec les mutins et leur promet une protection pénale.
Et pendant plus de vingt-quatre heures (rappelons-le, à l’instant de la rédaction de l’article), il est dans un silence assourdissant. Incroyable que pour une tentative armée on n’entende également ni le ministre de la guerre, ni le chef d’état-major de l’armée.
Le Tsar est nu, même si Poutine reprend de la vigueur et sa dynamise sa bonne vielle terreur, il est fini.
Nous, nous connaissons le destin tragique des tyrans car nous avons lu l’histoire, nous ne l’avons pas fantasmée comme ce petit délinquant de Saint Petersburg qui se voyait le Tsar Nicolas 1er.
Mais son instruction est encore plus parcellaire que cela, Nicolas 1er est tombé lorsqu’il a connu une défaite militaire. Poutine ne l’a pas pris en compte ou avait la prétention de croire ne pas en arriver jusqu’à l’échec, inconcevable pour lui.
Il vient de mettre un genou à terre. Chez les loups, le blessé n’a aucune chance, seul le fort domine la meute.
Boumediene Sidi Lakhdar, enseignant