Lundi 9 décembre 2019
L’échec de l’entrée en bourse de l’Aramco : bonne augure pour l’OPEP
Après une réunion marathon de plus de six heures à Vienne, les 14 membres de l’OPEP ont décidé de reprendre leurs discussions le lendemain, laissant deviner des dissensions entre les membres de l’organisation sur l’ampleur et la répartition des réductions de production à concéder.
Le royaume wahhabite représenté par son ministre n’a pas mis des gants, ce qu’il ne le faisait d’habitude pour pousser à l’augmentation des quotas pour redresser les prix qui arrangerait les affaires du géant Aramco qui vient de franchir ses premiers pas en bourse. Finalement le vendredi 6 décembre, l’OPEP et ses alliés sont parvenus à un accord non seulement de reconduire leur ponction habituelle de 1,2 millions de barils mais lui ajouter à compter de ce premier janvier 2020, 500 000 barils de plus, répartis en quotas pour chacun des membres.
On apprend aussi par le biais de Mohamed Arkab, le ministre de l’Energie que certains pays avaient volontairement accepté de baisser leur production encore à des niveaux plus bas que ceux fixés par l’OPEP, à l’instar de l’Arabie Saoudite avec une baisse s’élevant à 167 000 barils/jour, et des Emirats arabes unis avec 55 000 barils/jour. Il rassure en ce qui concerne l’Algérie sa part n’aura aucune « incidence sur ses exportations de pétrole et ses ressources en devises ». De suite le marché ne s’est fait pas attendre pour réagir positivement. L’Arabie saoudite, 2e réserves prouvées avec 266 milliards de barils, a même fait part de son intention d’aller au-delà de cette baisse.
Présente au sommet, la Russie a accepté cette proposition. Celle-ci n’est pas membre de l’OPEP, malgré ses importantes réserves de pétrole, 7e réserve mondial avec 80 milliards de barils prouvés, mais concerte souvent ses actions avec le cartel.
En réaction, les prix du pétrole ont fortement augmenté. A la Bourse de Londres, le baril de Brent de mer du Nord est passé à 64,6 dollars, soit une hausse de 1,92% par rapport à jeudi. A Wall Street, le baril de pétrole américain est passé à 59,5 dollars, soit une hausse de 1,85%. Les membres de l’OPEP, qui représentent la moitié des stocks de pétrole mondiaux, entendent ainsi réagir à une demande en hausse, ainsi qu’à se préparer à la concurrence du gaz de schiste américain. Non membres de l’organisation, les Etats-Unis détiennent également la dixième réserve prouvée avec 36 milliards 520 millions de barils. Il faut préciser par ailleurs que les niveaux de production des pays non membres de l’OPEP battent des records: les États-Unis, premier producteur mondial depuis 2018, extraient de grandes quantités de pétrole de schiste, le Brésil et le Canada ont également augmenté leur production et d’autres, comme la Norvège, projettent de le faire. Les cours sont relativement stables depuis la précédente réunion, en juillet, tournant autour des 60 dollars le baril pour le Brent, la référence européenne, hormis un pic en septembre à la suite des attaques contre des installations pétrolières saoudiennes.
1-L’Arabie Saoudite a d’autres objectifs en tête
Le premier jour de la réunion des 14 membres auxquels ont rejoints certains pays producteurs non OPEP, le géant pétrolier Aramco avait confirmé être parvenu à lever 25,6 milliards de dollars. Cette entrée considérée comme satisfaisante malgré un by – pass des investisseurs occidentaux pour diverses raisons, et considérée par ses initiateurs comme la plus grosse introduction en bourse dans l’histoire. Pour les fonds levés qui valorisent l’entreprise à 1700 milliards de dollars disent certains analystes, elle reste tout de même plus importante que celle d’Apple (1200 milliards) Microsoft (1140 milliards) et Alibaba (1051 milliards). C’est un peu moins que les 2000 milliards visés par le jeune prince héritier Mohamed Ben Salmane lorsqu’il a initié ce projet il ya de cela 4 ans. L’ambition l’a poussée jusqu’à espérer lever plus de 100 milliards de dollars. Officiellement, dans son communiqué, Aramco a confirmé que l’entreprise « cèderait, après avoir rempli tous les prérequis légaux, 3 milliards d’actions, soit 1,5% de son capital, au prix unitaire de 32 riyals (8,53 dollars).»
C’est le haut de la fourchette de 30 à 32 riyals que s’était fixé le mois dernier le groupe, alors que les grandes banques conseillant l’entreprise dans cette transaction, avaient demandé aux autorités saoudiennes d’être prudentes afin d’éviter les secousses lors des premiers jours de cotation. Pour le moment, ce sont principalement les Saoudiens qui ont souscrit à cette opération, les grands investisseurs étrangers s’interrogeant sur la gouvernance, la capacité du groupe à protéger ses installations pétrolières et la pérennité de ses bénéfices face au durcissement des politiques environnementales à travers le monde.
De nombreux investisseurs étrangers se demandent s’ils auront leur mot à dire sur la gouvernance vu l’emprise du gouvernement saoudien sur l’entreprise, tandis que d’autres jugent Aramco surévalué comparé à des rivaux comme ExxonMobil, Royal Shell Dutch ou encore Chevron.
En reprenant son rôle de Sewing Producer, le royaume espère lever la valeur de son entreprise dont l’évaluation de ses réserves qui sont fortement dépendantes de l’évolution des prix du baril du pétrole. Sa stratégie donc change et c’est tant mieux pour les autres membres de l’OPEP dont l’Algérie et le Venezuela pour ne citer que ceux là.
Il est clair que l’Aramco est le joyau économique de l’Arabie saoudite et produit environ 10% du pétrole mondial, de sorte qu’acheter des titres de la société revient à faire un pari sur la hausse des prix de l’or noir. L’entreprise est considérée comme le pilier de la stabilité économique et sociale du royaume.
L’Arabie saoudite a ainsi tout intérêt à voir les prix du pétrole progresser et c’est encore une fois tant mieux qu’une telle opération restera bénéfique pour les pays producteurs dont le développement est lié justement au prix du baril