L’IA déferle sur le monde, spontanément les systèmes éducatifs s’enflamment dans une frénésie à vouloir préparer la future génération à la formation de la nouvelle innovation.
Comme à chaque fois voilà que se réveille la sempiternelle affirmation « il faut le leur apprendre dès l’école ». Si la réaction paraît à première vue évidente et nécessaire, elle a très souvent entraîné ces systèmes éducatifs vers un chemin à pente glissante.
L’école devient le réceptacle de toutes craintes aussi bien que de toutes les ambitions de la société. Pas une seule vague d’inquiétude ou de rêve qui la traversent sans qu’on se retourne vers l’école pour exiger d’elle qu’elle agisse dans la formation des jeunes. Durant ces dernières décennies l’inflation du « il faut le leur apprendre dès l’école » atteint des sommets jamais atteints.
L’éducation à la santé alimentaire considérée indispensable pour la santé en luttant contre la « malbouffe », et hop des cours, des travaux pratiques et des interventions pour reconnaître les produits sains aux jeunes jusqu’à les initier à la cuisine. Le réchauffement climatique, et hop une avalanche de cours et de pédagogie sur le thème. La généralisation de l’anglais comme langue universelle, vite, installons l’anglais depuis la maternelle !
Les dangers des maladies liées aux rapports intimes, d’urgence introduisons une initiation aux pratiques de protection. Le décrochage du pays dans les sciences, voilà que fleurissent les démarches comme par exemple celle de la « main à la pâte » en France avec des Prix qui récompensent des classes d’école primaire et de collège ayant mené des projets éducatifs privilégiant l’investigation et l’expérimentation scientifique.
Mais la plus ancienne demande de la société dans le « il faut le leur apprendre dès l’école » est la préparation du futur citoyen pour éviter une société rongée par les incivilités et une méconnaissance des institutions. À priori c’est le but premier du système éducatif qui consiste à construire des citoyens. Qui pourrait le contester si on expose de cette manière la demande ?
Cependant nous avons vu que la modernisation des sociétés dans ses mœurs dans les dernières décennies refusait de revenir à ce qu’elle estimait être une mainmise de l’ordre moral sur l’éducation dont le véhicule premier était l’ancien cours de morale.
Mais en supprimant la notion de morale cela n’a pas empêché les sociétés d’être frappées par la montée des incivilités et d’ignorance de la chose publique. Voilà qu’on y revient avec les programmes d’une nouvelle discipline à ce sujet dans pratiquement tous les cursus scolaires dès les années 80’. On a supprimé le mot moral, remplacé par la notion de cours d’éducation civique et des institutions.
Nous pourrions citer de très nombreux autres exemples. Comme nous l’avons dit, tout semble légitime et nécessaire lorsqu’on les prend en compte un par un. Hélas, c’est une très grosse illusion de penser que l’école peut tout faire et même dangereux de charger la barque dans un désordre devenu indescriptible. Pour l’expliquer, on peut raisonner en deux points qui sont en corrélation.
Le résultat de tout ce capharnaüm est qu’on a laissé se déliter tous les enseignements de base pour la formation scolaire, soit écrire, lire et compter convenablement. Une marée d’indigence s’est abattue dans les systèmes éducatifs de très nombreux pays. De très gros contingents d’élèves arrivent au niveau d’âge de la sixième (ou l’équivalent selon l’organisation de chaque pays) avec une incapacité notoire à affronter le palier supérieur d’apprentissage.
Les états investissent des sommes colossales pour soutenir ces malheureux enfants qui se déversent dans le tonneau des Danaïdes. Rater le niveau primaire et l’élémentaire est un gros boulet qui est attaché aux pieds de ces enfants. Certains réussissent à s’en sortir et progresser avec des efforts considérables des équipes pédagogiques et par la volonté d’eux-mêmes mais beaucoup trop restent sur le banc et voient partir le train vers les hautes études.
Attention, pas de méprise, lorsque je parle des matières générales, je ne pas pas seulement de la voie générale mais également de la voie technologique et professionnelle. Le mot identique prête à confusion.
Le second point est que rares sont ceux qui rappellent que tous les dispositifs mis en place pour libérer les sociétés de leurs craintes et assouvir ses projets fantasmés, sont depuis longtemps intégrés dans les matières qui constituent le socle classique des enseignements.
Tout y est, aussi bien la faculté de prendre conscience des bases de l’éducation civique que l’appréhension de toutes les connaissances des pratiques sociales.
Comment cela se fait-il ? La réponse est simple et connue depuis des siècles, non seulement les matières de fondamentales les ont intégrés mais surtout le fait d’élever les facultés cognitives, notamment par la capacité d’aborder l’abstraction, renforce les aptitudes pour se confronter aux questionnements de la société. Ce sont les élèves les plus solidement formés dans l’enseignement général qui sont ceux qui peuvent aborder tous les défis jusqu’aux niveau d’érudition.
Pour autant, mon intention n’est pas de fustiger les systèmes éducatifs pour s’être engouffrés dans le « Il faut le leur apprendre dès l’école ». Je me dissocie totalement des mouvements conservateurs et d’extrême droite qui font leur credo du retour exclusif au socle classique. Eux, contrairement à beaucoup d’entre nous, veulent retourner aux pratiques d’humiliation et de brutalité ainsi qu’à celle de l’enferment et de l’endoctrinement.
Je pense que les équipes pédagogiques sont merveilleuses et font tout pour la réussite des enfants. Ils sont incroyables dans leurs efforts. Ils ne font, eux comme les programmes scolaires, que ce qui leur paraît bien pour leur donner toutes les chances.
Mais on peut être en désaccord par la prise en compte négative des résultats avec des personnes remarquables, cela n’enlève rien à l’honneur de leur dévouement.
Alors, laissons l’IA en dehors de l’école. Ce sont ceux qui sont les mieux formés dans l’approche scolaire générale qui seront les mieux armés, aussi bien pour se prémunir des dangers (ce qui n’est pas certain pour tous) et même pour en devenir les experts dans son domaine hautement spécialisé.
Pour ma part, je ne suis ni un grand scientifique ni ne peut être certain de pouvoir éviter tous les dangers de l’IA. Quant à cuisiner un couscous, l’humanité disparaîtrait par la faim avant que je réussisse dans ce grand défi.
L’école est responsable parce qu’elle aurait dû m’apprendre à le faire dès le jeune âge et aussi m’apprendre à ne pas être de mauvaise foi à la fin d’un article.
Boumediene Sid Lakhdar
ca ne peut etre pire que l’abrutissement artificiel. ca va equilibrer les enfants algeriens. 12 ans sur les bancs seront comme une longue colonie de vacances !
L’équilibre est en effet difficile à trouver entre exigences contemporaines (acquisitions des savoirs qui ne sont plus les mêmes tous les 10 ans) et préoccupations traditionnelles de formation du citoyen, de l’être social, de l’individu.