Il est des hommes habités par la poésie ; toute leur vie est ainsi vouée aux mots, le jour, la nuit. Brahim Saci en fait partie. Depuis, maintenant, neuf ans, il publie recueil sur recueil ; le fleuve poétique qui le prend avec lui ne veut guère le déposer quelque part.
Certes, il y a des thématiques qui reviennent dans ces textes mais le poème n’est jamais le même ; comme si le temps faisait changer, d’une façon ou d’une autre, le regard du poète, pour le mener, toujours, au fond de lui-même, dans un processus interminable de la quête de l’essentiel.
Dans son 21e recueil, intitulé L’Echo d’Amélie, le poète revient vers cette muse, déjà présente, dans le tout premier recueil ; l’amour, c’est connu, est inépuisable. Et pourtant, il y a la séparation, il y a les années qui se sont amoncelées, il y a une forme de sagesse qui pousse à accepter la fin de l’aventure. Préfacé par Philippe André, ce recueil est introduit par une phrase de Victor Hugo : « Tu n’es plus là où tu étais mais tu es partout là où je suis ».
Brahim Saci se souvient du Calvados des jours heureux, de ces belles virées dans le Nord, empreintes d’harmonie, de rires et de nobles sentiments. La Normandie lui paraît, aujourd’hui, perdue ; elle est située dans un passé impossible à revivre.
Filou, c’est le chat ramené de Kabylie ; c’est le gardien silencieux de toute l’histoire d’amour. Filou est également le témoin de la fin d’un monde. « Brise mélancolique, souffle des regrets, tu portes mes rêves en habits discrets, tu passes sur l’âme en silence apaisé, et tu laisses un goût de ciel embrumé », se souvient le poète.
L’absence est ainsi un effroi, un immense vide ; la plume tente de faire revivre les senteurs d’autrefois. Le poète crie son désarroi ; il ambitionne de ne pas sombrer. « Je n’ai plus peur de leurs silences, je porte en moi la délivrance, chaque mot que je n’ai pas dit, devient flamme, devient défi », confie Brahim Saci.
Dans un monde tourmenté, le poète ne peut pas rester insensible au malheur des plus faibles. « Les enfants tombent sans bruit, sans cercueils, sans noms, sous les regards froids de ce vieux monde en plomb, et moi, naufragé de l’amour et du sens, je cherche un pourquoi dans ce long silence », écrit Brahim Saci dans un poignant poème intitulé, Palestine déchiquetée.
Mais il faut toujours garder l’espoir de jours meilleurs. Car, nous dit Brahim Saci, l’espoir naît d’un souffle ancien qui traverse le destin. Car le poète sait, désormais, que la muse, son éden perdu, coule dans ses veines.
Youcef Zirem
L’Echo d’Amélie, de Brahim Saci, éditions du Net, 2025


