Comment voulez-vous éduquer les élèves et étudiants qui voient à la télévision leur ministre de l’éducation, Élisabeth Borne, ancienne Première ministre de la France, vapoter sur les bancs de l’Assemblée Nationale ?
Et Rachida Dati, ministre de la Culture, sur ces mêmes bancs, mâcher un chewing-gum, sans même essayer de camoufler les mouvements grossiers de sa mâchoire comme savent si bien le faire certains élèves et étudiants. Je dis grossier, seulement en considération du lieu et du moment.
Puis, rien ne vous a choqué davantage ? Vous n’avez pas remarqué les deux mots dans les deux postes assumés, ÉDUCATION ET CULTURE ?
Après cela, allez éduquer les jeunes dans une salle de classe et dans les couloirs ! Ils seraient parfaitement légitimes de vous lancer à la figure qu’on devrait d’abord s’adresser aux plus hautes autorités de l’État.
Que voulez-vous qu’on réponde? « Ce n’est pas la même chose ! ». A bon ! diraient-ils, ceux qui nous bassinent tous les jours sur la nécessité de notre éducation à devoir respecter les règles d’une bonne tenue et de respect vis-à-vis des autres ?
Les deux ministres ont déjà fait l’objet d’une remontrance par les médias. Croyez-vous qu’elles ont entendu ou compris la réprimande ? Les voilà qui récidivent, sans aucune vergogne, au moment du discours solennel du Premier ministre lors de sa présentation du budget.
Il y a quelques années une photo de presse avait pris en flagrant délit un député qui lisait le journal. Cette photo avait choqué le public, c’était considéré comme une insulte à son vote pour un élu qui le représente.
Pouvait-on s’imaginer que quelques années plus tard, on pouvait vapoter et mâcher du chewing-gum dans le lieu de la représentation nationale ? Non seulement dans ce lieu mais aussi par entraînement dans tous les autres qui exigent une tenue respectueuse en public (je parle de la tenue du comportement pas celle des habits).
Comment voulez-vous que cela ne se produise pas en classe. Les ordinateurs sont maintenant admis en cours pour prendre des notes et c’est une très bonne chose. Mais un grand nombre nous prennent pour des imbéciles en nous disant qu’ils prennent des notes alors qu’ils sont sur Facebook ou autre réseau social ou encore en consultation des mails.
Les chroniqueurs dans les émissions de télévision ne font pas mieux pour beaucoup. Ils utilisent leur smartphone. Leur justification est aussi piteuse que celle des collégiens et des étudiants qui me me donnent la leur. Ils surveilleraient en temps réel les informations pour la réactivité de leurs interventions.
Et nous pourrions remplir cette page avec une infinité d’autres exemples. Finalement, je me demande si je ne suis pas le seul naïf dans cette indignation. Après tout, pourrait-on me dire, que je suis en retard d’une guerre. Et lorsque j’y pense, n’est-ce pas moi qui a toujours accusé les conventions sociales qui finissent toujours par brider les choix et pensées des citoyens ?
N’est-ce pas moi qui s’est toujours opposé à l’obligation de porter une cravate dans les lieux et dans les moments de cérémonies publiques ou dans les célébrations familiales ? Pourquoi interdire de chausser des baskets dans de telles circonstances y compris avec un costume ?
Tout cela est vrai. Mais après tout pourquoi la cravate serait-elle un signe de respect, un petit bout de tissu qui pendouille depuis le cou, attachée par un nœud qui exige un diplôme pour le nouer ? Pourquoi être obligé de porter une robe qui brille à un kilomètre pour faire comprendre dans un mariage combien le salaire du mari est de la noble caste des cadres ou des gros commerçants ?
Et ainsi de suite.
Le respect, la bonne tenue et l’éducation se résument-ils à des bouts de tissu et un cuir au pied ? Et pourquoi faisons-nous obligation au pauvre malheureux d’avoir un costume dont le prix fait deux mois de salaire ?
Je suis en contradiction flagrante avec moi-même et ce que j’ai dit en premier ? Je plaide non coupable d’hypocrisie car pour le vapoteur et le chewing-gum de mesdames les ministres, nous sommes dans un autre cas. C’est celui d’avoir l’extrême irrespect de ne pas écouter celui qui vous parle.
C’est vrai que personne n’est obligé d’écouter celui qui parle, surtout celui qui vous plombe les nerfs avec une heure de discours, me dira-t-on. C’est exact mais dans ce cas pourquoi venir l’écouter. Personne n’a été obligé de venir écouter le premier ministre sur les bancs des ministres à l’Assemblée.
Après tout, aucun élève ou étudiant n’est obligé de venir en classe pour écouter le professeur et réussir son examen, n’est-ce pas ? Personne n’est obligé d’écouter les paroles de celui qui vous invite à la maison, n’est-ce pas ?
Vous avez compris qu’à travers ces exemples en humour provocateur, dans le cas de l’écoute à priori voulue et acceptée, on ne peut accepter les arguments précédents. Les deux ministres ne peuvent évoquer la liberté de leur comportement. Ils ont accepté la responsabilité d’assumer une charge gouvernementale et le budget qu’ils ont contribué à construire et pour lequel ils se sont battus pour en avoir une grosse part. Et ne pas écouter celui qui parle en leur nom, surtout lorsqu’ils s’agit de celui qui les a choisis et nommés est un manque d’éducation.
Oh combien je souhaiterais qu’à la maison on m’écoute toujours avec une grande attention lorsque je parle. Le souci est qu’on me dit que je parle trop. Que les gens de ma génération soient honnêtes, qui écoutait les cinq heures de discours de Fidel Castro sur la Place de la révolution ?
Et vous, mes chers lecteurs, vous pouvez vapoter et mâcher un chewing-gum, je ne parle pas, j’écris.
Boumediene Sid Lakhdar