Si l’on se réfère à la définition du Larousse, l’élitisme est cette attitude ou politique visant à former et à sélectionner les meilleurs éléments d’un groupe sur le plan des aptitudes intellectuelles ou physiques, aux dépens de la masse.
En France notamment, même François Hollande, appelé à représenter l’élite politique suprême, celle de président de la République, avait déclaré : « Je serai un président normal, pas un président ordinaire ».
L’élitisme est donc méritocratique lorsqu’il fonde son pouvoir, c’est-à-dire ses capacités réelles, sur les qualités intrinsèques qui définissent le mérite, à savoir : la moralité et l’intellectualité. On pourrait d’emblée parler de qualités de caractère, voire de qualités ontologiques, relevant du sujet lui-même et non de sa simple fonction ou de son titre. Ceux-ci pourraient d’ailleurs servir de faire-valoir, alors même que les qualités requises n’y sont pas. Se trouve par conséquent justifiée, la pensée de l’ingénieur et homme politique français, Raoul Dautry : « Appartenir à l’élite, cela ne dépend pas de la fonction mais du caractère, de la valeur spirituelle de l’homme. »
En d’autres termes, le pouvoir de l’élitisme méritocratique n’est pas un pouvoir factice, de simple titre ou de fonction. Il ne relève pas du désir de puissance et de domination mais repose sur le savoir comme valeur intellectuelle et morale, savoir qui sert d’unique critère pour accéder au rang des meilleurs, appelés à l’exigence fondamentale de l’excellence. Dans l’élitisme méritocratique, le savoir est donc premier par rapport au pouvoir qui en découle.
Par conséquent, contrairement à une pensée démocratique défendant l’idée d’un pouvoir accessible au peuple, Platon conçoit sa cité sur le modèle aristocratique où seuls les meilleurs, intellectuellement et moralement formés, peuvent gouverner.
Dès lors, le caractère sélectif de l’éducation platonicienne n’a rien d’arbitraire puisqu’il est fondé sur les potentialités et la valeur morale du sujet. Il vise ainsi des chefs désintéressés, c’est-à-dire des sages, n’ayant que faire du pouvoir, de l’ambition, de la reconnaissance.
En effet, la valeur intellectuelle de la philosophie elle-même – dont le mérite est dans l’exercice même d’une pensée critique libre qui doute et qui cherche la vérité par l’art d’argumenter et de convaincre – peut d’autant plus être menacée que s’instaure avec le règne des opinions, la norme d’une rhétorique persuasive.
Cette dernière n’a d’autre fondement que le déploiement de sa force démagogique et séductrice, soumettant ainsi non seulement le peuple mais aussi l’élite philosophique à la tentation d’y adhérer et de se laisser prendre, dans sa pratique philosophique même, aux filets d’un discours sophistique trompeur.
Le beau parleur, à cet égard, quels que soient l’époque et le domaine, artistique, littéraire, politique… n’est souvent pas en reste lorsqu’il s’agit de jouer sur les apparences d’une parole savante et d’abuser de termes techniques sophistiqués qui n’en sont pas moins filandreux, pour épater l’auditoire. Une élite peut décidément en cacher une autre, surtout par des détours sophistiques. Elle confirme ainsi son intérêt pour le pouvoir de la masse au détriment du savoir.
Si donc, le meilleur est bien « supérieur à la moyenne », comme le suggère l’expression courante, il ne peut être son égal. D’où l’idée de décapiter l’élite, disons de la rendre égale à la masse tout en gardant le concept d’un élitisme pour tous, soit un élitisme méritocratique dans lequel, à défaut de devenir le meilleur, il s’agira de répondre au nouveau critère de la médiocrité.
Les meilleurs s’imposent d’eux-mêmes, naturellement, leur sélection ne se décrète pas de l’extérieur et arbitrairement, sauf à nier une certaine réalité et à fabriquer un élitisme méritocratique artificiel, uniquement fonctionnel, sans véritables compétences affirmées ou appropriées.
Pourtant, qu’en est-il concrètement de cet élitisme méritocratique ? N’opère-t-on pas une sélection insidieuse qui ne reposerait plus sur les réels talents et compétences de l’individu mais sur des finalités et orientations politiques ? François Hollande parle « d’alacrité » d’un Président moribond, normal ou paranormal ?
Dr A. Boumezrag