23 novembre 2024
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Les Algériens : de l’université à l’exil

Regard

Les Algériens : de l’université à l’exil

Campus France est assailli de demandes des étudiants algériens qui quittent massivement le pays.

La période estivale voit, habituellement, des dizaines, voire des centaines, de milliers d’émigrés algériens revenir au pays pour y passer leurs vacances. C’est aussi le moment de se préparer à émigrer pour des milliers d’étudiants algériens. Campus France d’Alger a fini son tri depuis quelques semaines et le consulat délivre des visas pour les heureux élus qui sont quelques milliers parmi les dizaines de milliers de candidats.

Les mouvements de populations et les flux migratoires ne sont pas des phénomènes sociaux nouveaux ou récents. Les guerres et les famines ont généré d’innombrables déplacements de populations à travers l’histoire. Les dictatures ont forcé des millions d’individus à l’exil. La misère pousse une multitude de personnes à émigrer comme c’est le cas actuellement avec des flux migratoires clandestins vers l’Europe. Cette Europe qui attire aussi des êtres qui aspirent à une vie meilleure d’un point de vue humain.

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Depuis quelques années un phénomène d’émigration illégale se développe en Algérie avec ceux qu’on appelle les « harragas » ; ce sont les candidats à l’exil qui ne sont pas désirés par l’Europe, notamment la France qui est la destination privilégiée par cette population pour des raisons historiques, sociales et culturelles.

L’immigration en France fait continuellement l’objet de restrictions depuis quelques lustres mais l’accueil des étudiants étrangers n’a fait l’objet que d’une réorganisation avec la création de Campus France. Pour le contrôle des flux migratoires estudiantins, Campus France a pour mission d’instaurer des quotas pour chaque pays pourvoyeur d’étudiants candidats à l’exil et d’organiser la sélection dans les pays pourvoyeurs d’étudiants-émigrés.

Avant Campus France, la majorité des étudiants étrangers en France était issue de l’Afrique. Avec cette nouvelle organisation, il y a une volonté de diversifier les origines des étudiants étrangers en France. La sélection dans les pays d’origine des candidats à la poursuite des études en France permet cette régulation tout en évitant de recevoir dans les universités de l’Hexagone des étudiants « non désirés ».

Avec Campus France, le gouvernement français est certain de faire au mieux pour n’accueillir que les meilleurs étudiants de ces pays. Il faut dire que le nombre d’étudiants des pays sous-développés qui vont poursuivre leurs études en France qui reviennent dans leurs pays est infime.

Ainsi, grâce à Campus France, la France pompe le peu de matière grise qui arrive à se former dans les universités de ces pays qui n’arrivent pas à retenir leurs enfants les plus doués parmi leurs diplômés de l’enseignement supérieur : ils les forment jusqu’à un certain niveau pour les « offrir » ensuite à des pays qui connaissent la valeur des ressources humaines. Personne n’est dupe du mythe du retour des étudiants dans leurs pays à l’issue de leurs cursus universitaires en France : ceux qui échouent aux autres étapes de sélection se débrouillent pour s’installer, même dans d’autres pays occidentaux (comme le Canada, par exemple).

Nos aînés ont vécu l’émigration et l’exil comme une grande souffrance, voire une sorte de malédiction. On émigrait par nécessité économique, et l’arrachement aux siens était une douleur subie par l’émigré qui ne l’avait pas souhaité. L’émigration n’était pas un rêve mais un cauchemar. Vivre loin des siens n’est pas quelque chose qui aide à vivre heureux. La nostalgie de l’exilé n’est pas faite pour contribuer à son bonheur. Les émigrés ne choisissaient pas leur condition et leurs familles n’étaient pas heureuses de la séparation imposée par les conditions socio-historiques et économiques.

Il y a évidemment des personnes qui avaient choisi d’émigrer sans y être contraints par des considérations économiques ou politiques. Mais elles ne constituaient pas une partie importante de l’émigration. Il y a toujours, et sous tous les cieux, des gens qui pensent qu’ils seront mieux ailleurs que chez eux, en quête d’un bonheur qu’ils n’arrivent pas atteindre dans leurs pays.

De nos jours, l’émigration semble souhaitée par de plus en plus d’Algériens. Et les étudiants n’échappent pas à cette tendance. Les parents s’associent souvent aux projets d’émigration de leur progéniture. Il y a des parents qui envoient leurs enfants très jeunes en Occident, quand ils n’arrivent pas à émigrer en famille. Il y a de plus en plus de parents qui recourent à l’exil pour «sauver» leurs enfants !

Le fait que d’innombrables parents ont pour premier projet l’exil pour leur progéniture montre à quel point le pays est devenu désespérant.

Lorsque les jeunes et les moins jeunes rêvent, en masse, d’aller vivre loin de leurs parents et amis, préférant l’exil à la chaleur du pays natal, on comprend que l’avenir du pays est sérieusement compromis.

56 ans après une indépendance chèrement acquise, l’Algérie désespère ses enfants, excepté ceux qui profitent du système. Des centaines de milliers d’Algériens ont payé de leurs vies pour que le peuple algérien vive dans la liberté et la dignité. Un demi-siècle a suffi à ceux qui ont confisqué l’indépendance pour humilier le peuple et le désespérer. Un peuple qui voit, impuissant, ses enfants partir sous d’autres cieux en quête d’un bonheur qui leur semble impossible chez eux ; « Celui qui veut quitter le lieu où il vit n’est pas heureux », écrit Milan Kundera dans « L’insoutenable légèreté de l’être » (p. 46).

Auteur
Nacer Aït Ouali

 




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