4 novembre 2024
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Les citoyens américains ne bénéficient pas tous d’un droit de vote équivalent

C’est une affirmation très étonnante qui ferait penser à une plaisanterie surtout pour un pays qui reste malgré tout la première démocratie dans le monde, par sa constitution républicaine qui fut historiquement la première et son ancrage dans des pratiques conformes à celle-ci.

Pourtant, nous l’avions appris en droit constitutionnel dans notre première année d’études universitaires, le droit de vote à l’élection présidentielle n’a pas la même valeur pour tous les électeurs américains.

L’explication de cette apparente incongruité était historiquement cohérente avec le système démocratique américain si nous en revenions à la base fédérale de sa création. Mais cette cohérence que nous comprenions à l’époque est-elle aujourd’hui encore justifiée ?

Pour cela il faut reprendre l’origine historique du mode de scrutin américain très particulier. Dès sa déclaration d’indépendance le territoire américain est à une échelle continentale. Il faut également se souvenir qu’un très vaste territoire au centre du pays avait été cédé par la France pour financer les guerres napoléoniennes.

Durant les grandes vagues de colonisation par l’immigration massive, c’est tout à fait naturellement que des communautés se regroupèrent par origine des différents pays européens même si ce n’est que la tendance forte et non celle de toutes les situations.

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La gestion des territoires colonisés était ainsi dévolue à ces communautés qui voulaient garder jalousement leurs pouvoirs et c’est ainsi qu’une double méfiance s’installa. Tout d’abord celle envers des différentes menaces qu’étaient les brigands, les autres communautés, la rivalité territoriale avec les indiens d’Amérique, l’hostilité de l’environnement naturel et ainsi de suite.

Les jeunes lecteurs comprendront ainsi l’origine première du second amendement de la constitution qui autorise l’achat et le port libre des armes. Une thématique profondément clivante entre le socle électoral des républicains, particulièrement celui des Trumpistes, et une majorité des électeurs démocrates.

La seconde explication en est le corolaire, les communautés très lointaines du pouvoir central étaient méfiantes envers les hommes politiques de Washington qu’ils considéraient comme corrompus et complètement déconnectés des réalités des territoires.

Il était peu probable que cette nouvelle démocratie se développe en un état centralisé. Voilà ce qui explique que le système fédéral s’est imposé dans la réalité administrative territoriale des Etats-Unis et s’est enraciné dans la culture profonde des citoyens américains.

Mais comme il fallait une représentation fédérale dans l’élection présidentielle, elle s’est incarnée à travers la position des Etats.

Ainsi il y a une démocratie directe dans chaque état puisque tous les électeurs d’un état votent pour leurs candidats, essentiellement pour ceux du parti républicain et ceux du parti démocrate.

On pourrait se dire que jusque-là rien de dérogatoire avec le principe de la démocratie. Il y a pourtant une spécificité qui remet les états au centre du jeu électoral. Cette spécificité est ce qui est appelé par l’expression retenue par la célèbre chanson d’ABBA (bien entendu, aucun rapport), « The winner takes it all ».

Quant au nombre de délégués qui seront les « grands électeurs » qui éliront le Président il est essentiellement fixé par rapport à la population. Le parti politique qui collectera le plus de voix bénéficiera de tous les sièges de l’Etat.

Cela nous parait totalement contraire à la démocratie mais le système est conforme au fédéralisme car ce sont les Etats qui s’expriment et donc le vote de chacun ne peut être que celui d’une entité unique.

Au fond il s’agit ni plus ni moins que ce que nous connaissons dans beaucoup d’autres états, le scrutin majoritaire par circonscription mais dans sa version la plus extrême.

Et nous revenons ainsi à la très ancienne critique envers le scrutin majoritaire qui est celui de détourner la démocratie dans sa pureté. Pourquoi ? Tout simplement parce que les voix qui ne se sont pas exprimées en faveur du parti majoritaire de l’Etat ne peuvent être pris en compte dans le décompte général au niveau du pays.

Si le parti démocrate est majoritaire dans un état, toutes les voix des républicains ne servent à rien et inversement.

Voilà pourquoi nous arrivons à cette conséquence inouïe qu’un candidat à l’élection présidentielle puisse recueillir la majorité des voix des citoyens et pourtant la perdre s’il n’a pas obtenu la majorité des voix des grands électeurs.

Bien que cela soit connu depuis la création du pays, c’est lors de la première élection de Donald Trump que le monde entier s’était rendu compte que Hillary Clinton n’avait pas été élue alors qu’elle avait totalisé la majorité des voix des citoyens américains.

Nous avions tous compris que ce système était cohérent avec le fédéralisme et nous l’expliquions à ceux qui n’en avaient pas les clés de compréhension. Mais aujourd’hui cette procédure électorale nous semble complétement archaïque et contraire à la démocratie. Ce que pense d’ailleurs un nombre de plus en plus croissant d’américains.

Les raisons historique qui ont produit ce système ne sont plus valables aujourd’hui. Avec les moyens gigantesques de communication les citoyens sont autant connectés à leur état qu’à tout le pays. Les particularités territoriales n’apparaissent que pour de moins en moins de thématiques quotidiennes.

Dans notre époque totalement bouleversée par la mondialisation et l’unicité, nous ne pouvons plus comprendre ce système électoral que j’avais pourtant trouvé cohérent et légitime pour un pays fédéral il y quarante-neuf ans dans le cours de droit constitutionnel.

Boumediene Sid Lakhdar

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