AccueilCulture"Les graines du figuier sauvage", un film document de haute teneur !

« Les graines du figuier sauvage », un film document de haute teneur !

Le film iranien Les Graines du figuier sauvage est traversé de part en part par des tensions insoutenables à commencer par celle de l’intrigue elle-même.

Dans la capitale iranienne, un climat de colère s’installe, et des manifestations éclatent suite à l’assassinat de Mahsa Amini, pour « tenue vestimentaire inappropriée ». Tandis que le mouvement « Femme, Vie, Liberté » prend forme, Iman est nommé juge d’instruction au tribunal révolutionnaire de Téhéran.

Il est sommé par sa hiérarchie de prononcer des condamnations à mort injustes, sans même lire le dossier, se confrontant à un dilemme moral qui touche également sa femme Najmeh et leurs deux filles. Bien que son poste lui assure une bonne rentrée financière, Iman sait que sa fonction expose aussi sa famille à de multiples dangers. Les trois femmes sont priées de rester cloîtrées dans leur appartement pour ne pas avoir affaire aux ennemis du juge.

Cette situation révèle une tension extrême. Derrière son apparence de huis clos, Les Graines du figuier sauvage ne peut empêcher l’intrusion du monde extérieur dans cette appartement hermétique. Après avoir exploré ces espaces confinés, avec de magnifiques compositions mettant en scène des fenêtres voilées, le réalisateur fait naître une paranoïa croissante, un des symboles du titre, qui pousse progressivement le récit au-delà des murs de l’appartement, transformant ainsi ce drame familial en un véritable film policier.

Sur près de trois heures, c’est cette progression de ton qui frappe par sa richesse et sa capacité à se renouveler. Alors qu’Iman pourrait apparaître comme un protagoniste lucide, conscient de l’absurdité et de la violence d’un système théocratique, il s’enferme plutôt dans le confort de son ignorance et le plaisir d’occuper une position privilégiée au sein d’une hiérarchie dictatoriale. Sa famille devient une micro-réplique de la société iranienne, sur laquelle il exerce un pouvoir de plus en plus arbitraire et cruel, proche de l’implosion.

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C’est dans cette structure étouffante que Mohammad Rasoulof puise une autre tension. La fiction est constamment envahie par la réalité, notamment à travers l’intégration d’images documentaires de manifestations et de répression policière.

Le personnage principal ne peut échapper à ce brouillage de la voix officielle du régime, tandis que la propagande des mollahs diffusée par la télévision est peu à peu mise à rude épreuve par les réseaux sociaux. Lentement, la révolte populaire imprègne complètement l’air respiré dans l’appartement familial, et fait des deux jeunes femmes les véritables héroïnes du film, symboles d’une génération de femmes prête à renverser un régime d’un autre temps.

Bien que le travail d’Iman soit avant tout administratifs, son impact sur la vie des gens est fondamental. Grâce à la tension progressive que la réalisation insuffle dans chaque séquence, le soulèvement qu’il cherche à capter semble flotter dans l’atmosphère du film, jusqu’à ce qu’il se manifeste pleinement.

Le cinéaste s’autorise alors une plongée courageuse dans un rêve déconcertant, qui, à la fin du film, atteint une élégance bouleversante. Face à un pouvoir qui tue sa propre jeunesse, Iman devient une figure d’autorité immorale, poursuivant sa propre famille à travers des ruines labyrinthiques.

Dans cet ouragan d’émotions, de chocs et d’intonations, Les Graines du figuier sauvage exprime le cataclysme et la chute vertigineuse d’un pays où seule la dictature religieuse prévaut. Mais quel film, quelle maestria, quel talent… À voir à tout prix !

Kamel Bencheikh

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