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Les non-dits de l’augmentation de l’allocation touristique

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Depuis la revalorisation de l’allocation touristique à 750 euros, les frontières algéro-tunisiennes connaissent un spectacle inédit : des colonnes de voitures à n’en plus finir se pressent jour et nuit vers Oum Tboul, El Ayoun ou Taleb Larbi.

Ce n’est plus seulement un passage vers la mer, mais un corridor économique où s’entremêlent calculs individuels et desseins d’État. Pour beaucoup de familles, le voyage n’est qu’un prétexte.

Derrière le plaisir affiché de quelques jours en Tunisie se cache une opération bien plus rationnelle : acheter de la devise à 150 dinars pour un euro, la revendre à 270 au retour, et transformer le tourisme en rendement.

Des milliers d’Algériens partent ainsi, semaine après semaine, avec le même plan en tête. Le square s’embrase, les taux s’envolent, et l’allocation se mue en instrument spéculatif toléré. Mais réduire ce phénomène à une simple soif d’opportunité serait naïf.

Car l’État algérien n’est pas dupe : cette mesure, en apparence sociale, répond à une logique plus vaste, économique, géopolitique et psychologique. Sur le plan intérieur, l’allocation agit comme une soupape de détente sociale.

Dans un pays où la convertibilité du dinar reste un tabou, elle offre au citoyen frustré l’illusion d’une liberté financière. En autorisant la sortie de quelques euros, le pouvoir relâche une tension invisible : celle d’un peuple enfermé dans son économie fermée.

Sur le plan extérieur, la portée est encore plus claire. Chaque euro distribué par la Banque d’Algérie traverse la frontière pour se dissoudre dans l’économie tunisienne. Les hôtels, restaurants, stations-service, commerces et changeurs absorbent cet afflux de devises fraîches.

L’argent circule, se reconvertit, se revend : une transfusion économique qui maintient un voisin en convalescence.

L’obligation imposée aux voyageurs de séjourner au moins une semaine n’est pas anodine. Elle vise à garantir la dépense sur place, à éviter que l’allocation ne serve qu’à la spéculation.

L’État algérien s’assure ainsi que la Tunisie, premier bénéficiaire du flux touristique algérien, récolte la part la plus solide de cette manne. Au fond, cette hausse n’est pas tant une faveur faite au touriste algérien qu’un geste politique à l’égard de Tunis.

Une aide financière déguisée, enveloppée dans le papier cadeau du bien-être social. Car en maintenant la Tunisie économiquement à flot, Alger préserve un partenaire stratégique dans un Maghreb sous tension, tout en stabilisant ses propres équilibres internes.

Ainsi, derrière l’apparente ouverture se cache un calcul d’une précision redoutable : réguler la frustration populaire, soutenir un voisin affaibli, et contrôler la sortie de la devise sans l’assumer ouvertement. Une opération doublement rentable : politique pour l’État, économique pour le voisin, psychologique pour la population.

Et au milieu, la frontière devient un laboratoire où la monnaie fabrique la diplomatie.

Hassina Rebiane

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