Dimanche 2 juin 2019
Les obsèques de Kameleddine Fekhar dans la fureur
Une foule imposante a rendu un dernier hommage à Si Kameleddine Fekhar, militant des droits de l’homme au cimetière d’El Alia en ce samedi 1er juin.
Ils sont arrivés de Ghardaïa, Tizi Ouzou, Bejaia, Alger ainsi que d’autres régions d’Algérie. La mort du rebelle du M’zab, comme aiment à le qualifier les jeunes de sa région, suite à la grève qu’il a entamée au centre pénitencier de Ghardaïa, survient alors qu’il est évacué à l’hôpital Frantz Fanon de Blida.
Le docteur Fekhar, militant infatigable des droits de l’homme, n’est pas de ceux qui s’accommodent de compromis. Victime de harcèlement judiciaire de la part de l’administration et détenu dans des conditions terribles, Il se bat jusqu’à son dernier souffle.
Les jeunes venus assister à cet évènement majeur, qui se produit dans leur communauté mozabite, sont furieux et révoltés d’avoir du assister à cette conjugaison morbide de l’injustice et de la bêtise.
Vêtus de leur tichberts (djelaba) et portant la tchachits (chechia), il créent une ceinture humaine autour de l’ambulance qui transporte le corps de Si Kameleddine tout en scandant : pouvoir assassin, ulach smah ullach (pas de pardon), Ya Kamel ya Kamel mazalna mo3aridine, mazalna mo3aridine (Kamel nous demeurons opposants), Allah ou akbar kamel Fekhar assou acha Kamel yela yela (allah est le plus grand Kamel est là aujourd’hui et il sera là demain), Kamel Fekhar doula katlatou (Kamel a été tué par l’état), nha 3ani lmounkour (il a mis un terme à l’arbitraire et au mal). Ils sont furieux et convaincus que la mort du docteur Fekhar ne profite à personne, qu’elle est la conséquence de la stupidité et de l’irresponsabilité de certains hommes.
Un quadragénaire interrogé explique que le rebelle paye pour son franc-parler, pour avoir dénoncé les incohérences d’un système judiciaire et politique à l’origine de l’incarcération de centaines d’hommes innocents.
Beaucoup d’hommes politiques sont présents : l’avocat et militant politique Mokrane Ait Larbi, Said Sadi, Bouchachi, Tabou, Laskri, Djoudi etc… Certains d’entre eux sont entourés, expliquent le parcours de Si Fekhar et déroulent toutes les maltraitances qu’il a subi de la part des autorités. Beaucoup de femmes militantes et journalistes assistent aux obsèques, traditionnellement dédiés aux hommes chez les musulmans. La présence d’officiels n’est pas perceptible, mis à part les forces de police qui interdisent l’accès aux véhicules à l’intérieur du cimetière et l’hélicoptère de la police qui reste stationnaire au-dessus d’El Alia durant toute la cérémonie.
Après avoir exposé le corps de Kameleddine, pour qu’il soit vu une dernière fois par les présents désireux de le faire, on le dirige vers la salle des ablutions. Maitre Salah Dabouz, l’avocat de Kameleddine et infatigable militant des droits de l’homme, prononce l’oraison funèbre.
Aouf Hadj Brahimi son codétenu à la prison de Ghardaia qui vient d’être libéré, est soutenu par deux jeunes et avance difficilement vers le lieu d’inhumation. Les centaines de présents récitent en choeur et par cœur, sans aucune hésitation, sourate Ya-Sin composé de 83 versets puis enchaînent avec sourate El Moulouk qui contient 30 versets, tout en procédant à la mise en terre. L’apprentissage du Coran et sa récitation d’un trait est un des fondements de l’éducation religieuse des jeunes du M’Zab.
On se sépare avec calme et dans la dignité, pour laisser si Kameleddine Fekhar, rejoindre le royaume des martyrs qui ont sacrifié leur vie pour que vive l’Algérie.