Vendredi 27 mars 2020
Les phares d’Algérie (VIII)
Phare du Cap de Bougaroun. Crédit photos : Zinedine Zebar.
Nous vous livrons l’histoire des phares du pays tirée du livre « Photographies des phares d’Algérie, de Zinedine Zebar. C’est le fruit de trois ans de périple et des escapades à travers la côte algérienne longue de 1600 km. Le photographe a répertorié 32 phares. Nous vous présentons ici quelques phares de la côte Est du pays.
Le phare du Cap Bougaroun, Collo, (Skikda), 1911
Les travaux pour la construction du phare d’atterrissage en maçonnerie, une tour octogonale, sur le massif du cap Bougaroune, à 28 km à l’ouest de Collo, ont duré de 1869 à 1911. Ces retards sont dus, selon un article d’Algérie Presse Service (APS), à la guerre et aux crises qui ont marqué la France et ses colonies dans les années 1870, et aussi au fait que « le chantier a été ralenti par les difficultés de transport et d’accès, alors que la priorité était accordée aux autres phares en chantier, notamment le phare de Cap de Fer, construit en 1907, à l’Est de Skikda. »
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Pour les autochtones, ce cap est appelé « Berriah », le père des vents ; c’est aussi « Ras Bougaroun », Cap aux cornes, ou encore « Sebâ Rous », les Sept têtes, cap Trêton pour les Grecs. Le cap Bougaroun, point le plus avancé au nord de la côte algérienne, est considéré donc comme le point le plus au nord de l’Afrique.
Le phare de la presqu’île Djerda, Collo (Skikda), 1862
Un phare à tour carrée semblable à un petit mausolée surmonte un rocher de la haute presqu’île qui se distingue par des massifs, jusqu’à la mer, recouverts d’une forêt épaisse de chênes-lièges. Dans cette presqu’île qui met le port à l’abri des vents du Nord et de l’Ouest, il y a des fonds marins dépassant les vingt mètres. Lors d’une tempête survenue le 28 janvier 1878, une vague s’est élevée à 18.7 mètres au-dessus du niveau de la mer et à 33.5 mètres sur le talus.
Collo était un port numide, puis un comptoir phénicien et, aux XIIIème et XIVème siècles un lieu d’échange important. La ville tirait sa réputation de ses cuirs, de sa cire, de son bois et de ses étoffes. « Au Moyen Age, Chullu devenue El Koll est connue comme le port de Constantine dont elle est éloignée de deux journées de marche. El Bekri ne fait que la mentionner ; le Kitab el Itsibar, au XIIe siècle lui consacre une courte notice. «El Koll est une ville ancienne renfermant de nombreuses antiquités provenant des Roum… Les fruits de la terre, les raisins, les pommes y sont très abondants… et les impôts qu’on prélève sur son territoire sont considérables ». Cette description idyllique ne correspond guère à la réalité. Collo est mal relié à Constantine, le mouillage est médiocre et le terroir exigu n’occupe qu’une étroite plaine littorale limitée par des montagnes escarpées ; la ville vit surtout de l’exportation des produits de la forêt abondamment arrosée (deux mètres de pluie au Bougaroun). »
Le phare édifié en haut de la pointe de la presqu’île ajoute un tant soit peu à la magie des lieux.
Le phare du Cap Srigina, (Skikda), 1906
Dans le passé refuge des galères phéniciennes, l’île de Srigina se trouve à moins de 2 miles à l’est de Skikda, dans le golfe de Stora. Le nom de Srigina viendrait de la période punique « Rusgunia », le cap de la crique. Un phare y a été implanté en 1847 et reconstruit en 1890. Après des travaux, il est entré en service en 1906. Il est relié à un débarcadère en pierres par un sentier d’une centaine de mètres.
«Ce phare a été le théâtre d’un étrange phénomène qui, en 1885, avait fait le tour du monde. Voici des passages d’un article de presse repris à l’époque par divers autres organes de presse : « Vers minuit, les gardiens du phare de Srigina entendirent un bruit singulier. Intrigués, ils ouvrirent la porte ; un grouillement montait de la mer. Cela grimpait, grimpait toujours, en petites vagues. Les gardiens allèrent au-devant de cette invasion et constatèrent qu’ils étaient assaillis par d’innombrables crabes.
Les crustacés atteignaient l’enceinte de la petite cour qui ceinture le phare (…) Le mur fut franchi, et l’armée de crabes continua sa marche. Bientôt les mandibules de bestioles mordirent le crépissage du phare ; l’ascension commença. Les gardiens rentrèrent, fermèrent portes et fenêtres et attendirent».
Les gardiens ont trouvé la parade en déversant de l’eau bouillante pour venir à bout de ces milliers de crustacés qui occupaient les parois du phare.
Lors d’une mission d’étude algéro-française sur l’île de Srigina et la corniche littorale de Stora, effectuée en mai 2008, dans le cadre de l’Initiative pour les Petites îles de Méditerranée (PIM), plusieurs mesures ont été recommandées. « A l’intérieur du phare, suggère-t-on, une pièce pourrait être consacrée à une petite exposition qui présenterait les richesses écologiques de l’île, son patrimoine bâti, la gestion écologique mise en place sur l’île et sur le littoral de Stora ainsi que la réglementation qui se rapporte aux activités nautiques et aquatiques autour de l’île. » Dans l’île de Srigina, élévation de terre en pente friable, signale cet expert du PIM, pousse le lotier à fruits courbés (Lotus drepanocarpus), «une plante classée « rare » au niveau mondial par l’UICN.»
Sur une page d’internet, Marcel raconte que son père Joseph De Vito a été gardien du phare de Srigina, à la fin des années 1930. «Il n’y avait ni eau ni électricité. L’eau de pluie était recueillie dans une citerne. La lumière du phare à plus de 56 m au-dessus du niveau de la mer était donnée par une lampe à pétrole placée au centre de lentilles selon le système Fresnel, visible à 3,5 miles nautiques. La rotation en était assurée par un système à poids. Le principal travail du gardien consistait à garnir la lampe à pétrole, à remonter le poids, et à assurer l’entretien… »