Vendredi 6 novembre 2020
Les Quatre Vérités de Yasmina Khadra
L’écrivain algérien Yasmina Khadra a rendu public ce texte sur la situation dramatique de notre pays. L’auteur est sans concession sur nos errements. Comme à son habitude : Yasmina Khadra est vrai et cinglant.
1- La Nation: elle dépend de la qualité du citoyen. Elle n’est pas seulement un hymne et des slogans, elle est une doctrine, un programme, une conquête de tous les jours.
2- Le Citoyen : On ne le dresse pas, on l’élève, on le forme, on l’instruit.
3- Le Rêve : il est constitué trois éléments indissociables : un Objectif, les Moyens de l’atteindre et la Motivation. Si un seul élément venait à manquer, le rêve ne serait qu’un fantasme inassouvi.
4- Le Miracle : On ne l’attend pas, on le provoque.
Pour réunir ces quatre vérités, il faut proscrire la fatalité et investir tous les domaines du possible en s’inscrivant dans la témérité et dans la foi de réussir.
Nous, Algériens d’hier et de toujours, connaissons nos faiblesses, nos torts et nos désillusions.
Aujourd’hui plus que jamais, nous devons réactualiser ce que nous avons de meilleur en nous. Puisque ce meilleur existe bel et bien et ne demande qu’à jaillir de nos tripes pour illuminer nos horizons de feux d’artifices.
Certes, il y a mille aberrations dans le quotidien des Algériens, mille raisons d’être en colère, en souffrance, en ébullition. Cela, nous le savons tous. Mais nous sommes obligés d’aller de l’avant contre vents et marées. Nous n’avons pas d’autres choix. Le monde change. L’Algérie doit changer avec. Pour SA SURVIE. Car le monde de demain s’annonce farouche et sans quartier pour les peuples distraits.
Depuis qu’un suprématiste est à la tête des Etats-Unis, et donc à la barre de la destinée de l’Humanité, la paix sur terre est hypothéquée. Cette même paix est en sursis en Europe où le populisme claironnant accouche de tous les extrémismes, à tous les niveaux et pour l’ensemble des militantismes, du syndicalisme au végétarisme, exacerbant le néonazisme et la xénophobie primaire.
Parce que le monde menace de partir en vrille, l’Algérie est appelée à prendre ses précautions. Et elle en a les moyens matériels et humains : un sous-sol richissime et une formidable intelligentsia dont la diaspora rayonne au quatre coins de la planète.
A ce jour, nous avons fait de l’exercice notre charte un brouillon insensé: Le fiasco du statut de la femme, celui de la famille, la reconduite des lois obsolètes, les traditions rétrogrades, le défaitisme, l’inconscience et l’irresponsabilité, l’inculture et l’obscurantisme, le régionalisme passionnel, les rancœurs historiques, enfin toutes ces frustrations et tous ces décalages qui amoindrissent nos chances de nous réaliser sont archi-connus.
L’heure est venue de revoir nos copies.
Si nous comptons nous relever de nos décombres, il nous faut situer leurs failles. Et ces failles sont en nous. Il ne s’agit plus de nous reprocher nos tares, il s’agit de ne pas les considérer comme une seconde nature. Tous les peuples connaissent des hauts et des bas, certains remontent à la surface, d’autres s’envasent dans le fond. Le code ? Cette vertu de la IVème vérité: le sort ne s’incline que devant celui qui s’insurge contre le fait accompli, c’est-à-dire, celui qui transcende la dure réalité des choses pour se réinventer dans ses rêves.
L’Algérie mérite d’être digne du sang et des larmes versés, de rattraper le temps perdu ; si son étoile ne brille pas assez dans le ciel, nous sommes plus de quarante millions de miraculés pour souffler dessus afin de raviver sa flamme.
Nous avons souffert pour que nos peines deviennent l’unité de mesure de nos joies prochaines, les joies du progrès, de la solidarité, de la sécurité et de la liberté.
Nous ne voulons ni violence ni d’autres traumatismes, nous voulons recouvrer la paix et les outils de nos aspirations, pouvoir regarder pousser nos enfants dans la quiétude et œuvrer, main dans la main, afin que notre patrie redevienne une terre d’accueil et d’espoir.
Y. K.