L’un de mes amis rencontré au Honduras qui après une jeunesse riche d’aventures entre la Russie, la Chine, le Nicaragua et le Moyen-Orient, revint dans son pays comme analyste politique et finit ministre de l’Intérieur, avait coutume de dire devant des problèmes complexes “les réalités galopent alors que les idées trottinent.”
Cette métaphore est une manière de dire que les évènements se déroulent à une vitesse et à un rythme très différents des analyses et des convictions politiques ou encore que la vie avance beaucoup plus rapidement qu’on se l’imagine. C’est ce que nous sommes en train de vivre en Europe avec l’Ukraine, et plus spécifiquement entre l’Algérie et la France où les événements se succèdent avec une dynamique turbulente, compliquée, changeante, oscillante et confuse qui transforme les meilleurs analystes en de simples spectateurs.
Ainsi, entre 2017 et 2025, l’Algérie et la France représentées par leurs Présidents respectifs qui se proposaient de parvenir à une réconciliation des mémoires, après 132 ans de colonisation, sont parvenues en quelques mois à se retrouver dans le plus grave des conflits depuis 1962.
L’arrestation à Alger de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal sous prétexte de l’article 87 bis du code pénal algérien, est une décision absurde, transformée en farce qui a provoqué l’escalade conflictuelle du problème des OQTF.
Boualem Sansal est accusé “d’atteinte à l’unité nationale, outrage à corps constitué, pratiques de nature à nuire à l’économie nationale et détention de vidéos et de publications menaçant la sécurité et la stabilité du pays.”
Sur les réseaux sociaux déchaînés, une partie de ses compatriotes l’accuse de traîtrise au profit de la France ou du Maroc et, en France, la diaspora est plutôt silencieuse par peur d’un régime capable de le priver de son avocat parce que celui-ci est Juif et que Boualem Sansal refuse d’en changer malgré les pressions du parquet. Boualem Sansal s’est donc défendu tout seul, avec cette phrase:
“Je n’ai rien voulu faire contre mon pays, je n’ai fait qu’exprimer une opinion.”
Une opinion ne mérite pas un procès et des insultes. C’est un droit fondamental dans toutes les démocraties. L’opinion de ce grand écrivain qui lutte contre la dictature et l’islamisme doit être respectée, tout comme doit l’être celle d’ Ahmed Lahlou, cet essayiste marocain qui s’exprime sur l’Histoire de son pays avec une retenue et un talent qui pourraient servir de modèle dans bien des débats :
En définitive, ce ne sont pas les frontières de l’Algérie et du Maroc qui sont reconnues par les instances internationales qui posent problème. C’est la décision abjecte du régime algérien qui a requis dix ans de prison contre un écrivain malade d’un cancer pour avoir exprimé son opinion et pour pouvoir faire pression sur la France. Malheureusement, Boualem Sansal n’est pas un cas isolé. Le 10 décembre 2024 le journal électronique Le Matin d’Algérie a publié une liste non exhaustive de 215 détenus d’opinion.
Boualem Sansal étant français, le Gouvernement et le Président de la République le défendent comme ils défendent tout citoyen français et ils le font, comme d’habitude, dans l’ombre. Alors sachons qu’ il y a un fil rouge qui traverse l’aiguille et transmet de la cohérence aux deux parties. La crise, comme toujours, a besoin d’une sortie et le problème d’une solution. La sortie et la solution ne sont pas synonymes et ne coïncident pas nécessairement dans le temps et dans l’espace.
Pour être rapide et viable, la sortie doit avoir au moins quelques éléments de solution comme le seraient, d’un côté l’accueil de quelques OQTF dangereux et la libération de Boualem Sansal, de l’autre la mise à l’écart de certains hommes politiques qui confondent le service de la République avec la propagande de leurs idées.
Je ne pense pas qu’aujourd’hui les tambours nous appellent à accentuer la rupture entre l’Algérie et la France qui peut renforcer un pouvoir délabré et desservir l’avenir de Boualem Sansal. Sachons attendre un peu.
Emile Martinez
« la diaspora est plutôt silencieuse par peur d’un régime capable de le priver de son avocat parce que celui-ci est Juif et que Boualem Sansal refuse d’en changer malgré les pressions du parquet. Boualem Sansal s’est donc défendu tout seul, avec cette phrase »
Cette phrase est une pure opinion, sinon l’expression d’une idéologie. Le bâtonnier d’Alger a fermement affirmé que Sansal a décidé de se défendre seul, d’autant plus que la correctionnalisation permettait cela, au contraire d’un procès plus criminel plus lourd et exigeant la présence d’un avocat pendant la procès le président s’est assuré que le choix de Sansal était personnel.
Donc, sauf si par système vous incluez le bâtonnier et la presse qui a rapporté le procès, il faudrait des éléments plus probant pour affirmer des choses aussi grave que Sansal aurait été privé de son avocat parce que Juif. Il n’est pas établi non plus que l’avocat ait été constitué par Sansal. Il aurait été désigné par son éditeur Gallimard, ce qui est autre chose… En définitive soit vous avez des éléments probants, citez-les soit vous extrapolez sur l’antisémitisme atavique des arabes en général et des Algériens en particulier, et cela aussi demande des éclaircissements…
Bonjour Okacha
Les arabes sont des sémites ; les algériens ne sont pas des arabes et une petite minorité d’entre eux est juive.
Par Arabes, il est convenu de de désigner les populations dont la langue maternelle est en majorité l’arabe.
Je concède que le terme n’est pas précis, ni satisfaisant, pas plus d’ailleurs qu’arabo-musulman.
Mais il permet de réfléchir dans un domaine et un contexte donné. Des auteurs majeurs n’y échappent pas: Albert Hourani, « Histoire des peuples arabes »; le regretté Mohammed Arkoun et son stimulant, »Pensée arabe »
Et vous avez raison pour le brassage, qui devrait nous inciter à la réflexion. Pour tout dire, la connaissance de l’histoire, me fait douter à terme de ma propre identité peut être métissée, un peu arabe, un peu berbère, un peu juive…donc sémite.
Bonjour Okacha,
De mon coté je n ai pas de doute sur mon AMAZIGHITY.
De nos jours là science à fait des progrès il te suffit d envoyer un prélèvement pour avoir en retour (moyennant 100 euros) ta carte génétique et le pourcentage de ton type.
Et même si quand on est dans un pays historiquement pas arabe il ne faut pas le proclamer comme pays arabe.
Je n’ai pas d’éléments probants et je n’accuse pas les Arabes d’être ataviquement antisémites. L’antisémitisme, malheureusement, est né des religions même si tous les pratiquants ne sont pas racistes et si ceux qui le pratiquent ne s’en rendent pas compte. Il est l’arme la plus ignoble de toutes les sociétés fondées sur une religion qui se retrouvent en déclin. Après la catastrophe de la première guerre mondiale, l’Europe ensanglantée, désarticulée et sans ligne d’avenir a été la mère du plus grand crime rasciste de l’Histoire.
Dans le cas présent je rapporte ce qui se dit dans l’entourage de cet avocat qui n’a toujours pas obtenu de visa pour aller voir son client en Algérie. Il y a bien sur plusieurs raissons possibles à cette opposition peu démocratiques et, peut etre, pourriez vous nous donner la vôtre.
Les religions n’ont jamais été la « cause » des événements historiques, que ce soit en bien ou en mal. Les religions ne sont que les effets idéologiques des causes bien matérielles et bien réelles de la vie des hommes. Elles sont comme l’uniforme du soldat ou le drapeau porté par une armée: ce ne sont que des symboles, pas les raisons pour lesquelles cette armée existe ou s’engage dans des batailles.
Concernant l’antisémitisme, une victime lucide de ce « plus grand crime raciste de l’histoire », Abraham Léon, un jeune juif mort dans un camp de concentration à 25 ans, a écrit « La conception matérialiste de la question juive », dans lequel il démontre que le « phénomène juif » est le produit des conditions matérielles et économiques plutôt que d’une identité culturelle ou religieuse immuable. Il montre que pendant des siècles, les Juifs ont constitué un « peuple-classe », principalement assigné aux activités de commerce et de prêt à intérêt, fonctions économiques spécifiques rendues possibles par les restrictions religieuses chrétiennes. La persistance de la « question juive » découle des transformations socio-économiques : tant que ces conditions existent, les persécutions et les marginalisations se perpétuent.
On peut le voir aussi dans l’histoire de l’islam: presque tout le monde croit que les conquêtes soi-disant « arabes » du 7ème siècles avaient pour but la propagation de l’islam, alors que l’islam n’est né que plus tard, après les conquêtes. Au début, les conquérants étaient un mélange de religions et d’origines ethniques. Ce n’est qu’une fois les conquêtes achevées ou en cours d’achèvement que le besoin d’une nouvelle religion pour asseoir l’idéologie du conquérant s’est fait ressentir, en même temps que le besoin d’une langue officielle, qui a été l’arabe.
Je n’ai jamais prétendu avoir une réponse. Je dis seulement que je reste prudent. Il n’est pas démontré que M° Zimeray avait été mandaté expressément par l’écrivain, ni qu’il aurait révoqué. Sauf à considérer que cela a été prémédité avant le voyage en Algérie. Vous voyez que les deux positions sont susceptibles de manipulation. Je balançais plus cependant pour les propos du bâtonnier d’Alger, car elle engage une institution, l’autre émanant vous l’avez dit « de l’entourage »
De plus, il semble que Sansal est rentré sans visa, mais avec un un passeport algérien; il est donc soumis à la loi et procédures algériennes, et donc hélas à la même toise que des compatriotes anonymisés.
Reste, qu’en l’espèce, le choix de Sansal de se défendre seul, mérite le respect. Je ne vois rien de plus grand, de plus socratique comme attitude.
Merci pour cet échange…
Addendum
Bien entendu, je ne vous accuse pas de racisme ou autre chose0. Ce sont les défenseurs médiatiques qui me semblent inspirés par d’autres motivations…
Bonjour Lartinez
L antisémitisme est devenu de nos jours un élément de language comme le terrorisme.
Si ça continue on va accuser d’antisemitisme un footballeur qui ose marquer un but contre l équipe d’Israël.
Comme on accusé de terroriste toute personne qui défend son pays la liste des exemples et très longue.
Le Maroc ne reconnaît pas ses frontières et la France a tronqué ses territoires au profit de l’Algérie pour punir le soutien du royaume à la résistance et que si le Maroc lève les mains lui seront rendus instantanément mais c’était la faute du roi Mohammed 5 qui a crû aux dirigeants du FLN une fois Algérie libéré ces territoires serait rendu à la mère patrie mais ces gens n’ont jamais été homme de paroles mais maintenant c’est à la France de régler ce problème et ce qui est à César appartient toujours à César.
@Madjid, n’oublie pas que le Maroc, tout comme l’Algérie, pratique un colonialisme intérieur. Le Maroc, tout comme l’Algérie, éclatera en cinq ou six pays si des référendums libres sont organisés.
Et le Maroc n’appartient pas à Mohammed 5, pas plus que l’Algérie aux pachas des casernes.
Sans démocratie véritable – sans les peuples – ces pays ne sont pas viables.