Jeudi 18 avril 2019
Les rideaux se lèvent… les masques tombent !
L’Etat fournit le décor, les citoyens sont les spectateurs, les « terroristes », les acteurs, les rideaux sont levés ; le spectacle commence. A bien des égards, le « terroriste » ressemble au pornographe. Les deux manipulent le désir et sont séduits par l’idée de la mort et du sexe. Le pornographe excite le sexe avec l’image du fruit défendu.
Le « terroriste » nous envoûte avec la mort. Il est conscient de l’érotisme que véhicule la mort. La violence symbolise un double discours d’inversion des valeurs où le héros serait un antihéros, le citoyen un délinquant, l’assassin un justicier, le juge un fou. Les valeurs fortes d’une société sont le respect de la dignité accordée équitablement à tous les individus qui la composent et les chances accordées à chacun pour réaliser son potentiel.
Aucune société au monde ne refuse ces idéaux. Or, dans une société où la majorité de la population est composée de jeunes de moins de trente ans, désœuvrés, marginalisés, humiliés, brimés par les aînés, bafoués dans leur dignité et frustrés dans leurs désirs, le « terrorisme » trouve un terrain propice à son action dévastateur, encouragé en cela par les forces hostiles au pays.
La jeunesse semble vouloir l’égalité comme un droit, un droit à l’emploi, au logement, à la vie. Bref, un droit perçu come une manière de parvenir à l’âge adulte. De plus, elle doute des capacités de l’Etat à résoudre ses problèmes existentiels. Il est difficile de prévoir où et quand la violence se manifestera car il existe une grande différence entre une propension à la violence et la manifestation réelle sur le terrain. La disposition à la violence est le résultat nous semble-t-il de la contradiction entre la dépendance et la marginalisation.
La violence traite de la rupture, du désordre et de l’ordre. Elle défie la raison et brise le silence. Aujourd’hui, une analyse sur la société se fonde sur le professionnalisme, la compétence et l’honnêteté intellectuelle. Or que constatons-nous ? Certains intellectuels se compromettent ouvertement avec le régime en place afin d’assurer ou de préserver leur statut ; d’autres soutiennent volontairement et fidèlement n’importe quel régime au pouvoir.
Les intellectuels en Algérie ont tendance à véhiculer des valeurs ostentatoires et consommatoires. Nous sommes en présence d’un domaine de la recherche encore inexploré qui considère la violence non comme un symptôme mais le résultat d’un modèle de développement qui a échoué ; car le développement n’engendre pas seulement des crises économiques mais également une crise identitaire, de rationalité et de légitimité.
L’Algérie paie un prix élevé sur le plan politique et social pour ce type de développement qui a détruit une économie locale de subsistance, poussé à un exode rural massif et à une urbanisation féroce et sauvage sous le crédo du développement et de la modernisation, marginalisé une frange importante de la population et accru la dépendance du pays vis-à-vis de l’étranger. Le tout a exaspéré les contradictions sociales, sources de toutes formes de violence.
L’expérience montre que lorsque la violence se déchaîne, elle engendre son propre dynamisme c’est-à-dire qu’elle génère son propre discours. Un tel discours peut utiliser les matériaux tels que la race, la religion, la langue etc…La démocratie comme soupape de sécurité devient alors une façade derrière laquelle les couches compradores, l’hégémonie étrangère, les sociétés multinationales travaillent ensemble dans leurs propres intérêts. L’erreur au départ était la mise en œuvre d’une modèle de développement « soufflé » de l’extérieur, favorisant les puissances métropolitaines et faisant table rase du passé.
Les espoirs que les économistes avaient fondé sur ce modèle de développement ne se sont jamais réalisés d’où un écart entre les programmes politiques et leurs résultats concrets : une politique médiocre et une économie désastreuse. Il est indispensable et urgent de repenser le développement économique et politique dans un contexte de violence car la violence rejette le conformisme politique et les formes de pensée conventionnelles.
Il s’agit de prendre conscience de l’échec d’une tentative de développement et de modernisation et d’en tirer les conclusions au plus tôt. C’est pour avoir nié cette évidence que beaucoup de sociétés en cours de modernisation sont devenues vulnérables aux idéologies totalitaires lorsqu’elles cherchaient à se développer, à s’industrialiser. Car le développement crée l’inégalité, la modernisation l’accentue. Nous sommes théoriquement, politiquement, économiquement et socialement mal préparés aux contradictions et aux incertitudes de la vie sociale moderne.
En effet, il est inconfortable pour un Etat de considérer le « terrorisme » comme une mise en accusation de la société ou comme la conséquence d’erreurs économiques et politiques graves, comme il est difficile à une société d’admettre que sa survie dépend de l’étranger.
Il est vrai que les explications d’ordre sociologiques tendent implicitement à fournir une couverture idéologique au « terrorisme » en lui accordant une certaine légitimité sont dangereuses comme il juste de penser que les recettes économiques menacent l’intégrité physique des citoyens, compte tenu du faible niveau de la production locale, du taux démographique élevé et de la forte dépendance algérienne vis-à-vis de l’étranger. C’est pourquoi, les solutions politiques retenues, telles que la recherche de relais institutionnels à même de désamorcer les conflits, la mise en valeur du régime en glorifiant sans succès un passé révolu, le maintien de l’ordre pour justifier les incommensurables dépenses de sécurité, la stabilité sociale pour faire taire toute velléité de contestation mènent vers l’impasse.
Avec le temps, les pays marginaux comme l’Algérie contrôleront de moins en moins leurs ressources et leur espace sur la carte géopolitique qui se dessinent dans les états major des pays occidentaux. Sur cette carte, les nations faibles n’ont plus de place.
La famine sera le critère de sélection biologique dominant. En politique, les gouvernants de devraient pas être imprévoyants, les hommes politiques ne devraient pas abuser de leur pouvoir. Ils devraient respecter leur fonction et être capable d’écouter, d’observer et de comprendre les ressorts de la société qu’ils dirigent. En un mot, avoir une vision globale et lointaine eu égard aux enjeux qui se profilent. La tâche principale d’un gouvernement est d’empêcher qu’une population qui a goûté à la sécurité, au confort et à la facilité de sombrer dans la peur, la famine et le chaos.
Car un faible niveau de développement et ou de modernisation n’apporterait qu’amertume et désespoir. Il nous semble que la solution radicale et définitive à cette situation est la mobilisation interne des ressources, un contrôle politique autonome et la création d’infrastructure pour redresser la production intérieure au lieu du développement des échanges inégalitaires avec l’extérieur par des moyens politiques.
Bref, il s’agit de remédier à une productivité défaillante en renforçant la discipline du travail, en intégrant les marginaux dans la sphère productive, en reculant l’emprise de la rente spéculative sur la société et sur l’économie, en sécurisant les investisseurs locaux et en instaurant des mécanismes obligeant les gouvernants à rendre compte de leur gestion. Pour ce faire, la société doit posséder ou former des personnes aptes à imaginer des choix potentiels, à apprécier les alternatives et tester les nouvelles possibilités. Mais n’est-ce pas les valeurs de l’homme moderne ?
Dr A. B.
PS : la richesse la plus importante de tout pays, c’est le travail de ses habitants, leurs, aptitudes, leurs expériences, leurs facultés d’adaptation, leurs comportements, leur sens de l’effort et leur santé mentale et physique. C’est pour avoir oublié cette évidence que des nations disparaissent au profit d’autres plus performantes, plus dynamiques et plus clairvoyantes.