Mercredi 18 novembre 2020
L’espérance de vie s’envole dans une Algérie aux ailes brisées par le désespoir
De nos jours, à sa naissance, l’Algérien peut espérer vivre deux fois plus longtemps que ses grands-parents. Quelle chance ! Quelle aubaine ! Ainsi l’espérance de vie de l’Algérien s’améliore. L’Algérien peut désormais se targuer de vivre jusqu’à l’âge de presque 80 ans. Quel Espoir !
En attendant, le désespoir de la vie des Algériens dure une éternité : dès le berceau jusqu’à la tombe. Rien ne semble entamer cette descente aux enfers. Le Paradis sur la terre d’Algérie se fait toujours attendre. Le quotidien ressemble à un purgatoire dans lequel la majorité des Algériens s’immole socialement, brûle d’ennui faute de distractions attrayantes, égayantes, divertissantes.
La longue durée de vie de l’Algérien est inversement proportionnelle à sa carrière professionnelle, qui trépasse au seuil de la vie active. À peine éjectée des bancs de l’école pervertie par l’inculture gouvernementale et dévoyée par la pédagogie islamiste, la jeunesse algérienne entame sa carrière de retraite anticipée, fonde son entreprise de néantisation ontologique, investit quotidiennement dans ces hauts lieux de production de vacuités dénommés mosquées, pour postuler une place au paradis de la farniente, prolongement de la société algérienne fainéante.
Une chose est sûre : dans notre adorable pays féerique, notre jeunesse pléthorique, aussitôt propulsée dans la fleur de l’âge euphorique, voit sa vie se faner, se flétrir, dépérir. Elle observe, impuissante, ses pétales d’énergie desséchées et tombées faute d’occupations productives et culturelles, par manque de ressourcements intellectuels.
Elle assiste, en spectatrice résignée, au déroulement, à l’écoulement, l’écroulement de son existence fantomatique. La jeunesse attend désespérément de rentrer dans la vie réelle, matérialisée par la foisonnante activité économique productive, inexistante dans ce pays d’importation alimentaire et d’assistanat social obtenus grâce à cette rente pétrolière providentiellement offerte par le Désert. Malgré cette manne du Sahara, la vie de l’Algérien n’a jamais été aussi désertique. Car l’ouvrage quotidien de l’Algérien consiste à fabriquer du désœuvrement, à produire de l’oisiveté, à cultiver énergiquement l’inactivité : ces multiples indolentes occupations paresseuses que le monde entier nous envie, seules sources que nous exportons à profusion à l’étranger, pour les investir dans les grandes entreprises, telles Pôle emploi, la CAF, etc.
Dans notre juvénile nation, pour le moment, la vieillesse s’empare tôt de cette jeunesse à force de mener une dévitalisante vie d’oisiveté avilissante. La sénescence corrode précocement son esprit pour avoir trop travaillé son cerveau à produire des vacuités existentielles.
L’inoccupation ronge aussi son rachitique corps perclus de rhumatismes, pour avoir trop porté le fardeau d’une destinée lourdement chargée de flâneries, plombée de connaissances farcies d’âneries, saupoudrées d’islamisme hérissé de bigoteries.
Sa personnalité clivée ne s’est pas encore délivrée de cette culture rivée au monde archaïque suranné. Sa dentition tombe aussi en ruine pour avoir trop ruminé les ressentiments et les griefs contre la mal-vie, avoir à belles dents mordu la poussière plantureusement semée par l’impérissable régime mafieux à la longévité légendaire, aujourd’hui menacé de mort subite ou plutôt de mort subie, dans une Algérie en pleine renaissance, efflorescence, effervescence.
En attendant, dans cette Algérie défigurée par la dépravation gouvernementale et sociétale, où la morale est devenue une anomalie, à force de cultiver des mœurs fondées sur la rouerie et la perfidie, la jeunesse sombre dans l’anomie. Certes, l’espérance de vie de l’Algérien s’envole pour tutoyer le ciel de la longévité, de l’éternité, mais ses espoirs s’écrasent toujours autant sur cette terre algérienne pourvues pourtant de richesses. Ironie du sort, l’envolée de la courbe de l’âge ne permet toujours pas au progrès social et économique de l’Algérie de décoller, maintenue délibérément au ras du sol par les sommités du pouvoir, à la pérennité despotique inégalée.
Notre jeunesse n’entrevoit aucun salutaire horizon : son avenir incertain, déjà éteint, sur son visage se déteint. Son regard politique, sans égard pour la nation, furieusement s’égare dans les méandres d’une société travaillée par les clivages ethniques et les religieux esclandres. Sa vie chaotique, cahotée par les tempêtes de l’infortune, parachève souvent son parcours sur les mers de l’exil, transportée sur des minuscules bateaux de fortune, où l’accostage à bon port n’est jamais garanti.
Pour celle qui survit sur ce radeau appelé Algérie, en pleine naufrage, toujours assiégée par les requins du pouvoir, aucune lumière n’illumine ses journées, dans un pays pourtant profusément ensoleillé. Même ces immenses écrans noirs, qui offraient un peu d’évasion visuelle, ont baissé leurs rideaux.
Plus aucun cinéma à l’horizon sombre de l’Algérie déculturée pour divertir notre jeunesse désenchantée, sacrifiée. Les salles de cinéma ont laissé place aux salles de prières des mosquées dans lesquelles la jeunesse s’y entasse frénétiquement pour s’offrir fanatiquement plusieurs fois par jour le même éternel spectacle gratuit, au scénario immuable et au dénouement, vécu dans le dénuement, convoité avec une brûlante foi : l’alunissage sur le globe céleste après une vie terrestre funeste.
En attendant cette délivrance paradisiaque hypothétique, sa pathétique vie, remise dans les mains de Dieu, défile au ralenti, devant ses yeux noirs attristés par les tourments, obscurcis par l’inculture, assombris par l’indigence, obturés par le fatalisme.
Par chance, en dépit de l’absence de distractions, la misère est moins pénible au soleil, comme le chantait Aznavour. Pour notre bonheur, notre jeunesse, malgré son indigence existentielle et matérielle, faute de s’acheter un avenir radieux, a beaucoup d’humour joyeux à en revendre.
Assurément, d’ici à 2060, notre jeunesse aura déjà vieilli depuis l’âge de 20 ans. Elle pourra ainsi s’enorgueillir de détenir le record de l’espérance de vie de (dans) la Vieillesse.