Vendredi 27 août 2021
L’État algérien rompt avec le Maroc, mais pas nous !
Voici les deux meilleurs alliés au monde qui refont le coup de la rupture et des menaces réciproques. Plus d’un demi-siècle que cela dure, chacun y trouvant avantage à mobiliser sa population contre un « ennemi » aux frontières.
L’Algérie vient ainsi de rompre ses relations diplomatiques avec le Maroc, rien de nouveau pour des États dont on se demande ce qu’ils ont encore à rompre tant ils ont tellement détruit.
Voilà donc ressorti l’affaire du Maroc pour une nouvelle raison, comme l’Algérie sait en trouver à chaque fois qu’elle est confrontée aux limites de son action de terreur à l’intérieur du pays.
Le ministre des Affaires étrangères annonce que les deux pays sont en rupture, n’essayons même pas de comprendre pourquoi, notre question à propos de la rupture n’étant jamais pourquoi mais quand ?
On se demande ce que feraient ces deux régimes politiques, aux antipodes de la démocratie, s’ils n’avaient pas un ennemi extérieur à brandir lorsqu’il est nécessaire de s’en servir. Une astuce éculée des régimes autoritaires dont ils se sont si souvent servi.
Le mythe de l’ennemi extérieur
Vieux comme l’humanité, nous connaissons son mécanisme si simple à comprendre. Dès qu’un régime politique est en difficulté et ne peut convaincre davantage avec sa terreur, il annonce au peuple que l’ennemi est aux portes du pays, prêt à le mettre sous une dictature féroce et à en piller toutes les ressources.
C’est très commode car cela marche à chaque fois. Non pas que les peuples soient stupides mais parce que les régimes autoritaires les ont placés sous le joug du mensonge, du lavage de cerveaux et de la menace.
(Au passage, je recommande la lecture d’un très célèbre roman de Dino Buzzati, Le Désert des Tartares, un extraordinaire récit sur une forteresse érigée en rempart contre un ennemi qui n’est jamais visible et qu’on ne verra jamais).
Depuis l’indépendance algérienne, ces deux régimes politiques frontaliers ont usé et abusé de ce stratagème de l’ennemi extérieur. Il faut dire que les résultats sont toujours très convaincants.
Il appartient aux démocrates, comme ils l’avaient fait toutes les autres fois du passé, de rejeter l’idée d’une menace marocaine quelles que soient les causes du litige.
Il ne faut surtout pas s’occuper des disputes entre ces deux régimes féroces. Quelles soient réelles ou stratégiques, les peuples sont toujours les cocus dans l’histoire, d’un côté comme de l’autre.
Le peuple marocain n’est pas notre ennemi
Les marocains sont nos frères, de par l’histoire, la géographie et la culture. Nous n’avons été divisés que par des hommes sans foi ni loi et leur régime qui a trop vite oublié que le Maroc lui avait accordé l’hospitalité sur un territoire où il a pu construire son accession au pouvoir.
Nous avons tant de choses à faire, comme se débarrasser de deux pouvoirs criminels et corrompus. Se débarrasser de la religion constitutionnelle pour une laïcité triomphante et intelligente qui effacera 14 siècles de retard. Construire un Grand Maghreb de l’économie, de l’éducation et de la culture. Se débarrasser de toutes les doctrines qui nous ont tellement éloignés, les uns des autres, par leur conservatisme et leur nationalisme moyenâgeux.
Nous avons tant de compétences et d’opportunités à partager pour des peuples qui ont la même racine historique et se doivent d’avoir le même destin. Des peuples avec le même territoire baigné d’un soleil qui a choisi d’en faire son royaume.
Il n’appartient qu’à ces populations de se nourrir enfin de son rayonnement pour sortir d’un état si déplorable et rejoindre la modernité du monde où nous ont précédé tant d’autres pays.
L’Afrique du Nord représenterait un bloc de puissance qui ferait face à l’Europe, dans l’intérêt des deux rives de la mer.
Un précédent grave pour l’Algérie
La rupture éternelle entre les deux pays est si dramatique qu’elle n’a jamais pris leçon d’un passé lourd de conflits. Ne jamais oublier que le régime de Boumédiene avait expulsé, cyniquement dans le froid et un jour de l’Aïd, des Marocains dont le pays était devenu l’Algérie. Nos camarades de classe, nos voisins, nos commerçants et une partie de notre âme ont été expulsés, familles et biens.
Beaucoup d’enfants, nés dans ce pays, ont été arrachés de leur terre, de leur vie, avec une violence inouïe. C’était mes premiers mois en France et c’est l’une des plaies les plus profondes de mon souvenir.
L’argument opposé par certains Algériens est absolument irrecevable. En effet, le Maroc avait auparavant commis le même crime, en 1973. C’est inadmissible pour deux raisons.
La première est qu’un crime ne justifie pas un autre. La seconde est qu’on ne fait pas payer un crime à des innocents, c’est la pire des barbaries.
Non, nous n’avons pas rompu avec nos frères marocains. C’est avec le régime militaire corrompu que nous avons rompu depuis toujours.