Comme je m’adresse à un ami pour lequel j’ai un souvenir très amical, ma lettre est fermée à l’indiscrétion du public.
J’ai lu avec un grand intérêt ta lettre ouverte à Y. K. Bien entendu qu’il n’y a rien à dire. L’écrit est toujours excellent chez toi et le ton très strict envers l’une des plus grandes impostures de l’Algérie.
Le souci est que ce personnage risque d’être réactif positivement. Ce monsieur a une si stupéfiante idée de lui-même qu’il ne retiendra que tes passages lui assurant de notre reconnaissance de son talent.
C’est là ton esprit de courtoisie que je reconnais bien. Je n’ai pour ma part jamais été sur ce sentier envers lui. Il faut dire que je ne l’ai jamais lu et que je n’ai aucune intention de le faire.
J’écarte immédiatement les soupçons sulfureux à propos de son plagiat supposé. Je n’ai pas l’habitude de m’engouffrer dans des accusations qui ne sont pas étayées. Seulement il ne m’aide pas beaucoup pour cette attitude raisonnable.
Je ne peux pas être plus sévère que lui-même. Il s’accuse avant même que je puisse me lancer dans une lecture comparative.
Mais en revanche, ce qui est certain est que ce Monsieur a été un officier militaire d’une armée qui nous a étranglés et pillés. Excuse-moi mais je ne trouve pas, comme tu le lui dis, qu’il est une personne de qui on attend une attitude plus digne, à la hauteur de son sentiment de supériorité littéraire.
Puis ensuite, il a accepté un poste d’Abdelaziz Bouteflika à la direction du Centre culturel algérien. Tu peux t’imaginer la crédibilité que je lui accorde lorsqu’il essaie de nous convaincre de son opposition par ses critiques répétées envers un pouvoir qu’il a servi et mangé dans la main.
L’immense plaisir de la lecture qui est le mien n’arrive pas à concevoir un quelconque talent chez cette personne car l’humanité est un tout. On ne peut pas la scinder lorsque les actes de la vie sont contraires à l’humanisme.
Quant à cette affaire sur le mépris des Kabyles, j’en suis presque à penser que ce n’est que marginal. Elle est la marque de sa profonde personnalité et de son parcours. Que veux-tu qu’il pense et dise d’autre ?
Il n’est pas utile de te rappeler qu’une grande partie de ma vie, encore à l’âge qui est le mien, a été consacrée à défendre la dignité et les droits de mes compatriotes de Kabylie à vivre librement ce qu’ils sont et non ce qu’on veut qu’ils soient.
J’ai vu la photo que le rédacteur en chef du journal a incrustée en illustration de ton article. Je vois que tu as mieux traversé le temps que moi. Tu auras certainement plus de force à continuer le combat que nous avions fait ensemble pendant un petit moment de notre vie militante.
Tu as encore d’autres grands combats à mener que je ne peux suivre avec la même intensité mais uniquement par les écrits.
Ta lettre s’adresse à un écrivain. Mes pensées s’adressent à la compromission des hommes prétentieux.
Mes amitiés, Hacène
Boumediene Sid Lakhdar