22 novembre 2024
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Lettre ouverte au général en retraite, Ghediri Ali, devenu très bavard

COUP DE GUEULE

Lettre ouverte au général en retraite, Ghediri Ali, devenu très bavard

Je suis stupéfait que ce général-major puisse, à deux reprises, oser parler à un peuple que sa caste militaire a mis à genoux et a saigné financièrement durant des décennies dans un régime des plus liberticides, ce n’est qu’un euphémisme.

Monsieur le général, c’est moi qui vais vous répondre, à mon tour,  par une lettre ouverte. Je me le permets car votre carrière, de colonel à général puis de général à général major, a accompagné ma vie, vous y êtes entré avec effraction et vous ne l’avez plus quittée. Mon pays natal, c’est vous qui en êtes le locataire et le propriétaire, vous êtes donc fondé à recevoir ma réponse.

Lorsqu’un général ose parler dans la presse, je n’ai plus que deux positions à avoir envers son toupet, l’ignorer avec le dédaigneux silence de ceux qui ont de la dignité à ne pas s’adresser à l’ignominie ou lui répondre.

Dans le premier cas mon naturel me l’interdit, je n’ai jamais pu y parvenir en entendant ou en lisant les mots « général algérien ». C’est comme l’allergie du printemps ou la plante urticaire, la réaction est immédiate, violente et sans possibilité de la contenir.

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Dans le second cas, je suis tout autant embarrassé car si je devais parler avec franchise, le sympathique et ami, rédacteur en chef de cette publication, me rappellerait à l’ordre. Il serait légitime à le faire car avec les mots qui traduiraient ma franchise, il faudrait interdire aux enfants d’approcher de l’ordinateur car vous ne pouvez imaginer la rage insultante et accusatoire qu’ils portent en eux.

Alors je vais rester au plus près de la zone de crête pour ne pas trahir ma pensée et en même temps permettre la publication car dénuée de mots interdits.

Lorsqu’on parle de votre corps de fonctionnaires (curieuse appellation pour des Dieux du pays), on fait appel à la célèbre image « La grande muette ». Et vous l’avez été effectivement pendant des décennies. Nous vous avons jamais entendus, vous étiez des ombres furtives aperçus au loin, dans des tribunes ou s’engouffrant dans vos limousines.

Vous étiez des ombres reconnaissables avec vos Ray Ban et vos épaulettes qui brillaient au soleil d’Algérie jusqu’à en aveugler le peuple et le soumettre.

On ne parlait jamais de vous, on chuchotait votre existence, avec ce regard craintif qui balaie autour de soi pour bien s’assurer qu’on est seul.

Votre nom, votre réalité d’êtres humains n’existaient que dans nos conversations intimes. Vous étiez les dieux interdits qui n’ont aucune existence réelle sinon par leur image furtive et la terrible soumission par la peur qu’ils provoquaient. Et lorsque la peur était ressentie, c’était l’assurance d’être encore vivant.

La seule posture avec laquelle les Algériens étaient autorisés à vous parler ou mentionner votre existence était la position du dos courbé et la tête basse. Et lorsqu’il s’agissait de personnes auxquelles vous aviez lancé quelques milliards en don charitable, ils allaient jusqu’à la prosternation, la tête au sol.

Vous n’aviez pas besoin de donner votre opinion, votre regard, votre pensée suffisait à montrer que nul ne peut vous contredire sans une grave conséquence.

Car, des morts il y en a eu comme des incarcérés, des torturés et des menacés. Ceux qui ont été courageux l’on payé très cher. Aujourd’hui encore des journalistes et des blogueurs sont incarcérés dans vos terribles geôles.

Alors, vous n’êtes pas le premier, vous voilà à vous épancher dans la presse libre. Vous vous adressez à nous par des lettres ouvertes, avec vos véritables signatures. Vous êtes sortis de votre silence car les temps ont changé et malgré votre surdité, vous l’avez bien entendu ce cri de la liberté, notamment par les réseaux sociaux que vous ne pouvez contrôler.

Monsieur le général « Major », moi je ne vous ai jamais entendu ni lu dans une lettre ouverte pour nous enseigner les valeurs de l’humanité et du sacrifice au nom de la nation comme vous semblez le faire très longuement aujourd’hui.

J’aurais aimé vous lire lorsque vos petits camarades ont commis les exactions les plus abjectes qu’il soit possible à l’humanité de supporter. J’aurais voulu vous entendre sur les fortunes insultantes de vos familles et de vos protégés qui ont vidé l’Algérie de sa substance et sa capacité à venir en aide aux plus démunis.

J’aurais apprécié que vous inondiez la terre entière de lettres ouvertes pour dénoncer les lois liberticides, les fortunes offshore et l’insultant et abject code de la famille.

Jamais je ne vous ai entendu le faire. Moi, je vous avais adressé une lettre ouverte dans la presse dans le début des années 1990. La seule réponse que j’ai obtenu fut la visite de vos charmants policiers portant une adorable invitation à aller prendre le thé chez l’un de vos sujets, le procureur. Celui-ci voulait me faire part d’une lettre amicale qu’il avait reçu du ministère de la Défense.

Mais comme vous êtes très soucieux des convenances, ce n’est pas par courrier qu’elle me fut adressée mais par portage directement au siège national du parti. C’est une attention très touchante que je n’ai pas oublié.

J’aurais tellement voulu que vous écriviez dans les journaux comme je l’ai tellement fait. Vous nous auriez apporté sagesse, réflexion et morale.

Trêve de plaisanterie, Monsieur le général « Major », ce n’est pas dans la presse libre que nous attendons votre parole soudainement retrouvée mais devant des juges, libres et d’un temps que vous ne connaissez pas encore.

Vous parlerez car vous y serez contraint. Vous nous restituerez toutes les fortunes spoliées par vos familles et vos amis. C’est la règle, vous ne la connaissez pas encore, dans votre monde c’est le verbe « se servir » qui est d’usage, pas « restituer ».

Puis ensuite, Monsieur le général « Major », il va falloir vous expliquer et ce sera long, très long. La grande muette devra se transformer en une grande bavarde. Je vois que vous vous préparez sérieusement à l’exercice avec les lettres ouvertes répétées, vous serez donc prêt le jour venu.

Vous n’y échapperez pas, ni après vos jérémiades dans la presse ni avec votre grand âge qui ne vous protégera pas. Le très jeune âge de ceux qui avaient été assassinés, menacés et torturés ne les avaient pas protégés non plus.

Voilà la seule réponse que j’ai à adresser à la lettre ouverte d’un général « Major ».

Auteur
Boumediene Sid Lakhdar, enseignant

 




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