L’hommage funèbre rendu au pape François a été mondial (on dit également éloge funèbre). C’est l’occasion pour moi d’exprimer un sentiment très mitigé sur cet exercice convenu et balisé. 

En excluant le cadre familial qui est indiscutable pour ceux qui le décident, il n’est également pas envisageable d’éviter d’en faire un pour le décès d’un pape qui est une personne si respectée dans le monde quelles que soient nos opinions et confessions.

En même temps que l’hommage funèbre est inévitable, il est cependant contraint et balisé. Concevrait-on autre chose qu’un hommage dans un discours dédié à un défunt ? À l’évidence, non. Ainsi nous sommes coincés et l’exercice perd de sa crédibilité tant l’expression du sentiment est mise en doute par son obligation.

Un hommage, le moins que l’on puisse en dire est que c’est par définition l’expression d’une opinion très positive et solennelle qui est rendu. Ce qui est gênant est de ne jamais être sûr que l’hommage soit sincère. Être obligé de le faire créé irrémédiablement une suspicion car tout le monde n’est pas obligé de percevoir en un autre une vie honorable. L’humanité ne serait plus elle-même s’il en était le contraire.

Il ne reste que la solution de faire état du décès et des informations sur le défunt dans un commentaire très laconique. Mais nous avons dit que ce n’était pas possible pour une si célèbre personnalité au sommet du respect mondial. Nous tournons en rond, que faut-il faire ?

Hé bien rien, l’exercice est inévitable, il faut le faire et libre à chacun d’avoir le recul personnel de s’associer à l’hommage ou de le réfuter mais dans le silence et le respect qu’oblige la mort de tout être humain.

C’est pourquoi, puisque ce moment est passé, je ne suis pas hésitant en ce qui concerne ma critique sur le fond de l’hommage rendu au pape. Lorsque j’ai lu de nombreux hommages dans la presse mondiale, j’ai eu l’impression que les textes rapportent une opinion qu’on pourrait copier-coller à celles des hommages rendus au pape Jean-Paul II.

Il était celui qui allait révolutionner le monde catholique et dépoussiérer la lecture orthodoxe de la doctrine. On disait que ce pape se comportait à travers les médias et dans sa vie comme n’importe quel individu de l’ordre séculier. Il a été celui qui a permis en partie l’écroulement du mur de Berlin avec son si célèbre « N’ayez pas peur ! », c’est exact mais nous sortons du champ religieux et en principe la charge pontificale n’est pas une mission politique (en tout cas pas dans le sens communément retenu pour ce terme).

Enfin un pape qui dépasse la seule doctrine lue avec des lunettes du passé, disait-on. Il avait été le premier, selon les commentateurs, a faire entrer l’Église dans l’acceptation des réels mœurs de la société moderne. Cette revendication concernait également le clergé dont les pratiques ont été souvent condamnables et le restent encore. Ce n’est certainement pas par la démarche spontanée de l’Église que s’est ouverte la société avec la brisure du mur d’opacité et du règne du silence mais par la pression tellurique de ses exigences.

Nous avions eu dans le passé le grand concile Vatican II qui allait, nous disait-on, bouleverser les pratiques et le dogme figé de l’Église. Tout cela a été vrai mais seulement dans sa partie superficielle, cantonnée essentiellement dans les réformes de la liturgie.

La vérité est que les papes sont, certes très différents dans leur niveau de libéralisme, mais le monde avait oublié et oublie toujours qu’ils sont les gardiens du dogme. Que serait un pape qui ne reste pas accroché aux fondamentaux ? Il y a une grande erreur de penser qu’il serait porteur d’une réforme du socle. La définition du dogme est justement contraire au souhait de le modifier. 

À l’exclusion de certains papes ultra-conservateurs, comme le prédécesseur du pape François, tous les papes ont été crédités d’un projet de liberté de la société, conforme à la modernité du temps. Mais derrière les annonces et promesses fracassantes, aucun pape n’a pris la lourde décision de toucher au dogme, pas même d’un pouce. Les grandes questions sociétales, les plus importantes attendues, n’ont jamais changé d’un iota

Plus grave encore, cela fait des décennies qu’ils promettent de mettre fin aux dérives abominables de certains membres du clergé, rien ne s’est réellement passé. Chaque année nous apporte un lot de scandales nouveaux. Les cas se sont tellement multipliés qu’on est en droit de se demander quelle était la situation lorsque les médias n’avaient pas accès au monde fermé et au mur du silence. 

Oui, il faut faire silence autour de la mort d’un pape et rendre un hommage conforme au respect qu’on doit aux centaines de millions de catholiques dans le monde. Mais une fois passé ce moment, notre liberté de pensée doit revenir à ses droits.

C’est ce que je viens de faire.

Boumediene Sid Lakhdar

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