« Octobre Noir » en écho à Octobre rouge de 1917 quand les Bolcheviques se révoltaient contre le Tsar de Russie. Sauf qu’Octobre rouge a eu le dernier mot sur Nicolas II.
05 Octobre 1988, une date à jamais gravée dans la mémoire collective . L’Algérie, notre beau pays, a été plongée dans l’horreur et la violence. En tant que jeune à l’époque, j’ai été témoin de moments de peur, d’enthousiasme, puis de désillusion.
Octobre 1988 a été le mois où l’Algérie a connu une série de manifestations populaires sans précédent. Ces manifestations, qui ont commencé pacifiquement, ont rapidement dégénéré en violences et en affrontements avec les forces de l’ordre. Les Algériens, fatigués du régime autoritaire en place depuis l’indépendance, ont exprimé leur désir de changement et de démocratie. Cependant, les espoirs d’une transition pacifique ont été rapidement anéantis par la répression brutale du gouvernement.
Les premiers jours des manifestations étaient empreints d’un sentiment d’excitation et d’espoir. Les Algériens se sont rassemblés dans les rues, clamant haut et fort leurs revendications. Cependant, la réaction du gouvernement a été brutale. Les forces de l’ordre ont utilisé des gaz lacrymogènes et des matraques pour disperser les manifestants. J’ai vu des scènes de violence. Des jeunes comme moi étaient battus et arrêtés simplement pour avoir exprimé leur opinion. Ces moments de peur étaient marqués par des signes de tension, tels que les cris de douleur, les pleurs des blessés et les bruits assourdissants des affrontements.
Malgré la répression, les manifestations ont continué à prendre de l’ampleur. Les Algériens étaient déterminés à faire entendre leur voix. Des slogans tels que « Liberté, Démocratie, Justice » résonnaient dans les rues. Les étudiants, les travailleurs et les intellectuels se sont unis pour réclamer un changement radical. C’était un moment d’enthousiasme et de solidarité, où nous pensions que notre lutte porterait ses fruits. Ces moments d’enthousiasme étaient marqués par des signes de tension, tels que les chants passionnés, les drapeaux brandis fièrement et les regards déterminés des manifestants.
Cependant, nos espoirs ont été rapidement brisés. Le gouvernement a répondu à nos revendications par une répression encore plus féroce. Des milliers de personnes ont été arrêtées et emprisonnées sans procès. Des rapports de torture et de disparitions ont commencé à circuler. La violence a atteint son paroxysme lorsque l’armée a été déployée pour réprimer les manifestations.
Les rues étaient jonchées de cadavres et de blessés. La désillusion s’est emparée de nous, et beaucoup ont perdu espoir en un avenir meilleur. Ces moments de désillusion étaient marqués par des signes de tension, tels que les regards hagards, les pleurs de désespoir et les silences pesants qui enveloppaient les rues.
Octobre 1988 restera à jamais gravé dans ma mémoire comme un mois d’horreur et de désillusion. Les manifestations pacifiques ont été réprimées dans le sang, et les espoirs d’une transition démocratique ont été anéantis. Cependant, cette période a également été marquée par le courage et la détermination du peuple algérien.
Nous avons montré au monde notre désir de liberté et de justice, et cela restera un héritage important pour les générations futures. Malgré les souffrances endurées, nous continuerons à lutter pour un avenir meilleur, où les droits de l’homme et la démocratie seront respectés. Ces moments de tension ont laissé une empreinte indélébile dans notre histoire collective, rappelant les sacrifices et les aspirations de tout un peuple.
Octobre 88 vient du fond des âges. C’est le résultat de toutes les luttes d’un peuple qui ne veut pas abdiquer. Octobre fait écho au printemps berbère d’Avril 1980 ou on réprime une culture de s’exprimer. On interdit un érudit (Mammeri) de s’exprimer sur la poésie kabyle. C’est la mise aux pas de la revendication berbère. octobre 1988 ouvrira la boîte de Pandore.
L’Algérie fera la douloureuse expérience islamiste. L’Algérie verra ses enfants, et des meilleurs se faire assassinés les uns après les autres, victimes d’une barbarie sans nom. Octobre 88, verra naitre une presse libre que le monde arabo-musulman nous enviera pendant longtemps.
Octobre 88 donnera naissance au printemps noir de 2001. Sous Bouteflika, on assassine un jeune kabyle. Pour maintenir des foyers de tension. La Kabylie entière est encerclée par des casernes. Le pouvoir a -t-il peur d’une révolte Kabyle ? Ou veille-y-il à la quiétude des âmes ?
Octobre 88 engendrera le Hirak qui stoppera la mascarade électorale et chassera du pouvoir Bouteflika, grabataire et mourant.
Octobre 88 a aussi permis au pouvoir de s’aiguiser, s’adapter, se réinventer. Il lui a permis, malgré les vicissitudes, malgré une guerre civile, malgré 400 000 morts et des centaines de milliers de disparus, à se maintenir au pouvoir. Le seul gagnant de ces événements est sans doute le pouvoir. Puisqu’il est toujours là. Plus solide que l’ennui ( pour paraphraser Jacques Brel).
L’automne reviendra-t-il ? Aurons-nous des Octobre d’espoir? Des octobre de révolte. Ou notre peuple dira haut et fort sa frustration et son désir ardent de vivre, de s’exprimer, de rêver.
Nous t’attendons Octobre pour ouvrir les portes des geôles d’opinion. Nous t’attendons Octobre pour rendre la parole à ceux à qui on l’a confisquée.
Nous t’attendons Octobre
Au nom de toutes les victimes innocentes.
Nous t’attendons Octobre au nom de notre pays, au nom de nos enfants et des générations avenir.
Saïd Oukaci , doctorant en sémiologie