La guerre sur la maîtrise de l’IA n’est pas nouvelle mais a pris en ce moment une intensité qui était prévisible tant l’enjeu avait montré son importance dès le départ. Nous savons que l’innovation de l’IA est une rupture technologique, c’est-à-dire un basculement vers un autre monde qui bouleverse l’environnement des humains dans sa marche vers le futur.
Comme toute nouvelle innovation, à fortiori lorsqu’elles sont de la dimension de l’IA, elle entraîne les appétits économiques par des investissements colossaux. Les bienfaits qu’on espère de l’IA sont vastes et semblent illimités (comme toutes les précédentes ruptures technologiques), la médecine, l’industrie, les communications et la recherche en sont parmi les plus repérables.
Mais comme tous les bonds technologiques de l’humanité dans le passé, ils suscitent la crainte que la création se retourne contre son créateur et devienne dangereuse pour la liberté et la démocratie ou pour la sécurité des populations. Jamais ce syndrome de la peur n’avait été mieux décrit dans la littérature que par le roman de George Orwell, « 1984 », ou « 2001 et l’Odyssée de l’espace », un roman de sciences fiction d’Arthur Clarke. Ce dernier ayant été adapté pour le cinéma par Stanley Kubrick.
Qui ne se souvient pas dans cette œuvre de fiction de l’ordinateur HAL qui avait pris le contrôle du vaisseau interplanétaire ? Mais il faut aussi rappeler le précurseur en la matière qu’était l’écrivain Jules Verne. Et nous pourrions trouver bien d’autres exemples.
Comme pour la maitrise du feu, l’apparition du livre, la machine à vapeur, le téléphone ou la télévision entres autres ruptures technologiques, l’IA suscite les mêmes peurs, les mêmes réticences et n’ont pourtant été au final que la conséquence du génie de l’homme autant que des accélérateurs de son progrès.
Et parmi les craintes du nouveau monde de l’IA, l’une parmi les plus évoquées concerne la protection des données. Les dangers sont effectivement réels par la violation des données privées qui peuvent être divulguées et permettre des discriminations, des manipulations, des vols de contenus ou des malversations financières en tous genres envers les états, les entreprises et les particuliers.
On a pourtant trop rapidement oublié que nous étions déjà depuis aussi longtemps que la naissance d’Internet sous la menace des fuites de nos données. J’invite les lecteurs à taper une requête sur Internet pour recenser les grandes affaires de fuite des données, il ne saura plus où donner de la tête, chaque site présentant sa liste tant elles sont nombreuses et gigantesques.
Qui d’entre nous ne connait pas la récolte des données pour des fins commerciales ? Si vous achetez une paire de chaussures ou même si seulement vous visitez des sites les concernant, vous voilà inondés de publicités concernant ce produit. C’est la technique ancienne du ciblage de la clientèle en fonction des goûts et autres caractéristiques de la demande à partir des données enregistrées lors des ventes par correspondance (pour l’époque ancienne) ou sur Internet de nos jours.
Qui n’a jamais été victime lui-même ou une personne de son entourage d’une fuite des données bancaires par la carte de crédit ? Et qui ne sait pas que les Hackers ont proliféré dans la même proportion relative à la communauté des informaticiens puisqu’ils en viennent pour les principaux acteurs ?
Qui je suis ? Mon statut d’état civil, mon adresse, ma profession, ma vie sentimentale privée, ma santé, mes relations, mes goûts et mes écrits, pour beaucoup d’entre eux sont déjà disponibles dans des bases de données (pour ma vie sentimentale, on ne trouvera que le nom de mon épouse chérie, n’est-ce pas ?).
Qui peut être certain que ses déplacements ou sa communication ne soient pas connus ? La police judiciaire peut bien les connaître, par le bornage des smartphones ou des enregistrements légaux. Ce que peuvent donc faire les enquêteurs est tout à fait à la portée des autres spécialistes en ce domaine.
Bien entendu que de réels dangers existent, bien entendu que mon avis n’est pas une attitude d’inconscience, bien entendu que je serais le plus furieux contre ces technologies si j’en étais victime. D’ailleurs ce n’est pas seulement une unique fois que mes données de carte bancaire ont été piratées, pas plus tard qu’il y a un mois.
Je peste et je crie à l’élimination des innovations informatiques dans ces moments-là et c’est légitime. Et je ne m’imagine même pas ce que serait ma violence si ce sont des données qui concernent mon honneur ou celui des proches.
Mais, lorsque nous sortons du cas individuel et que nous nous mettons sur un point de vue général, il faut toujours s’attaquer à ces problèmes avec raison et ne pas tomber dans une panique excessive.
Nous ne pourrons jamais, absolument jamais, supprimer les risques de biais des innovations technologiques. Mais nous pouvons prendre toutes les précautions qu’il est possible de prendre pour nous protéger.
C’est ce que les sociétés font en permanence. Il faut compter sur la capacité des progrès technologiques à ce qu’elles participent elles-mêmes à engendrer des mécanismes de protection en même temps que la répression prévue par les lois.
En ce qui concernent les manipulations de l’esprit, l’être humain à lui-même ses mécanismes de protection, cela s’appelle l’instruction et l’esprit de discernement (que je rappelle perpétuellement dans mes chroniques). C’est tout à fait transposable aux manipulations par les technologies.
Je terminerai par la sagesse de l’humour pour essayer de contrer l’irrationnel (essayer n’est pas réussir). Hier, j’ai téléchargé pour la première fois une application gratuite, celle de Google. Par une énorme tentation d’égo, de narcissisme et de prétention, j’ai tapé « Qui est Sid Lakhdar Boumédiene ? ». Cet indigent de l’esprit m’a répondu par l’identification de Lakhdar Boumédiene, un ancien détenu de Guantanamo.
Si on compte sur l’intelligence artificielle de Google pour m’espionner, je peux dormir sereinement encore longtemps. Ah, j’allais oublier mon personnage fétiche. Tata Hlima n’avait besoin ni d’instruction en informatique ni d’intelligence artificielle pour connaître toutes les données privées de l’immeuble et même du quartier.
Boumediene Sid Lakhdar