Mercredi 2 janvier 2019
L’isolement de Mohamed Ben Salmane commence en ce début d’année
Très secoué par l’affaire du journaliste Kamal Khashoggi, le royaume wahhabite cède finalement aux pressions internes pour limiter les prérogatives du jeune prince Mohamed Ben Salmane couramment dit MBS.
Bien qu’elle paraisse timide, la réhabilitation de certaines figures de l’establishment et l’écartement de plusieurs fidèles du prince montre la reprise en main des affaires directement par le cabinet royal.
En effet, dans une série de décrets royaux à effet immédiat dès ce début d’année, le roi Salmane a procédé à la nomination de certains noms et au limogeage de plusieurs dizaines de personnalités occupant des postes clés du gouvernement et de l’administration.
Outre les Affaires étrangères, les portefeuilles de l’Education, de l’Information et de la Garde nationale ont changé de main.
Plus qu’un simple remaniement ministériel, il s’agit d’une restructuration des appareils de l’Etat saoudien dont le conseil des Affaires politiques et de Sécurité et celui des Affaires économiques et du développement. Ces deux instances gouvernementales centrales restent présidées par le prince héritier MBS mais leur composition est modifiée pour inclure de nouveaux membres dont certains directement liés au cabinet royal.
Le très diplomate Adel al-Joubeir a payé pour son soutien indéfectible au prince héritier dans l’affaire Khashoggi. Rétrogradé ministre d’Etat aux Affaires étrangères, son sort apparaît comme le limogeage le plus remarquable dans le remaniement d’ampleur annoncé jeudi dernier à Riyad.
Marquant sa reprise en main directe des affaires du royaume malgré son âge avancé (82 ans) et sa maladie, le souverain saoudien a pris ces décisions selon toute vraisemblance pour l’unité de son pays, qui subit l’onde de choc de l’affaire Khashoggi et la guerre au Yémen.
Les apparences restent sauves : son tempétueux fils préféré MBS, soupçonné d’être le commanditaire de l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi reste prince héritier et ministre de la Défense d’Arabie Saoudite. Mais plusieurs des nominations ou réaffectations décidées par le roi signalent que son fils n’a plus la haute main sur les hommes du pouvoir.
Parmi les arrivants, Ibrahim al-Assaf, le nouveau chef de la diplomatie nommé en remplacement d’Al-Joubeir, faisait partie de la cinquantaine de princes et hommes d’affaires pris dans le spectaculaire coup de filet anticorruption ordonné par MBS à l’hôtel Ritz Carlton de Riyad en novembre 2017.
Ancien ministre des finances, al-Assaf avait été rapidement relâché et aucune preuve de corruption n’avait été retenue contre lui. Un autre limogeage remarquable a visé un très proche de MBS, le très médiatique Turki Al-Sheikh, qui dirigeait le puissant conseil sportif et qui devient directeur de l’autorité du divertissement.
D’autres décrets du roi Salmane touchant aux services de sécurité ainsi que les nominations à certains postes de membres des branches de la famille royale marginalisées par MBS en pleine ascension, sont autant de signaux de la volonté du roi de resserrer les rangs divisés par son fils.
R. R.