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mardi 9 septembre 2025
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« L’odeur de la sardine » : polar et mémoire d’une guerre jamais finie

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Dans L’odeur de la sardine, paru le 3 septembre 2025 chez Fayard, Serge Raffy, romancier et journaliste d’investigation, signe un roman à la croisée du polar et de l’histoire, qui plonge au cœur des traumatismes encore vivaces de la guerre d’Algérie. Avec une précision journalistique, il mêle enquête policière et exploration de la mémoire collective, dans un récit où passé et présent s’entrelacent de manière troublante.

L’histoire s’ouvre sur un crime énigmatique : l’exécution, en pleine nuit sur les quais de la Seine à Paris, de Charles Bayard, ex-patron de la police judiciaire. Un meurtre qui interroge : simple règlement de comptes ou affaire d’État ? Bayard portait un secret qui le hantait depuis ses années de service, un passé guerrier dont les cicatrices psychologiques restent intactes. Julien Sarda, ancien chef de la brigade criminelle de Paris, est chargé de l’enquête par le ministère.

Avec une équipe hétéroclite – de jeunes officiers de la DGSI et de la DGSE, un archiviste doté d’une mémoire d’éléphant et un conseiller ministériel aux allures inoffensives – il s’aventure dans un labyrinthe d’indices, de fausses pistes et de mémoires fragmentées.

Le roman alterne minutieusement les scènes de l’enquête policière et les retours sur le passé de Bayard. Raffy explore la complexité du personnage, solitaire et discret, dont les actions passées ont façonné le cours d’événements majeurs, tels que la traque des terroristes d’Action directe à Vitry-aux-Loges.

À travers cette approche, l’auteur ne raconte pas seulement une enquête : il revisite la mémoire de la guerre d’Algérie, en révélant ses traumatismes, ses non-dits et les séquelles qui traversent encore les consciences françaises et algériennes.

Dans son avant-propos, Raffy explique son choix du « conte de faits » : un récit hybride, entre fiction et réalité, qui permet de fouiller les zones sombres de la mémoire et d’explorer l’intimité des hommes confrontés à l’histoire. Loin de se limiter à la narration des événements historiques, le roman fait émerger la dimension psychologique et émotionnelle de la guerre. Il souligne qu’on ne revient jamais intact d’un conflit, et que la guerre d’indépendance algérienne continue de peser sur les deux rives de la Méditerranée, avec son cortège de culpabilité, de remords et de secrets.

Pourtant, derrière la noirceur et les blessures, Raffy fait percevoir des éléments positifs : la littérature devient un vecteur de transmission de la mémoire, et un outil pour faire face aux traumatismes.

Le roman met en lumière la résilience humaine, la capacité des hommes à chercher la vérité et à confronter leur passé. À travers le travail méthodique de Sarda et de son équipe, le lecteur découvre aussi l’importance de l’intégrité, du courage et de la persévérance, valeurs essentielles dans l’enquête comme dans la mémoire collective.

Le récit est également une réflexion sur la face sombre du gaullisme et les tensions franco-algériennes qui persistent dans les archives et les mémoires. Raffy rappelle que l’histoire n’est pas figée : elle se raconte, se transmet et se revisite à chaque génération. À ce titre, L’odeur de la sardine n’est pas seulement un roman policier : c’est un voyage au cœur des douleurs enfouies et des secrets qui façonnent encore notre présent.

Entre suspense, quête de vérité et exploration historique, le livre de Serge Raffy captive autant qu’il interroge. Il confronte le lecteur à des réalités que l’on préfère parfois oublier, mais propose aussi un chemin de compréhension et de réconciliation intérieure, rappelant que le passé, aussi douloureux soit-il, peut servir de socle pour construire une mémoire collective éclairée et partagée.

L’odeur de la sardine s’impose ainsi comme un roman policier et historique à la fois, brûlant d’actualité et profondément humain. Une lecture exigeante, qui met en lumière les blessures laissées par la guerre d’Algérie tout en valorisant la résilience, la mémoire et l’intelligence de ceux qui cherchent à faire la lumière sur les zones d’ombre de l’histoire.

Djamal Guettala

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