22 novembre 2024
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L’œuvre d’Abane Ramdane, source de la Révolution démocratique   

62e anniversaire de l’assassinat de l’architecte de l’indépendance

L’œuvre d’Abane Ramdane, source de la Révolution démocratique   

La Révolution démocratique, inlassable, résolue à faire triompher la longue lutte pour l’avènement de l’État de droit interdit s’est massivement réappropriée, le vendredi 44, la mémoire du concepteur du socle républicain, Abane Ramdane.

Credo et âme de l’insurrection citoyenne, la mise en œuvre de l’Etat démocratique et social, né à la Soummam, liquidé et combattu depuis l’assassinat de son fondateur, le 27 décembre 1957, passe par la transition. Impérieuse passerelle entre le « système » et l’État reconstruit. 

Laquelle doit inscrire, en priorité, la mise en place d’instruments fixant les formes et le fond principiel de l’ordre nouveau. Le tout formalisé dans la Charte démocratique historique, relais entre le passé et l’avenir (*).

La vision stratégico-historique de Abane se vérifie à l’aune de la coïncidence des principes de son action fédératrice, créatrice et prospective avec l’exigence des fils de l’indépendance confisquée, en 2019.

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 Principes et valeurs que se cherche encore la Nation depuis le 22 février. Les slogans les plus répondus et présents « pour un Etat civil et non militaire », « Algérie libre et démocratique », « pour un Etat démocratique et social », « création de contre-pouvoirs structurels »… se trouvent cristallisés, à travers l’action de l’homme du 20 aout 1956.

L’édification d’une force nationale unitaire et rassemblement du peuple autour de celle-ci, création des organisations sociopolitiques, structuration de l’ALN, mise sur pied ce la justice révolutionnaire, communication de guerre avec l’imminent rôle joué par la fédération de France du FLN, l’hymne national, création de l’instance exécutive et législative de la Révolution (CCE et CNRA), la doctrine révolutionnaire, les préalables à la négociation…En somme, la Révolution doit à Abane son sauvetage et sa mise sur rail dans le sens de l’Histoire.

Or, à l’épreuve du temps, les bonnes intentions et les lois ne suffisent pas comme garantie protectrice. Un nouveau contrat social, qui reprend et clos les débats initiés par le fils de Azouza (Kabylie), est vital au salut de la patrie. C’est éviter un retour de manivelle sur la Nation.

De telle sorte que ce qui a été bâti à la Soummam trouve, enfin, un prolongement définitif. Historique. C’est au congrès de la Soummam que se sont noués les espérance et jalons de l’Etat démocratique. C’est à cette réunion fondatrice que les institutions sont structurées. 

Enjeu immédiat post 12 décembre, la transformation de l’Indépendence en acte de consécration des libertés doit, à présent, constituer la mutation de la révolution du 22 février. De la résilience brave au projet salutaire. 

L’Etat démocratique et social 

Norme fondamentale, sommet de la hiérarchie des normes conçue par Kelsen, l’acception de la constitution par le citoyen résonne l’écho aux notions de pouvoir constituant originaire (le peuple), souveraineté populaire, indépendance de la justice, garantie des droits fondamentaux, alternance au pouvoir, éloignement de la religion des affaires de la cité… 

Les Algériens se sont, sans cesse, référés au fameux article 7 de la Constitution violée, prolongement du congrès de la Soummam : La souveraineté appartient au peuple. Sa volonté est représentée par des institutions civiles, soumises à la Loi.

L’Etat de droit démocratique et social qui fuit la patrie depuis la liquidation de son fondateur reprend, en substance, les principes universels. D’origine allemande (Rechtsstaat), rule of law (prééminence du droit), la notion de l’Etat de droit a été redéfinie au début du vingtième siècle, intégrant les standards démocratiques. La puissance de l’Etat s’en trouve limitée. 

En ce sens, la Commission européenne pour la démocratie par le droit a mis en place un outil opérationnel pour évaluer le niveau de la conformité avec l’Etat de droit. Basé sur ses cinq éléments fondamentaux, structurants : La légalité- base de la démocratie et garantie des droits de l’homme, la sécurité juridique et l’accessibilité au droit, la prévention de l’abus de pouvoir- sauvegarde contre l’arbitraire, légalité devant la loi et la non-discrimination, l’accès  à la justice indépendante- et droit au un procès équitable. 

Anticipatrices, d’une éclatante vérité, les résolutions de la Soummam, impulsées par Abane font référence à ces bases de l’Etat de droit, dans son acception moderne. 

La primauté du civil sur le militaire : Principe de légalité et de séparation des fonctions 

Le primat du politique, entendu dans le contexte révolutionnaire, signifie que l’action civile doit guider l’action militaire. D’où il suit que l’organe militaire ne peut piétiner le politique. 

Dit autrement, le principe de légalité – toute action doit se conformer à la loi-, est à la base de la démocratie fonctionnelle. Il comprend la primauté du droit : l’action de l’Etat est assujettie à la loi. Qui doit l’autoriser. 

Principe soummamien cardinal, aux antipodes des desseins obscurs des colonels, la première réunion du CNRA du Caire en août 1957 le renverse.  La force brutale l’emporte. Depuis, le coup de force permanent, la violence ont gangrené la pratique constitutionnelle. Coutume contra legem, méthode conventionnelle, pour conquérir le pouvoir. Ou le préserver. 

Union nationale : Cap révolutionnaire d’indépendance 

Sans Abane, Ben M’hidi et leurs compagnons, l’insurrection du 1er novembre ne saurait se hisser au rang de conquête historique. L’œuvre fédératrice autour du sigle FLN fut le rassemblement jamais réalisé, depuis 1830. Salvateur, ce sursaut ne sera cependant suffisant pour conférer toute sa plénitude à l’émancipation algérienne. 

Signe à l’histoire, l’adhésion aux idéaux de Abane est manifeste au travers les solidarités nées dans les angoras populaires et communion spontanée, sans équivoque. Non sans rappeler l’union sacrée autour de l’objectif de la libération de la patrie. 

Pleine souveraine, citoyenneté 

La charte de la Soummam a revendiqué, sans ambages, l’autonomie algérienne vis-à-vis des puissances et influences étrangères. Les liaisons occultes et aliénantes du système décrié, par la rue en lutte, remettent au goût du jour la sentence de Abane : « La Révolution algérienne est un combat patriotique dont la base est incontestablement de caractère national, politique et social. Elle n’est inféodée ni au Caire, ni à Londres, ni à Moscou, ni à Washington ». 

Le salut algérien est l’émanation de la base souveraine. 

Etat régionalisé, cap nord-africain 

Décidé en 1956, le découpage territorial, élan puissant au soutien du mot d’ordre national, établi autour des régions naturelles du pays, a vitalisé l’action des révolutionnaires. Et permis aux spécificités locales de s’exprimer.

Victoire irréversible de l’insurrection en cours, la formidable reconnaissance des régions du pays du martyre et la bravoure kabyles, à l’occasion des élections, la mobilisation nationale en faveur de la libération des détenus d’opinion laisse à penser qu’une conscience citoyenne est sur le point de s’enraciner 

Laïcité 

 « C’est une lutte nationale…non une guerre religieuse. C’est une marche en avant dans le sens historique de l’humanité… C’est en fin la lutte pour… une république démocratique et sociale et non la restauration d’une monarchie ou d’une théocratie révolues ».

Tranchants, fédérateurs, inscrits dans l’universel, la traduction doctrinale des objectifs de la dynamique populaire doit transcrire l’élévation citoyenne par un positionnement irréversible de l’Etat laïque. La leçon est inscrite à Ifri. L’ignorer c’est piéger, fragiliser l’édifice nouveau.

Prolonger et pérenniser la Soummam

« Nous sommes tombés dans l’immobilisme, la stagnation. L’esprit révolutionnaire a disparu chez tous les dirigeants, cadres et militants pour laisser place à l’embourgeoisement, à la bureaucratie, à l’arrivisme, à la course aux honneurs, aux rivalités, à l’esprit de clan et de région. Le dégoût et le découragement se sont emparés des meilleurs », écrivait le colonel Ouamrane, six mois après le crime de Tétouan, dans son rapport au CCE en 1958.

Lugubre, glaçant, ce témoignage du compagnon du rassembleur Abane fait montre d’un vide abyssal causé par sa liquidation. 

Les principes soummamiens, bases de la charte historique posant les préalables démocratiques, la doctrine autant le cap de la nouvelle Algérie auront la valeur de normes supraconstitutionnelles. Inviolables. 

En ceci, mue par les expériences du passé, une Constitution peut prévoir que certaines dispositions soient intangibles. C’est le cas en Allemagne, la Loi fondamentale de 1949 interdit la remise en cause de la forme fédérale de l’État. La forme républicaine de l’État ne peut faire l’objet d’une révision, en France, depuis 1884, et en Italie. 

En Afrique, l’exemple guinée est saillant : Depuis 2010 « la forme républicaine de l’Etat, le principe de la laïcité, le principe de l’unicité de l’Etat, le principe de la séparation et de l’équilibre des pouvoirs, le pluralisme politique et syndical, le nombre et la durée des mandats du Président de la République ne peuvent faire l’objet d’une révision » (Art. 154 de la Constitution guinéenne du 7 mai 2010).

L’intangibilité ainsi posée interdit toute révision de ces dispositions.  

A tous égards, Abane, concepteur de l’Etat républicain, civil, démocratique et social, qui s’inscrit dans le cadre de l’union des peuples nord-africains, a anticipé les traumatismes qui ont fait perdre plus d’un demi-siècle à l’espérance de 1962. 

La Révolution du sourire, en s’appropriant le projet soummamien, a redonné sens et portée à la souveraineté citoyenne. Actant, de ce fait, la primauté du pouvoir constituant sur tout pouvoir constitué.

Le congrès du 20 août 1956 a organisé, structuré et donné un cap à l’insurrection du 1er novembre. La Révolution du 22 février se doit de se référer à un projet : source de la constitution nouvelle. Outre une Charte fixant son horizon, issue de la convention nationale souveraine, dont le processus constituant est contrôlé par la cour constitutionnelle. Les critères de représentation, exceptées l’autoproclamation et la désignation, doivent s’inspirer des vertus de la Soummam : « Le bannissement du pouvoir personnel et l’instauration du principe de la direction collective composée d’hommes propres, … La condamnation définitive du culte de la personnalité ».

La conscience citoyenne, acquis impérissable 

La force de l’abnégation des générations sacrifiées, le réveil de la conscience collective sont l’assise fertile à l’éclosion du rêve semé par le grand Homme Abane. L’électrochoc, surgi à Kherrata le 16 février, est une rupture historique remettant le politique au centre du débat national. Conquête inaboutie, but commun, l’action révolutionnaire hier, le sursaut citoyen aujourd’hui : « Elle a provoqué un choc psychologique qui a libéré le peuple de sa torpeur de la peur, de son scepticisme. Elle a permis au peuple algérien une nouvelle prise de conscience de sa dignité nationale ».

Le défi qui s’est imposé aux congressistes à la Soummam est, symétrie saisissante, le même auquel est confrontée la Révolution du sourire :  clarifier les enjeux, fixer les formes et méthodes, baliser, immuniser, instituer le socle de la République. C’est là la refondation nationale, parachèvement de l’œuvre d’Abane. Qui plus est, l’assassinat ne cesse de hanter le destin national. 

La mise en forme de l’Etat moderne des libertés, de tolérance, né à la Soummam, définitivement inscrit dans l’universel, issu de l’intermède transitionnel, est résolument le cap. Que doit se fixer la seconde phase de la Révolution démocratique. 

Mohammed Kebir

Avocat- chargé d’enseignements. France 

ktransition57@gmail.com

(*) Voir nos contributions : Instruments démocratiques pour une transition constituante, publiée dans Liberté du 20 mai 2019 ; Sens et actualité ce l’Etat soumammien, El Watan, 20 août 2019).

Auteur
Mohammed Kebir, avocat, chargé d’enseignements. France

 




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