Le Conseil constitutionnel a censuré, jeudi 7 août, la disposition la plus contestée de la loi Duplomb, qui prévoyait la réintroduction sous conditions d’un pesticide interdit de la famille des néonicotinoïdes, jugée par les Sages contraire à la Charte de l’environnement.
Emmanuel Macron a annoncé avoir « pris bonne note de la décision du Conseil constitutionnel » et « promulguera » le texte « tel (qu’il) résulte de cette décision dans les meilleurs délais », a indiqué l’Élysée. Les Sages ont retoqué cette disposition contestée qui prévoyait la réintroduction sous conditions de l’acétamipride, jugée contraire à la Charte de l’environnement.
Le Conseil constitutionnel a, dans le même temps, validé les simplifications administratives accordées aux plus gros élevages, ainsi qu’à la construction d’ouvrages de stockage d’eau à finalité agricole – avec néanmoins quelques réserves pour cette deuxième mesure. Il a également estimé que la procédure d’adoption du texte, qui avait été rejeté par ses propres défenseurs à l’Assemblée, était conforme à la Constitution.
La Confédération paysanne, troisième syndicat agricole, a salué une « victoire d’étape », appelant à « continuer de mettre la pression pour obtenir une réorientation des politiques agricoles ». « On espère que la mobilisation ne s’éteindra pas », a déclaré Stéphane Galais, porte-parole du syndicat qui défend une « réelle » transition agroécologique, à l’AFP devant le Conseil constitutionnel à Paris.
Une mesure contraire à la Charte de l’environnement
La loi Duplomb, adoptée au Parlement début juillet avec le soutien du gouvernement, a fait l’objet d’un vaste mouvement de protestation malgré l’été, y compris au sein du monde scientifique. Une pétition réclamant son abrogation a réuni plus de 2,1 millions de signatures.
La réintroduction à titre dérogatoire de l’acétamipride, interdit depuis 2018 en France, mais autorisé ailleurs en Europe, a cristallisé la contestation. Son retour était réclamé par le puissant syndicat agricole FNSEA – dont est issu le sénateur Les Républicains Laurent Duplomb – pour les producteurs de betteraves et de noisettes. Le syndicat a réagi à la décision des Sages, déclarant que c’est « inacceptable que le Conseil constitutionnel continue à permettre des surtranspositions » du droit européen, a indiqué à l’AFP Jérôme Despey, vice-président du puissant syndicat agricole. Il a toutefois salué la validation des « allègements administratifs » pour construire des bâtiments d’élevage et des ouvrages de stockage de l’eau.
Le Conseil constitutionnel a dû ainsi rendre une décision sous pression à la fois de l’opinion et du monde agricole. Il a finalement estimé que « faute d’encadrement suffisant », cette mesure était contraire au « cadre défini par sa jurisprudence, découlant de la Charte de l’environnement », selon un communiqué. Cette charte a une valeur constitutionnelle.
« Des risques pour la santé humaine »
Dans leur décision, les Sages rappellent que les néonicotinoïdes « ont des incidences sur la biodiversité, en particulier pour les insectes pollinisateurs et les oiseaux » et « induisent des risques pour la santé humaine ». En 2020, ils avaient consenti à une dérogation temporaire à leur interdiction, cantonnée à la filière des betteraves et à l’enrobage des semences.
Cette fois, le Conseil constitutionnel censure la dérogation introduite dans la loi en relevant qu’elle n’est pas limitée dans le temps, ni à une filière particulière, et concerne aussi la pulvérisation, qui présente des risques élevés de dispersion des substances.
En introduisant une telle dérogation, le législateur « a privé de garanties légales le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé garanti par l’article 1er de la Charte de l’environnement », écrivent les Sages dans leur décision.
Rfi