Les députés de l’Assemblée populaire nationale (APN) ont adopté, samedi, la nouvelle mouture de l’article 22 contesté, du texte de loi organique relative à l’information. Cette nouvelle loi est déjà dénoncée par les journalistes et organisation de la presse indépendante.
Comme une lettre à la poste. A l’APN on ne moufte pas, on avalise et on se tait. Le texte de loi organique relative à l’information dans sa totalité, a été également adopté à la majorité, après reformulation de l’article 22. Voilà qui signe la mort de la liberté de la presse en Algérie.
Le vote s’est déroulé en séance plénière présidée par le président de l’APN, Brahim Boughali, en présence de la ministre des Relations avec le Parlement, Basma Azouar et de membres du Gouvernement. Ceci pour la forme.
Quant au contenu, le ministre des Transports, Youcef Cherfa a salué, en sa qualité de représentant du gouvernement à cette plénière, les efforts de la commission paritaire des deux chambres du Parlement, ayant permis de parvenir à une formule consensuelle de l’article 22 du texte de projet de loi relative à l’information, nous apprend l’APN. Il estime que cet article dans sa nouvelle mouture « exige du journaliste qui travaille en Algérie pour le compte d’un média de droit étranger, de disposer au préalable d’une accréditation, et fixe les modalités d’application de cet article ». Comme si ce projet de loi mortifère pour la presse se résumait à cet article !
Les dispositions du projet de cette loi « servent la presse et renforcent son rôle dans la préservation des intérêts suprêmes du pays », soutient sans avoir froid aux yeux Youcef Cherfa. Sur sa lancée, il a appelé à mettre en place « des législations relatives au champs médiatique et qui œuvrent à combler tous les vides que pourraient exploiter des parties étrangères qui prennent de la liberté d’expression et de presse comme un prétexte, en vue de s’immiscer dans les affaires internes de l’Etat, dans le but le déstabiliser et de porter atteinte à sa souveraineté et à son unité ». Mais il y a loin de la coupe aux lèvres.
Les pseudo-associations de journalistes qui grenouillent dans la périphérie du pouvoir n’ont pipé mot de cette nouvelle loi sur l’information.
La FIJ dénonce
La Fédération internationale des journalistes (FIJ) s’est inquiétée, dans un communiqué, rendu public, lors du vote, des conséquences liberticides de cette loi, et condamne les conditions de mise en place d’un Haut conseil d’éthique professionnelle.
Le texte s’articule autour de quatre axes majeurs, analyse la FIJ. Les statuts des journalistes, les conditions et modalités d’octroi de la carte de presse, les modalités d’accréditation des journalistes travaillant pour des médias étrangers et l’instauration d’un haut conseil d’éthique professionnelle.
Ce nouveau texte renforce le contrôle du gouvernement sur les médias et les journalistes en soumettant l’octroi de licences aux médias et l’accréditation des journalistes au contrôle du ministère de l’information, constate l’ONG. Selon les normes internationales, ces deux domaines doivent être gérés par des organes de régulation indépendants. Ce qui est loin d’être le cas en Algérie où les journalistes sont réduits à être de simples porte-plumes du régime en place.
Un autre point problématique du texte concerne la création d’un Haut conseil d’éthique professionnelle et la nomination de la moitié de ses 12 membres par le président algérien, constate la FIJ. Cela contrevenant ainsi aux normes internationales d’autorégulation des médias et ouvrant la porte à une ingérence politique dans le travail des journalistes.
“Les politiciens ne devraient pas interférer dans le travail des conseils de presse indépendants, il faut laisser les professionnels s’en charger”, a rappelé la FIJ.
Cette loi bat en brèche le fragile régime de protection des sources journalistiques. Selon le texte, les journalistes ont le droit de protéger la confidentialité de leurs sources, à moins que les tribunaux ne leur demandent de les révéler. Et quand on sait comment fonctionne la justice en Algérie, il y a lieu de croire que la protection des sources relève désormais d’une tromperie. « Cette disposition fait craindre que les journalistes puissent être forcés de révéler leurs sources même si aucun intérêt public ni de risque pour la santé et la sécurité des personnes ou du public ne le justifie ».
Le gouvernement s’est affranchi de toute consultation des professionnels des médias et les journalistes lors de l’élaboration du projet de loi. L’Association des éditeurs et les responsables des organisations de médias numériques ont déclaré en février que les projets de loi sur les médias et sur l’audiovisuel « n’ont pas fait l’objet d’une discussion approfondie et étendue de la part des professionnels et des partenaires sociaux, contrairement à ce qu’affirme le ministre de l’information) ».
L’absence d’un syndicat national de journalistes actif en Algérie rend très difficile la défense des droits et des intérêts des journalistes dans le pays. Les rachitiques organisations qui existent sont devenus des feuilles de vigne d’une presse aux abois.
Le Secrétaire général de la FIJ, Anthony Bellanger, a déclaré : “Nous exprimons une grande inquiétude à l’égard de ce texte de loi qui vient menacer directement la liberté de la presse et l’indépendance des journalistes, tout en renforçant une ingérence de l’Etat déjà omniprésente, dans les médias et la presse. Nous encourageons les journalistes en Algérie à se rassembler et à travailler ensemble pour lutter contre cette ingérence croissante.”
Yacine K.