Dans un État où la bureaucratie joue un rôle prépondérant, les lois de finances sont devenues un exercice rituel, où les lettres des textes réglementaires semblent imposer l’ordre, tandis que les chiffres, dociles, suivent le rythme imposé.
Pourtant, derrière cette illusion de maîtrise, la réalité économique, elle se débat sous l’effet des forces externes que les lois ne peuvent dompter. L’arbitre de ce bal est implacable : le cours du pétrole.
Dans un pays dont les finances sont principalement alimentées par les revenus pétroliers, les lois de finances se succèdent, dictées par des textes et des discours officiels, comme si ces derniers ont pu maîtriser l’imprévisibilité des marchés mondiaux. Les recettes et les dépenses publiques, malgré leur régulation par des textes rigides, sont en réalité soumises à des dynamiques externes, notamment les fluctuations du prix du pétrole, qui échappent à toute tentative de contrôle local.
Dans ce contexte, le système économique, centré sur les hydrocarbures, est soumis à un paradoxe : d’un côté, les autorités imposent des règles nationales, des lois de finances destinées à encadrer les dépenses en dinars, de l’autre, le dollar. , maître incontesté du marché pétrolier, continue de dicter les recettes en pétrodollars. Ce décalage crée l’illusion d’un contrôle, alors même que les chiffres, malgré leur obéissance apparente, renvoient la dépendance et la vulnérabilité de l’économie face aux caprices du marché mondial.
Dans ce jeu d’apparences, le dinar est la monnaie assujettie, contrainte par des politiques locales à suivre un chemin tracé par des textes et des décrets. En revanche, le dollar, symbole du marché mondial du pétrole, reste inaccessible à toute régulation nationale. Les autorités continuent à s’accrocher à l’idée que les lois peuvent dompter une économie qui est avant tout tributaire des forces extérieures.
Les recettes pétrolières, converties en dinars pour financer les dépenses publiques, dépendent directement des fluctuations du cours du pétrole. Les lois, aussi strictes soient-elles, ne peuvent rien contre cette réalité. Les chiffres — ces recettes et dépenses — suivent les lois dans un mouvement mécanique, mais leur portée réelle est limitée par une économie vulnérable aux aléas mondiales.
Derrière cette apparente stabilité, l’État se trouve enfermé dans une logique bureaucratique, qui empêche toute véritable réforme économique. Les lois de finances, répétées année après année, donnent l’impression que l’économie est maîtrisée, alors qu’elle reste fondamentalement dépendante des revenus pétroliers. Les tentatives de diversification échouent régulièrement face à la rigidité du système et à une incapacité à voir au-delà du modèle de rente.
Les dirigeants continuent de maintenir ce système, sans remettre en cause le lien entre les recettes publiques et les fluctuations pétrolières. L’illusion de contrôle règne, mais elle ne fait qu’empêcher l’adaptation aux réalités du marché mondial, condamnant ainsi l’économie à une dépendance toujours plus grande.
Le plus grand paradoxe de ce système réside dans le fait que les lois, censées être des instruments de régulation, ignorent souvent les dynamiques mondiales. Les prix du pétrole, libellés en dollars, fluctuent en fonction des forces extérieures sur lesquelles les autorités n’ont aucune prise. Pourtant, les politiques nationales continuent de bâtir leurs prévisions budgétaires sur des hypothèses internes, déconnectées des réalités extérieures.
En maintenant des lois rigides et une gestion centrale sur des données internes, les autorités continuent d’entretenir une illusion de maîtrise, alors même que la réalité des chiffres leur échappe. La dépendance au pétrole et aux fluctuations du marché international est une réalité incontournable, mais elle est régulièrement minimisée dans les discours officiels.
La seule issue pour sortir de cette impasse est de réorienter la gestion économique en fonction des réalités globales. Les lois de finances doivent évoluer pour tenir compte des fluctuations du marché pétrolier, de la dynamique du dollar et des nouvelles exigences économiques mondiales. L’économie ne peut plus être dictée par des textes bureaucratiques déconnectés du terrain. Ce sont les chiffres, les réalités économiques mondiales, qui doivent désormais guider les politiques économiques locales.
Pour ce faire, l’État doit se libérer de sa dépendance au pétrole et investir dans la diversification économique, en se tournant vers de nouveaux secteurs de croissance. Cela nécessite une révision en profondeur des lois fiscales et des politiques économiques, adaptée aux dynamiques mondiales et aux besoins de la population.
Le pays se trouve à un tournant. S’il persiste à maintenir une gestion économique figée, régie par des lois qui ignorent la réalité des marchés mondiaux, il s’expose à de lourdes conséquences : une économie de plus en plus vulnérable aux crises extérieures, un effondrement inévitable de ses bases économiques , et un retard accumulé dans la diversification.
Si, au contraire, les dirigeants choisissent d’adapter les lois aux réalités économiques mondiales, alors il serait possible d’envisager un avenir plus stable et résilient, affranchi de la seule rente pétrolière. Mais pour cela, il est impératif de renoncer à l’illusion que les lettres, seules, peuvent imposer un ordre économique. Seuls les chiffres, dictés par les réalités du marché, seront le dernier mot.
Dr A Boumezrag
Les points de vues du Dr Boumezrag sont certes pertinants, mais lorsqu’il s’agit de questions économiques, le lecteur que je suis, souhaite des analyses un peu plus pertinentes, des chiffres fournis sur la base d’études de terrains. Nous savons très bien qu’il a blocage à tout niveau pour déterminer une quelconque nature des états de choses. Pourquoi enferme-t-on le système politico-économique algérien à la seule rebnte pétrogazière? Ce système ne s’est-il formé à travers toute une histoire sociale et culturelle? A titre d’exemple: Si nous lisons un des articles de Mohammed Dib, alors journaliste à Alger-Républicain durant les années 1950, sur le problème de signalisation routière à Alger, nous saurons très vite qu’entre 1951 et 2024 la question persiste et s’aggrave même sur ce plan, qui est aussi de l’ordre économique et social. Le système en question que vous approchez dans chacune de vos publications, ne renferme-t-il pas une sorte de reproduction latente de ce qui été vécu durant le Gouvernement général d’Algérie? Il y a lieu tout juste de comparaître les chiffres du GGA, d’avant le 19 mars 1962 et ceux de l’ONS actuel, pour ce rendre compte que nous sommes bien une semi-colonie à mode de production économique semi-capitaliste.