Ils ne sont pas rares les édifices et monuments anciens ou plus récents que la connaissance commune inscrit dans la mémoire universelle. Leur image proposée dans les médias ou par le cinéma est immédiatement identifiée. Ils ont une origine et/ou une signification qui peut aller depuis l’antiquité jusqu’à notre période contemporaine.
La statue de la liberté, le temple du Taj Mahal, la Tour Effeil, la Sagrada Famlia, l’Opéra de Sydney ou le stade de football d’Oran (on peut rire affectueusement !), pas la peine de réfléchir plus d’une fraction de seconde pour leur identification par la population mondiale.
Très souvent, pour ce type d’édifice et de ses dépendances l’objectif est d’incarner sa fonction. Pour l’ONU, il était à priori évident que sous cet angle il ne pouvait y avoir d’autres intentions que celle de représenter l’universalité de tous les peuples du monde à travers les Etats.
L’idée instinctive pour y arriver, nous l’aurions deviné bien avant son début, est de demander à plusieurs architectes d’origines différentes de concevoir un tout à partir des composantes significatives du projet. Nous verrons que les idées instinctives ne sont pas les plus efficaces. Ainsi, dix architectes ont été choisis, provenant de la Belgique, des Etats-Unis, de l’Uruguay, de l’Australie, du Royaume-Uni, du Brésil, de la Suède, de la Chine, De la France (en collaboration avec la Suisse, et du Canada.
Si l’Américain, Wallace Harrison avait supervisé l’ensemble (le lieu de l’ONU pouvait le légitimer), ce sont deux architectes parmi les dix qui ont été les plus emblématiques, par leur notoriété. Ils étaient très connus dans le monde et l’Algérie n’a pas été la dernière à adhérer à cette conclusion, le Brésilien Oscar Niemayer et le Français Le Corbusier.
Comme à mon habitude et conformément à la définition d’une chronique, elle n’a pas pour but de présenter un historique mais de prendre un angle de vue particulier pour étayer une analyse critique. Et j’en ai une très personnelle, tranchée et sévère pour l’idée collective de la conception architecturale de l’ONU.
J’avais commencé par dire que dans l’histoire des bâtisseurs des grands monuments ou édifice, la cohérence avec leurs sens était presque toujours voulue. Aussi bien pour les pyramides dont le sommet indique le chemin de l’ascension du Pharaon vers l’éternité du ciel que pour la Tour Effeil pour la glorification de l’acier, source de la très grande évolution industrielle et de transport du 19ème siècle.
Dans le cas du bâtiment de l’ONU, j’ai crainte d’être obligé de conclure que cette volonté d’associer une variété d’architectes pour symboliser l’universalité du projet n’en soit arrivée qu’à un patchwork bien décevant.
Le bâtiment est tout ce qu’il y a de plus banal dans l’architecture moderne de cette époque. Les salles ne sont pas plus différentes des grandes salles de conférences dans le monde. On penserait même à un très grand amphithéâtre d’une université. La seule idée conforme au projet d’égalité et d’universalisme est un dôme qui surplombe une salle circulaire pour le conseil de sécurité afin de mettre les pays sur un même niveau de disposition.
L’idée de la forme circulaire ou de demi circulaire est aussi ancienne que l’architecture des amphithéâtres de la Grèce ancienne. Dans ce dernier cas l’égalité se concevait par la même écoute et vision des spectateurs.
On a voulu symboliser l’universalisme par l’association de plusieurs architectes alors qu’il suffisait de concevoir un lieu cohérent avec la fonction de l’édifice sans tohu-bohu qui a fini par une réalisation banale qui se confond avec la ville de New-York et ses buildings.
Avec la forme rectiligne du bâtiment en son extérieur, les étudiants qualifiaient ce genre de structure de boîte à chaussure posée verticalement. L’immeuble paraissait impressionnant à l’époque mais surtout parce qu’il était censé représenter le vieux rêve de la paix dans le monde qu’avait voulu tenter la SDN (Société des nations) fondée après la première guerre mondiale. C’est donc la solennité du lieu qui prévaut sur le sens de l’architecture.
Pour le siège de l’ONU, l’écrin se devait de représenter cette volonté par son architecture. Qui l’aurait conçu et comment, cela n’aurait eu aucune importance. On avait oublié que c’est le fond et la volonté qui comptent pour l’établissement de la paix et de la sécurité dans le monde. Ce n’est donc pas le contenant qui fait ce fond, l’humanité le sait depuis bien longtemps.
Avec le bâtiment de l’ONU on avait voulu faire le contraire. Un seul architecte recruté par concours pour son projet aurait été certainement plus original et conforme à la fonction du lieu.
Cela aurait été peut-être identique au résultat des dix architectes mais au moins dix fois moins cher pour le coût.
Sid Lakhdar Boumediene