Joseph Mac Carthy est l’un des plus célèbres noms américains du siècle dernier, un des rares dont le nom est devenu un adjectif, le maccarthysme. De sinistre mémoire ce sénateur avait rejoint le parti républicain et s’était engagé dans une vaste opération de persécution dans les années 50 à l’encontre de tous ceux qui étaient soupçonnés d’avoir des sympathies ou des liens avec le communisme.
Tout y est passé, campagne de propagande, menaces, procès et incarcérations. Un vaste climat de terreur s’était abattu sur des intellectuels ou créateurs, surtout ceux qui avaient un pouvoir réel ou supposé dans les médias, la production cinématographique, littéraire et dans bien d’autres cas comme les milieux universitaires censés être la source doctrinaire.
Le maccarthysme est la reproduction à l’identique des grandes chasses aux sorcières qu’avait connu l’Europe pendant des siècles, que ce soit par superstition ou pour des raisons politiques dissimulées.
Il ne faut jamais oublier qu’au lendemain de la grande victoire américaine avec ses alliés, le pays était entré dans une psychose extrême contre l’ennemi soviétique. C’est en ce nom que la population n’avait pas réagi aussi fermement car elle était totalement convaincue du danger communiste pour la nation et, également, tétanisée par la peur de la dénonciation.
Le maccarthysme est une tâche indélébile dans l’histoire de ce pays comme l’avaient été l’extermination et l’assimilation contrainte des Amérindiens, tout comme l’esclavagisme et le ségrégationnisme.
Voilà que Donald Trump déterre ce passé sombre de son pays. Des universités perdent leur financement, des livres sont brûlés ou interdits. La science est durement impactée et aucune subvention n’est accordée si dans le thème est introduit tout mot suspect comme racisme, femme, génétique du genre et ainsi de suite.
Puis, je me souviens à Oran lorsque la professeure de français nous avait conseillé d’aller voir à la cinémathèque un film ancien de science-fiction sortie en 1966, Fahrenheit 451, adapté d’un roman du même nom.
Un état totalitaire imaginaire avait interdit tous les livres afin d’effacer la mémoire de toute production écrite et donc de l’histoire. La chasse était ouverte à tout celui qui en dissimulait un sous peine de lourdes sanctions. Nous avions appris à cette occasion le mot autodafé qui était au Moyen Âge la condamnation au feu des hérétiques.
La température qui brûle le papier est de 451 degrés Fahrenheit. C’était des pompiers qui exécutaient les autodafés des livres comme pour signifier l’extinction des impuretés incendiaires.
Mais plus tard, dans les classes du lycée, on nous avait engagés de lire le livre référence en matière de totalitarisme, 1984 de George Orwell. Dans cette version de la description du mécanisme totalitaire il s’agissait d’une surveillance de masse par un procédé automatique effectué par le parti.
La surveillance est incarnée par un personnage dont le nom, Big Brother (le grand frère), est de nos jours spontanément utilisé pour qualifier tout système de privation des libertés. Ce personnage invisible semblait dire « Big Brother is watching you », expression plus suggestive.
Voilà où en est l’Amérique, ce grand pays de la démocratie et de la liberté (même si elles ont toujours été imparfaites).
Boumediene Sid Lakhdar