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mercredi 30 juillet 2025
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Macron et la guerre d’Algérie : mémoire confisquée, réconciliation manquée

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Dans « L’Algérie de Macron – Les impasses d’une politique mémorielle » (Seuil, 2024), les chercheurs Sébastien Ledoux et Paul Max Morin livrent une analyse fine et critique de la manière dont Emmanuel Macron a instrumentalisé la mémoire de la guerre d’Algérie pour asseoir son pouvoir présidentiel.

Tout commence en février 2017, quand, candidat à l’Élysée, Macron déclare sur la chaîne algérienne Echorouk News que la colonisation française en Algérie fut un « crime contre l’humanité ». Ce geste fort, inédit chez un prétendant à la présidence française, bouleverse le débat public, fait tomber un tabou et laisse entrevoir une possible rupture avec le passé colonial souvent refoulé.

Le jeune candidat, sans mandat électif, se pose ainsi en homme de rupture, capable de dépasser le clivage gauche-droite figé autour de la question coloniale, pour offrir une nouvelle narration de l’histoire nationale.

Pour Sébastien Ledoux et Päul Max Morin, cependant, ce qui semblait prometteur devient rapidement un piège. Macron investit la guerre d’Algérie comme un « domaine réservé » de la présidence, multipliant discours, commémorations et gestes symboliques : reconnaissance de l’assassinat de Maurice Audin, hommage aux harkis, visite officielle en Algérie, commande du rapport Stora. Une hyper-activité symbolique qui vise à incarner le pouvoir thaumaturgique — celui qui soigne les blessures du passé par la parole présidentielle.

Mais, dans la réalité, cette politique mémorielle se révèle vite fragmentée et stérile. À partir de 2019, face aux secousses sociales (crise des Gilets jaunes, pandémie, montée de l’extrême droite), la mémoire cesse d’être un levier d’émancipation pour devenir un outil de gestion des tensions, instrumentalisé pour apaiser les « groupes mémoriels » distincts (harkis, pieds-noirs, enfants d’immigrés), sans articulation ni projet global.

Pis encore, Macron évite soigneusement de relier ce passé colonial aux problématiques actuelles : aucune reconnaissance des violences policières ciblant les jeunes des quartiers populaires, aucun travail sur la persistance du racisme d’État. La mémoire, dans son jeu politique, devient une scène symbolique déconnectée des réalités sociales, coupée des attentes et des souffrances des héritiers de ce passé.

Le rapport Stora, pourtant salué à sa remise, est à moitié enterré, victime du calendrier électoral et de la « droitisation » du macronisme. La promesse de réconciliation vire à la chorégraphie électorale, où la mémoire est plus souvent un spectacle qu’un débat démocratique.

Au fond, l’ouvrage révèle une vérité dérangeante : la politique mémorielle d’Emmanuel Macron est une mémoire confisquée, enfermée dans le cadre étroit du pouvoir présidentiel et incapable d’ouvrir une véritable réflexion collective. En voulant solder l’histoire à travers la parole présidentielle, Macron n’a jamais pleinement confronté la structure coloniale de la France ni ses persistances dans les institutions et la société.

Ce livre est salutaire. Il montre combien la mémoire, si elle est aux mains du seul chef de l’État, risque de n’être qu’un outil de légitimation politique, au détriment de son potentiel émancipateur. Dans une époque où les jeunes des deux rives cherchent à penser un avenir libéré des silences d’hier, la question reste ouverte : la mémoire peut-elle réellement nous réunir quand elle est détenue par le pouvoir et non partagée avec la société ?

Mourad Benyahia

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1 COMMENTAIRE

  1. Ce n’est pas la faute de Macron, si le pays de Massinissa soit tombé si bas au point d’être occupé par les turcs puis échangé. Les peuples meurent comme les nations. Cette histoire de « la réconciliation » entre vainqueur et vaincus a servi le régime pour accaparer quelque chose l’histoire du pays, alors que les vrais libérateurs sont soit morts ou assassinés par le même régime installé par De Gaulle. Une mystification qui ne tient en rien, tout comme la « concorde civile », qui la halalilisé l’État sous la coupe de la Charia. Quand on nous invente une arabité là o§ il n’ y en avait aucune trace et que le peuple accepte passivement ce choix, c’est qu’on n’est pas sortis de l’auberge, donc encore colonisables.

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