Justice

Depuis 2021, la Tunisie se confronte à des attaques répétées contre l’indépendance de la magistrature. Le démantèlement du Conseil supérieur de la magistrature, les révocations arbitraires de magistrat·es, les mutations comme autant de sanctions, les pressions disciplinaires et les campagnes de diffamation se sont multipliés visant à assujettir le système judiciaire au pouvoir exécutif.

Le verdict du 18 avril 2025, dans l’affaire dite du « complot contre la sûreté de l’État », a cristallisé cette dérive autoritaire : graves violations des droits de la défense, mépris des standards d’un procès équitable, instrumentalisation de la justice à des fins politiques. 

Ce verdict révèle, par-delà des condamnations, la soumission de magistrats à l’exécutif, transformés en simples exécutants d’une décision politique. L’image déplorable de juges réduits au rang de pions d’un dictateur. Mais cette image négative ne rend pas compte de toute la réalité. D’autres visages illustrent la résistance : celui du juge Moez Ghribi, muté arbitrairement après avoir invoqué son état de santé pour échapper à une parodie de justice ; celui de la juge Lamia Maghraoui, sanctionnée pour avoir refusé de se prêter à cette mascarade. Ces mutations confirment la véracité des propos tenus par l’ancien magistrat Ahmed Souab sur les pressions et menaces qui pèsent sur les membres de la 5e chambre criminelle. Leur mise à l’écart est un signal menaçant adressé à toute la magistrature : se soumettre ou être puni.

Derrière cette répression persiste une résistance silencieuse : celle de nombreux magistrats intègres, regroupés notamment au sein de l’Association des Magistrats Tunisiens (AMT), qui refusent toute compromission. Ils s’efforcent de résister en exerçant leur fonction avec dignité malgré les risques.

L’autre réalité n’en est pas moins prégnante : une partie importante de la magistrature, par opportunisme ou par adhésion idéologique, collabore avec le régime en validant des procédures iniques. Ceux-là doivent être publiquement dénoncés.

Et enfin, n’oublions pas les magistrats terrorisés par la répression, paralysés par la peur et de fait, réduits au silence.

Le CRLDHT

  • Réitère sa ferme condamnation de l’ingérence illégale de la ministre de la Justice, qui, par des mutations disciplinaires imposées par notes de service, transgresse les textes en vigueur, notamment le décret-loi présidentiel 11/2022 et la Constitution de 2022 ;
  • Dénonce l’instrumentalisation d’une loi datant de 1967 et abrogée depuis pour instaurer une politique de la « carotte et du bâton » destinée à soumettre la magistrature parallèlement à une neutralisation délibérée du Conseil supérieur provisoire de la magistrature par le président Kaïs Saïed ;
  • S’indigne de la conception du ministère de la Justice qui transforme les tribunaux de l’intérieur du pays en lieux de relégation pour magistrats rétifs ;
  • Exprime sa solidarité avec tous les magistrats qui refusent de se soumettre et appelle les associations professionnelles, les avocats, la famille judiciaire, la société civile tunisienne et internationale à défendre l’indépendance de la justice et le droit à un procès équitable ;
  • Déplore aussi la complicité honteuse du Conseil de l’Ordre des avocats qui refuse d’inscrire les juges révoqués ou démissionnaires ;
  • Tient Kaïs Saïed personnellement responsable — en vertu de sa propre Constitution — des violations des droits humains et de l’indépendance de la magistrature et l’enjoint à :
    • Respecter l’arrêt n°16/2021 de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples ordonnant l’annulation du décret-loi 11/2022.
    • Respecter l’arrêt 08/2024 ordonnant la suspension du décret-loi n°35/2022.
    • Réintégrer sans délai les juges révoqués conformément aux décisions du Tribunal administratif.
  • Appelle à conditionner toute coopération internationale à des garanties effectives de l’indépendance judiciaire.
  • Exige des autorités de fixer sans délai une date pour la visite officielle de la Rapporteuse spéciale de l’ONU pour l’indépendance des juges et des avocats, ajournée sans justification aucune.

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