Au Mali, les jihadistes du Jnim, liés à al-Qaïda, ont détruit vendredi 17 octobre plusieurs dizaines de camions citernes dans la région de Sikasso. Le Jnim a également diffusé des vidéos de deux militaires et d’un administrateur de l’État récemment pris en otage.
Les jihadistes ont édicté de nouvelles exigences qu’ils entendent imposer aux voyageurs circulant sur les routes maliennes, notamment le port du voile pour les femmes.
Le convoi de camions citernes venait de Côte d’Ivoire. Il a été attaqué vendredi 17 octobre dans la matinée entre Kolondieba et Kadiana, près de la frontière, par les jihadistes du Jnim circulant à moto. Malgré l’escorte militaire, une cinquantaine de citernes ont été incendiées, dont le Jnim a diffusé les images dans des vidéos de propagande. Aucun bilan n’a été transmis sur le nombre de militaires maliens et de transporteurs tués dans cette énième attaque, au sujet de laquelle ni l’armée malienne, ni les autorités de transition, n’ont communiqué.
Lundi 13, un précédent convoi avait déjà été ciblé sur le même tronçon routier. Le Jnim poursuit donc son embargo sur les importations de carburant, qui provoque une grave pénurie d’essence dans de nombreuses régions du Mali et jusque dans la capitale Bamako.
Vidéos de trois otages
Les jihadistes ont également diffusé des preuves de vie de trois otages récemment capturés : le président du conseil régional de Ségou, Siaka Dembélé, enlevé le 3 octobre sur la route reliant Ségou et Bamako, et deux soldats maliens enlevés le 9 octobre dans la région de Tombouctou alors qu’ils revenaient de permission. Dans des vidéos datées du mercredi 15 octobre et diffusées le vendredi 17, les trois hommes affirment être bien traités et demandent aux autorités d’œuvrer pour leur libération. Des paroles enregistrées sous la contrainte, puisque les trois hommes sont en captivité.
Dans un communiqué distinct, le Jnim a annoncé vendredi lever l’interdiction formulée le 3 septembre dernier contre la société Diarra Transport, que les jihadistes avaient nommément ciblée pour sa proximité supposée avec les autorités de Transition et avec l’armée. Il y a deux semaines, la présidente de Diarra Transport avait formulé des excuses publiques. Vendredi soir, la compagnie a annoncé la réouverture de ses gares dès lundi prochain.
Selon plusieurs sources impliquées dans les discussions initiées avec le Jnim ces dernières semaines, cette mesure n’a fait l’objet d’aucun versement d’argent. Ce que confirme une source sécuritaire malienne, qui précise : « Les autorités ont donné leur accord tacite aux conditions posées ».
Car cette levée ne va pas sans contrepartie : les jihadistes du Jnim ont édicté de nouvelles règles qu’ils entendent imposer, non seulement à Diarra Transport, mais à tous les voyageurs sur toutes les routes maliennes, qu’ils circulent avec d’autres compagnies, dans leur véhicule personnel ou même à vélo ou en charrette.
Première règle : les femmes devront être voilées dans les transports publics. Le Jnim demande spécifiquement aux compagnies d’autocars de bien faire respecter cette règle. Deuxième exigence : toute collaboration avec les forces maliennes est proscrite, l’objectif étant de mettre fin aux dénonciations et aux contrôles dans les gares notamment. Troisième règle, qui s’inscrit toujours dans la volonté des jihadistes d’imposer leur interprétation de la charia : en cas d’accident, celui qui aura endommagé un véhicule ou écrasé un animal devra dédommager la victime.
Y a-t-il encore le choix ?
« Le porte-parole du Jnim parle comme s’il dirigeait le pays », ironise un observateur. « Ils prennent le contrôle des routes », analyse un autre. Quant à savoir si les voyageurs maliens, à commencer par les femmes, accepteront ces règles, tous se posent la même question : compte tenu des risques, y a-t-il encore le choix ?
Les autorités maliennes de transition n’ont pas réagi à ce stade. Depuis un mois et demi, les autorités politiques et militaires de la Transition ne cessent d’appeler les Maliens à la « résilience » face à ce qu’elles qualifient de « derniers soubresauts d’un ennemi aux abois ».
Avec Rfi