21 novembre 2024
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Mali : que s’est-il réellement passé à Moura ?

Moura, Mali

Au Mali, il y a encore énormément de questions après l’opération menée la semaine dernière à Moura, dans le centre du pays. Massacres, exactions… que s’est-il passé ?

Dans un communiqué publié le vendredi 1er avril 2022, l’armée malienne a indiqué avoir « neutralisé » plus de 200 jihadistes lors de cette « opération d’envergure » menée entre le 23 et le 31 mars, contre un « fief des terroristes». Mais de nombreux témoignages locaux, collectés par RFI et plusieurs organisations de défense des droits humains, font état de multiples exactions.

À ce stade, « on ne parle plus d’exactions, c’est un massacre », affirme carrément une source, qui juge l’opération militaire malienne disproportionnée et indiscriminée. L’armée indique avoir tué 203 jihadistes et en avoir interpellé 51. Aucune perte à déplorer côté Fama, ce qui est évidemment une bonne nouvelle, mais aussi une source de questionnements : il n’y a pas eu de combat, l’armée indique avoir mené des actions aériennes.

« Un jour de marché », précisent de nombreuses sources, qui assurent également que parmi les victimes, tous n’étaient pas des jihadistes, mais qu’il y a aussi eu de simples villageois. Ces sources évoquent des exécutions sommaires, des pillages, des maisons brûlées et des femmes violées. Le village a été encerclé et soumis à un blocus pendant six jours.

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Dans son communiqué, l’armée affirme avoir mené cette opération « suite à des renseignements bien précis » sur « une rencontre entre différentes katibas », et avoir procédé à un « nettoyage systématique de la zone ». Moura subit depuis plusieurs années le joug des jihadistes de la katiba Macina du GSIM, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, où ils viennent régulièrement effectuer des prêches et se ravitailler. « Sans armes, même des jihadistes identifiés doivent être considérés comme des prisonniers de guerre et non comme des personnes à liquider », pointent unanimement des sources humanitaires et judiciaires.

Autre interrogation : le rôle joué par les supplétifs russes – mercenaires du groupe Wagner, selon tous les partenaires occidentaux du Mali, ou « instructeurs » de l’armée russe, selon Bamako – des Fama : le communiqué de l’armée malienne ne les cite à aucun moment, mais de nombreux témoignages attestent qu’ils étaient déployés en très grand nombre, certains affirment même qu’ils étaient plus nombreux que les soldats maliens.

Un lourd bilan : plus de 200 morts

Enfin, le bilan de cette opération pose question : 203 morts, selon l’armée. Mais là encore, de nombreuses sources évoquent un bilan très supérieur. Leur nombre précis risque d’être difficile à établir. Des habitants ont expliqué avoir dû enterrer eux-mêmes leurs morts à la chaîne, ils parlent de fosses communes et de corps calcinés.

La Mission des Nations unies au Mali souhaite justement mener une enquête pour tenter d’établir les faits et de répondre à toutes ces questions. « Tout est planifié, nous n’attendons plus que l’accord des autorités », explique-t-on à la Minusma. Dans son communiqué, l’armée malienne invite « à la retenue contre les spéculations diffamatoires à l’encontre des Fama » et assure « ouvrir des enquêtes à chaque fois que des allégations » sont portées contre les forces nationales.

Mais les défenseurs des droits humains souhaitent une enquête indépendante. Tout comme les États-Unis, qui ont appelé, ce dimanche, le gouvernement de transition à accorder l’accès de Moura à la Minusma.

« Le fait de ne pas fournir un compte rendu approfondi et crédible des faits et des responsabilités, prévient le département d’État américain, ne servira qu’à semer des divisions dans la société malienne, à saper la crédibilité, la légitimité et la réputation des Fama. » Même plaidoyer du côté de l’Union européenne, qui juge « essentiel » que la Minusma « puisse avoir accès aux lieux des évènements » et « que les conclusions de ces enquêtes soient rendues publiques afin que les responsables soient traduits devant la justice. » « La lutte contre le terrorisme, conclut le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell, ne peut en aucun cas justifier des violations massives des droits de l’homme. » Avec RFI

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