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Maman, si j’arrive tu seras sauvée !

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Migrants morts en Italie

Je suis dans l’embarcation comme prévu. L’eau de mer est salée comme tu me l’avais dit. Je la goutte parfois pour me rappeler que tu es hypertendue.

Ici en mer, nous n’avons pas de voisins. C’est l’horizon aux quatre points cardinaux. L’horizon n’est pas le nôtre.

Les passeurs sont gentils. Ils ne demandent que l’argent. Il n’y a pas de bureaucratie en mer; ils ne nous ont pas exigé de CV. Pour une fois de ma vie,je suis accepté sans entrevue. En plus, Ils nous donnent même des bouteilles d’eau gratuitement.

Longtemps, on m’a menti: j’ai lu dans les livres qu’il y a des pirates en mer qui viennent t’enlever tout ce que tu as; mais, curieusement, moi les pirates je les ai laissés derrière moi.

Nous sommes très nombreux mais chacun est solitaire. La mer fait des vagues. L’eau est amère, ses vagues font des ondes dans ma vie avec des ricochets du passé et l’incertitude du présent.
J’ai le mal de mer, le mal de mère est plus étourdissant.

Nous sommes dans le Titanic, le bateau et non le film. On ne tourne pas de scènes, je n’aime pas ce mot, je le déteste car j’ai vu assez de mises en scènes sans fin du bonheur confisqué.
Ici, on ne se fait pas mener en bateau comme dans le quartier .

Si j’arrive, tu seras sauvée, maman.
Si j’échoue, je serai chair en mer et les eaux crèveront mon corps comme ils ont crevé tes eaux à ma naissance.
Si tu ne m’entends plus, si mon téléphone ne sonne plus; tu diras à tous les maires de dire à leurs supérieurs que mon âme vague au-dessus des aires de leurs conforts d’où ils nous méprisent tels des hères.

C’est dans ma tête que tout cela fait des vagues en silence. L’espoir de l’autre rive m’habite et s’il s’effrite…..adieu!

Rabah Kadache

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