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Manon Aubry en Cisjordanie occupée : « J’ai vu la réalité de l’apartheid »

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Avant même son retour en Europe, Manon Aubry a lancé un avertissement clair. Dans un message publié sur X (ex-Twitter), l’eurodéputée française a déclaré :

« Alerte : Israël veut m’arrêter pour avoir montré la réalité de l’occupation en Palestine. Je suis en Cisjordanie, occupée illégalement selon le droit international. Je ne céderai pas à leurs menaces. Interpellez les autorités : votre relais est ma protection ! »

Cette prise de parole, d’une rare gravité, éclaire le contexte de son déplacement et la portée de son témoignage. Elle affirme être visée pour avoir révélé, depuis le terrain, ce qu’elle décrit comme un système d’apartheid assumé.

De retour d’une mission en territoires occupés, Manon Aubry raconte une Palestine morcelée, surveillée et étouffée. Hébron, Silwan à Jérusalem-Est, et le village chrétien de Taybeh composent un triangle saisissant où se déploie un contrôle multiforme : militaire, administratif, territorial. À ses yeux, ces trois lieux racontent la même histoire : celle d’un peuple vivant sous un régime de domination qui ne dit plus son nom.

Hébron : une ville coupée en deux

À Hébron, la séparation est visible à chaque rue. Les colons circulent librement ; les Palestiniens, eux, avancent au rythme des checkpoints, des fouilles et des restrictions. Boutiques fermées, rues désertées, miradors surplombant les maisons : l’espace public est quadrillé. Pour une mère qui accompagne son enfant à l’école ou un travailleur qui se rend à son emploi, chaque déplacement devient un acte d’endurance.

« La ville ressemble à une carte postale déchirée », confie Manon Aubry, frappée par l’abîme qui sépare les deux réalités coexistant sur un même trottoir.

À Silwan, autre scène de cette géographie fragmentée, près de 40 000 habitants vivent sous la menace permanente d’expulsion. Les maisons sont numérotées comme on coche une liste. Certaines voient leurs fondations fragilisées par des tunnels creusés sous leurs pieds au nom d’un projet archéologique destiné à réécrire la ville au bénéfice des colons.

Ici, explique Aubry, « le projet n’est pas seulement de contrôler le présent, mais de réécrire le passé ». L’urbanisme devient un instrument politique, une manière de réduire progressivement l’espace palestinien jusqu’à le rendre inhabitable.

Taybeh : l’étouffement silencieux

Dernier bastion chrétien de Cisjordanie, Taybeh vit un encerclement plus discret mais tout aussi implacable. Les habitants sont isolés, pris au piège par des routes interdites, des postes militaires et une liberté de circulation réduite au minimum.

Les jeunes grandissent dans l’incertitude, les projets se heurtent aux restrictions, mais la communauté continue de préserver ses traditions, son hospitalité et sa foi. Le village tient, malgré tout.

Pour Manon Aubry, ces trois étapes ne sont pas des exceptions : elles forment un système de domination intégré, où tout — le droit, la géographie, la force militaire, les infrastructures — est conçu pour limiter le développement palestinien, entraver la circulation, diviser les territoires et épuiser la résistance.

« Rien n’est laissé au hasard », affirme-t-elle.

Ce qui la frappe le plus, pourtant, ce ne sont pas les dispositifs de contrôle, mais la dignité des Palestiniens. Les mères qui rebroussent chemin plutôt que de laisser un soldat humilier leur enfant. Les familles qui rebâtissent les murs détruits. Les jeunes qui continuent de rêver malgré un horizon cadenassé.

« Leur résistance est une manière de dire au monde que la vie continue », dit-elle.

Un témoignage sous pression

Le message publié sur X, où elle dit craindre une arrestation, souligne la tension qui entoure son déplacement. Une élue européenne déclarant publiquement être menacée pour avoir documenté une situation d’occupation : l’alerte est lourde de sens.

Ses soutiens estiment que cette pression vise à dissuader toute voix internationale trop critique. Les autorités israéliennes, pour l’heure, ne réagissent pas officiellement.

Mais le récit qu’elle rapporte ne laisse pas indifférent. Derrière chaque checkpoint, chaque maison promise à la destruction, chaque route interdite, il y a des existences et une résilience qui force le respect.

Et c’est précisément ce qu’elle affirme avoir voulu montrer : la réalité d’un apartheid quotidien, vécu par des millions de Palestiniens depuis des décennies.

Mourad Benyahia 

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