Malgré un soutien affiché à la cause palestinienne, les autorités algériennes refusent l’organisation d’une marche et limitent l’expression de solidarité à un format encadré, révélant leur volonté de contrôler l’espace public.
La récente réponse des autorités algériennes à une demande d’organisation d’un rassemblement de soutien au peuple palestinien de Gaza illustre une position à la fois paradoxale et restrictive. Alors que la solidarité avec la cause palestinienne constitue un pilier de la politique étrangère du pays et un sujet hautement sensible pour l’opinion publique, le pouvoir semble tracer une ligne rouge entre l’expression de cette solidarité et le contrôle de l’ordre public.
Une demande collective pour une cause consensuelle
Le document, daté du 4 août 2025, répond à l’initiative d’une douzaine de partis politiques et associations sollicitant une autorisation pour organiser une marche de solidarité. La lettre, signée par le Secrétaire général du ministère de l’Intérieur, des Collectivités locales et de l’Aménagement du territoire, est adressée à plusieurs responsables politiques, parmi lesquels le président du Mouvement de la Société pour la Paix (MSP), Tadjamou Amal Al Jazair (TAJ), le PFJ, le Parti des Travailleurs (PT), la Voix du Peuple, le Mouvement Nahdha et le Front de l’Algérie Nouvelle.
Un soutien réaffirmé, mais une marche refusée
Comme souvent dans ce type de communication officielle, le fond de la réponse révèle une ambivalence notable. Les autorités réaffirment leur « soutien » et leur « solidarité » avec la cause palestinienne, mais opposent une fin de non-recevoir à la demande d’organisation d’une marche. Elles proposent en alternative l’organisation d’un « rassemblement en salle », une formule symbolique mais bien en deçà de l’élan populaire et de l’impact médiatique qu’aurait une manifestation de rue.
Un contrôle persistant de l’espace public
Ce « oui mais non » semble moins motivé par une remise en cause de la cause défendue que par la volonté de maintenir un contrôle strict sur l’espace public. L’argument de l’ordre public, souvent invoqué pour justifier de telles restrictions, traduit une méfiance persistante à l’égard des rassemblements populaires, y compris lorsqu’ils concernent des causes universellement reconnues.
Une occasion manquée de mobilisation unitaire
La demande émanait d’un large spectre de partis et d’organisations, principalement issus de sensibilités islamo-nationalistes (à l’exception notable du PT). Cette configuration offrait au pouvoir l’opportunité de canaliser et d’accompagner une mobilisation citoyenne consensuelle. Or, la restriction imposée fragmente le mouvement de solidarité et le confine à des formats moins visibles et moins percutants.
Un symptôme d’un rapport de force entre le pouvoir et la société
Au-delà de l’épisode, cette décision qui s’appuie sur les dispositions de l’article 29-89 du 31-12-1989, illustre une tendance structurelle : en Algérie, la liberté d’expression et de rassemblement, si elle est reconnue en droit, se heurte souvent à des contraintes pratiques et administratives. Si le soutien à Gaza demeure un principe intangible, sa mise en acte sur le territoire national doit se plier à un cadre rigide, où la rue – espace central de l’expression collective – reste sous étroite surveillance.
Le « oui mais non » des autorités n’est donc pas qu’une simple réponse administrative. Il incarne le rapport de force constant entre l’État et la société, même sur des sujets où un consensus national semble aller de soi.
Samia Naït Iqbal