Qui oserait me dire que mes grands-parents n’étaient pas de bons et honnêtes musulmans ? Pourtant, s’ils entendaient de leur tombe que des Algériens se marient avec deux femmes, dans une même noce, ils en seraient effrayés et choqués.
Je n’ai appris l’information que tardivement. Mon esprit ne pouvait imaginer une telle chose. J’ai demandé et redemandé si elle était vraie, toujours dans une grande stupéfaction.
Un Algérien venait bien de se marier avec deux femmes, en même temps, se photographiant avec un sourire de fierté. Mes grands-parents l’auraient traité de mots que je ne peux reproduire ici.
Ils étaient d’une piété sans limite. Cette piété accompagnait leurs gestes quotidiens que l’égrènement du chapelet et les heures de prière ponctuaient. Pourtant, ils auraient affirmé que cela n’est pas un acte qui qualifie l’humanisme des vrais musulmans.
Dans ce pays qui m’a vu naître, la situation est partie trop loin et elle accélère dans une pente vertigineuse, par le silence coupable de certains, par l’approbation d’autres qui sont inconscients de la dangerosité de la situation.
Ce qui arrive n’est pas l’Islam diraient mes grands-parents, c’est même hors de l’humanité diraient-ils. On leur serait passé sur le corps avant qu’ils puissent être obligés de voir leur fille épouser un homme marié, en même temps, et dans une noce conjointe.
Qu’avons-nous fait pour en arriver là ? La situation est une insulte à l’égard d’un Islam qui était vécu tranquillement, dans la sagesse et dans la quiétude quotidienne de leur époque. Dans l’esprit de nos grands-parents, l’Islam n’exigeait pas ce comportement inqualifiable pour prouver la compatibilité de leur foi avec ses règles.
Ils auraient maudit un imam qui accepterait de bénir une telle folie, une telle dérive à l’esprit d’une religion qui était profondément la leur.
Et si les démocrates ont violemment combattu le code de la famille, même celui-ci est bafoué par le juge qui a accepté une tel affront à la dignité de l’être humain. Le texte l’oblige à vérifier l’acceptation de la femme et l’égalité de traitement mais il ne lui interdit pas de refuser ce qui est condamnable.
Où est-il écrit que le mariage pouvait se faire simultanément avec deux femmes ? N’a-t-il pas entendu parler de l’interprétation des textes dans le sens du respect des droits humains lorsque ce texte ne prévoyait pas une telle horreur.
Tout cela est à condamner et nous n’accepterons pas de recevoir de leçons de ceux qui bafouent l’Islam par des actes qui sont inadmissibles et lui font porter plus de responsabilités sur les dérives humaines qu’il ne peut en supporter.
Le sourire du couple à trois sur la photo, resserrés dans une même union, est glaçant. Mes grands-parents sont épargnés de ce spectacle dans ce beau pays qu’ils ont tant aimé.
Qui oserait dire que les milliers de personnes qui ont réagi sur les réseaux sociaux par leur indignation sont de mauvais musulmans ? Comment ne seraient-ils pas indignés ?
C’est tellement grotesque, tellement révoltant, que seuls l’humour et la grande rigolade pouvaient faire passer quelque chose de si irrationnel.
Qui remettrait en cause les musulmans que sont la majorité de nos frères tunisiens ? Qui oserait le faire et à quel titre ? Pourtant, dans leur pays, ce n’est même pas cette mascarade qui est interdite, c’est tout simplement le mariage dans la polygamie.
Répétons-le, si certains nous jettent à la figure le dogme sacré, ont-ils conscience que ce dogme n’a jamais permis le mariage double ou triple dans une même noce ?
C’est pire que de la déviance à laquelle nous assistons, silencieux, c’est une insulte à l’Islam qui prend ici un chemin effrayant au regard de la religion de nos grands-parents.
Et nous ne permettons à personne de douter du vrai chemin de la foi qu’ils avaient pris. Il est temps que ce pays revienne à une raison au risque de lendemains angoissants car les ténèbres de l’esprit ne sont pas comme les ténèbres d’un matin se réveillant, ils restent présents pendant des siècles.
Musulmans démocrates et humanistes, réveillez-vous, même si celui qui vous le demande assume publiquement ce qu’il est, en libre conscience que toutes les constitutions modernes protègent.
Ses grands-parents et parents l’ont certainement éduqué dans le respect de la foi des autres, tout en lui accordant sa propre liberté de pensée et de conscience.
Boumédiene Sid Lakhdar, enseignant