AccueilA la uneMascarade présidentielle : demandez le programme, demandez !

Mascarade présidentielle : demandez le programme, demandez !

Les lecteurs de ma génération se souviennent du vendeur à la criée des journaux dans la rue. Les trois candidats à la présidence algérienne sont passés maintenant à l’étape de la propagande de  leur programme. Il leur faut les vendre avec bruit et grande diffusion.

Ils ont réussi brillamment leur passage devant la commission du choix des candidatures. Les trois dossiers préparés et présentés étaient incontestablement les meilleurs. Le jugement expert de l’état-major n’est jamais contredit.

L’un a été reconnu dans ses grands talents liberticides, son curriculum vitae est impressionnant. Son parcours tyrannique recense un flot d’arrestations et d’incarcérations à la hauteur des grands de son académie.

Le second est issu du rang des démocrates, c’est ce qui est écrit dans son dossier déclaratif. La commission n’a pas jugé utile d’en vérifier la validité car les démocrates ont le crédit d’être des hommes intègres.

Il a été salué par le jury pour sa capacité à la compromission. Le poste proposé exige une grande  aptitude d’adaptation et de souplesse pour modifier et renier la position politique antérieure. On appelle cela pudiquement dans la direction d’un état du pragmatisme. Certains l’appellent la traitrise des convictions, il faut toujours en faire preuve dans la mission présidentielle algérienne.

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Le troisième et dernier est l’inconnu des chanteurs d’opéra, celui que personne n’arrivait à en retenir le nom dans le groupe des Trois tTénors. La commission a estimé que la volonté de parvenir à la lumière, à n’importe quelle condition immorale, était à récompenser.

Bien entendu les autres candidats ne méritaient pas cet honneur. Le procureur près la Cour d’Alger avait demandé l’ouverture d’une enquête à propos d’une suspicion d’achat des parrainages par certains candidats. C’est dire si la transparence sur la procédure de choix des candidats ne laisse aucun doute sur sa parfaite régularité.

Et c’est parti ! Tebboune commence le premier  par taper fort. Il « réaffirme la poursuite de la politique sociale ». Dès le départ le candidat sortant place son projet au centre du débat.

Pour parler du centre, avez-vous remarqué qu’il a réussi à placer sa photo au milieu des trois et en général, en plus gros ou en surélevé ? Cela s’appelle du génie de la communication, il en fait preuve.

Aouchiche est immédiatement en riposte, il s’engage « à asseoir les fondements d’un Etat fort de ses institutions ». Il ne se laisse pas impressionner, ce gamin que j’avais connu dans un parti que j’ai quitté et dont il pique les formules.

Hassani Cherif n’a pas l’intention de se laisser distancé par les deux autres, il déclare « une forte participation prouvera au monde que l’Algérie est forte et protégée ». Il est malin, ne jamais dévoiler ses cartes au premier round, se contenter dans un premier temps de banalités qui ne comportent aucune proposition.

Et le voilà qui récidive dans les banalités, il veut taper fort et ne laisser aucune chance aux autres dans les propositions creuses. Son programme permettra de « remédier aux lacunes et d’éradiquer la corruption ». Et vlan ! Une attaque en coup bas au président sortant. Et il continue dans la banalité, il veut « concrétiser la justice sociale entre tous les Algériens ». C’est qu’il est bon, le bougre !

Mais Aouchiche revient sur le ring et assène un coup « les jeunes sont la clé du changement ». Il gère son avance aux points par «Notre participation à l’échéance vient en réponse à l’appel de la patrie». La patrie, le débat est maintenant au sommet de la sémantique algérienne.

Tebboune veut montrer aux deux débutants, entre deux voyages présidentiels, qu’il « œuvre au développement de toutes les wilayas du pays ». Et le match s’accélère, Aouchiche s’engage  à « soutenir les catégories sociales vulnérables ». Hassani Cherif s’engage pour sa part à « la révision du découpage administratif ».

Il est maintenant chauffé à blanc, il veut « Aller aux urnes pour barrer la route aux ennemis de l’Algérie». Pourquoi parle-t-il de moi ? Je ne suis pas candidat.

Puis il maintient son envolée, il affirme que son programme est porteur « d’un projet de décollage économique». Lequel ? Il nous le dira plus tard.

Aouchiche s’engage à « encourager les jeunes ». Les jeunes, c’est une obsession chez lui. Et voilà que les spectateurs s’enflamment pour le président sortant « Le RND soutient la candidature de Tebboune pour l’intérêt de l’Algérie ». Ils ont manifestement choisi leur champion.

Aouchiche réplique « Nous participons à l’échéance pour redonner espoir aux Algériens ». Nous, c’est qui ? La présidence est un collectif ? Et de continuer, accompagné du nous « Nous participons à l’échéance pour redonner espoir aux Algériens ».

Hassani Cherif veut réaffirmer la moralité de sa participation « Ma participation à l’élection est motivée par ma loyauté à la patrie ». Hassani culmine dans le lyrique, emporté par sa fougue, « La prochaine présidentielle, une étape importante dans l’histoire du pays». Il n’a pas encore compris que la campagne était commencée et qu’il ne s’agissait pas de la prochaine présidentielle ?

Mais où est donc Tebboune ? Il ne s’est pas prononcé depuis un moment, un vide dans la presse. C’est que ce vieux malin savait qu’il fallait laisser les deux autres s’égosiller et se fatiguer avec leurs envolées, l’un avec la morale et la patrie, l’autre avec la jeunesse.

Alors, le 26 août, je le vois bondir et rugir. Il sait, en bon dictateur populiste, qu’il faut parler au peuple de sujets qui les intéressent et qui touchent à leurs préoccupations quotidiennes. Dans un meeting à Oran il promet au peuple d’augmenter l’allocation chômage et la porter à 20 000 dinars.

Pour l’épineux dossier du logement, il promet la réalisation de deux millions d’unités. Quant à l’inflation, il s’engage à la baisser à 6,5 % alors que son taux est à 11 %. Il n’a cependant pas expliqué comment ses services ont calculé la virgule.

À cet instant précis j’ai décidé de ne pas voter pour Tebboune. Comment ose-t-il se rendre à Oran et ne pas citer mon nom ?

Et ainsi de suite car Tebboune n’est pas homme à proposer un projet sans aller dans les détails les plus précis dans leurs engagements. «La loi de finances 2024 permettra d’importer des bateaux de pêche maritime de moins de cinq ans et encourage la construction des navires de pêche au thon ». 

Ou un candidat est précis ou il ne l’est pas. Bon, je ne vais pas passer trois jours à recenser toutes les déclarations sur le thon, la banane, les importations de foulard ou la production de couscous de l’un, la patrie pour le second et la jeunesse pour le troisième.

Pour conclure, moi aussi je ne vais pas être originel, je ressortirai la phrase si éculée à toutes les sauces dont la première version a été dans le football.

Les élections présidentielles en Algérie, une mascarade comme nulle part ailleurs. Ce sont trois gars qui ferraillent et c’est Tebboune qui gagne à la fin.

Boumediene Sid Lakhdar

1 COMMENTAIRE

  1. As told before, the song remains the same…….Pauvre Algérie, mon beau pays d’antan!
    La junte au pouvoir depuis 1962 est partie pour durer…… La primauté du politique sur le militaire, un vain souhait depuis.
    Les générations d’aujourd’hui, sont-elles juste conscientes de la tragédie à ciel ouvert qui se joue devant eux ?

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