A l’occasion de la commémoration des massacres commis par l’armée française et ses milices en mai 1945, Tebboune réaffirme qu’il ne cédera pas sur la question de la mémoire coloniale.
Il y a 79 ans eurent lieu les massacres sans distinction d’Algériens qui manifestaient à Sétif, Guelma et Kherrata. Le 8 mai 1945 à Sétif, un défilé célébrant la victoire des Alliés sur le nazisme tournait à la tragédie. Ce rassemblement, qui s’était transformé en manifestation pour une Algérie libre et indépendante, avait été réprimé les forces françaises. Bilan : des milliers de manifestants tués.
Abdelmadjid Tebboune a affirmé que le dossier mémoriel avec la France « ne saurait faire objet de concessions ni de compromis ». Une petite phrase qui n’est pas passée inaperçue. « Le dossier de la mémoire restera au cœur de nos préoccupations, a ajouté Abdelmadjid Tebboune, jusqu’à son traitement objectif, audacieux et équitable envers la vérité historique ». Le chef de l’État s’est certes dit « prêt à avancer vers l’avenir dans un climat de confiance », mais il a tout même pris soin de préciser que « la crédibilité et le sérieux sont une exigence fondamentale pour compléter les mesures et les efforts liés à ce dossier délicat et sensible ». Un message on ne peut plus clair qui invite la France à revoir sa lecture de l’histoire de la colonisation.
Alger veut ainsi rappeler à la France ces exigences sur cette question mémorielle. D’abord, au sujet des archives algériennes. Si certaines ont déjà été restituées, il reste encore de très nombreux documents dans l’Hexagone. Des archives gouvernementales, coloniales, diplomatiques, militaires, réparties sur différents sites : Aix-en-Provence, Pierrefitte, Vincennes et Paris.
La commission d’historiens franco-algérienne a proposé d’en rendre certaines et d’en numériser d’autres. Pas question pour Alger, qui veut récupérer l’ensemble des originaux. Au passage, il y a lieu de souligner que les archives du FLN/ALN demeurent inaccessibles aux historiens et étudiants en Algérie. Ne faut-il pas commencer déjà par ouvrir les dizaines de milliers d’archives détenues en Algérie et les mettre à la disposition de ceux qui souhaitent faire des recherches, comprendre et écrire sur notre passé ?
Autre sujet de crispation : la restitution des effets personnels de l’émir Abdelkader, un sujet d’une extrême complexité. Paris ne peut rien rendre tant que la loi-cadre sur les restitutions des biens culturels n’est pas votée. Or, ce texte, qui devait être présenté au printemps, ne sera pas examiné par le Parlement français avant l’automne, au mieux. Autre difficulté : cette loi ne devrait pas permettre la restitution d’armes, ce qui pose un problème pour les sabres de l’émir Abdelkader.
Stéphane Séjourné, ministre français des Affaires étrangères, qui devrait, selon nos informations, se rendre à Alger entre la fin du mois de mai et le début du mois de juin se verra sans nul doute rappeler ces exigences. Avant cela, ces questions de restitutions seront déjà abordées par les historiens français et algériens. Car la commission mixte est censée se réunir à Alger du 20 au 24 mai.
«On a déjà reçu des demi-excuses. Il faut faire un autre pas (…) On le souhaite », avait déclaré le 4 juillet 2020 Abdelmadjid Tebboune à France 24.
Abdelmadjid Tebboune avait annoncé aussi une visite en France après la présidentielle du 7 septembre. Une annonce incongrue d’ailleurs, puisqu’il est censé ne pas être sûr de gagner l’élection. Cette visite plusieurs fois reportée pourrait être l’occasion, si elle a lieu, de mettre un terme – au moins pour un temps – à la guerre de mémoires.
La rédaction