Jeudi 1 novembre 2018
Masse monétaire en circulation hors-banques : 20 milliards de dollars seulement ?
1.- La masse monétaire en circulation en Algérie et poids des transactions informelles
Les agrégats monétaires sont des indicateurs statistiques regroupant dans des ensembles homogènes les moyens de paiement détenus par les agents d’un territoire donné, existant plusieurs niveaux d’agrégats statistiques dans la masse monétaire, selon le degré de liquidité. Nous avons M0 appelée aussi base monétaire ou monnaie centrale qui représente l’ensemble des engagements monétaires d’une banque centrale (pièces et billets en circulation, avoirs en monnaie scripturale comptabilisée par la banque centrale). Nous avons M1 qui correspond à la part pièces et billets en circulation de M0 plus les dépôts à vue, M2 qui correspond à M1 plus les dépôts à termes inférieurs ou égaux à deux ans et les dépôts assortis d’un préavis de remboursement inférieur ou égal à trois mois, M3 qui correspond à M2 plus les instruments négociables sur le marché monétaire émis par les institutions financières monétaires (IFM), et qui représentent des avoirs dont le degré de liquidité est élevé avec peu de risque de perte de capital en cas de liquidation et enfin M4 qui correspond à M3 plus les bons du Trésor, les billets de trésorerie et les bons à moyen terme émis par les sociétés non financières. Sur le plan quantitatif, la masse monétaire (M2), après avoir quasiment stagné en 2015 et 2016, a augmenté de 4,27 % au premier semestre de 2017 et de 3,83 % au second semestre (8,27 % pour toute l’année 2017). Hors dépôts du secteur des hydrocarbures, l’accroissement de M2 en 2017 a été plus faible (4,88 %), contre 14,6% en 2014, 8,4% en 2013, 10,9% en 2012 et 19,9% en 2011. Dans son rapport officiel fin 2017, la banque d’Algérie a précisé que la masse monétaire a atteint 14 574 milliards de dinars à fin 2017, contre 13 817 à fin 2016 dont 4 780 milliards de dinars, circulent en dehors du circuit bancaire .dont 1 500 à 2 000 sont thésaurisés par les agents économiques, dont les ménages, et entre 2 500 et 3 000 milliards de dinars sont échangés sur le marché informel. . Le gouverneur a souligné la nécessité d’intégrer la priorité de bancarisation de cette manne monétaire qui échappe aux banques dans la stratégie monétaire commerciale Le 31 octobre 2018, pour le Gouverneur de la Banque d’Algérie (BA), pas moins de 4800 milliards de dinars (soit environ 20 milliards de dollars) échappent totalement aux banques. Selon la BA, ce montant de 4800 mds DA se décompose en deux niveaux. Le premier, c’est-à-dire 2000 mds DA environ qui sont chez les particuliers ou appelé la petite épargne qui échappe au système financier, et le reste d’environ 2800 mds DA qui irrigue l’économie nationale qu’on appelle «l’informel» Il s’ensuit que si nous prenons en compte les données précédentes, le montant circulation hors banques (14574/4780 milliards de dinars) par rapport à la masse monétaire en circulation, nous aurons le ratio de 32,8%. Le montant détenu par la sphère informelle par rapport à la masse monétaire en circulation (2500/3000) donne un ratio variant entre 17,15 et 20,59%.
2.- Faute de maîtrise du système d’information, des déclarations contradictoires des responsables économiques
Cependant il semble bien que les données soient imparfaitement maîtrisées, faute d’une vision stratégique, d’une synchronisation de la sphère réelle et financière d’une part et de la sphère économique et sociale d’autre part. comme en témoigne des déclarations contradictoires.. L’ex-ministre des finances Benkhalfa l’avait évalué dans un entretien à une télévision privée entre 40 et 50 milliards de dollars et en 2016, l’ex premier ministre Abdelmalek Sellal a donné le montant de 37 milliards de dollars (APS) et en septembre 2017, contredisant tous ces organes officiels, le premier ministre Ahmed Ouyahia donne un autre montant 17 milliards de dollars.
Selon Deborah Harold, enseignante américaine de sciences politiques à l’université de Philadelphie et spécialiste de l’Algérie, se basant sur des données de la Banque d’Algérie, l’économie informelle brasserait 40/50 % de la masse monétaire en circulation. L’ex-ministère du Commerce avait confié en 2014/2015 selon l’APS que la sphère informelle représenterait 45% de la superficie économique. Selon l’ONS l’économie informelle représente selon les chiffres officiels près de 45 % du Produit intérieur brut (PIB) et que les effectifs dans la sphère informelle peuvent varier entre 30/40% de la population active, certaines données étant reprises par le Ministère du Travail qui en 2015 donnait 30%. Récemment nous avons eu deux déclarations contradictoires. La première déclaration celle du ministre des finances algérien début janvier 2018 et celle du DG du Trésor le fin octobre 2018.
Pour la première déclaration, interrogé sur les chiffres présentés par d’anciens membres du gouvernement, ou encore l’actuel Premier ministre qui évoquait en septembre 2017 2018 des montants ne dépassant pas les 1.700 milliards de dinars, a affirmé sans ambiguïté, je le cite : «ça reste des déclarations. On n’est pas sûrs. On ne va pas dans une politique financière qu’on ne maîtrise pas».
Seconde déclaration rapportée par plusieurs agences de presse nationale et internationale, du directeur général du Trésor public, contredisant à la fois la déclaration récente du premier ministre et s en contradiction avec les données quantitatives de l’avant-projet de loi de finances 2019 pour qui le gouvernement envisagerait sérieusement d’abonner le recours au financement non conventionnel et pourrait même intervenir, dans soixante jours, c’est-à-dire à partir de janvier 2019. Or ces propos donnent l’impression d’un manque de coordination vis-à-vis de la vision future de la politique économique du pays.
3.- Pour un système d’information fiable en temps réel
Il s‘agit d’éviter des confusions et d’expliquer la méthodologie sur laquelle repose de la méthode de calcul, car plusieurs approches peuvent être utilisées pour évaluer l’activité dans le secteur informel. Là où les approches choisies dépendront des objectifs poursuivis, qui peuvent être très simples, comme obtenir des informations sur l’évolution du nombre et des caractéristiques des personnes impliquées dans le secteur informel, ou plus complexes, comme obtenir des informations détaillées sur les caractéristiques des entreprises impliquées, les principales activités exercées, le nombre de salariés, la génération de revenus ou les biens d’équipement. Le choix de la méthode de mesure dépend des exigences en termes de données, de l’organisation du système statistique, des ressources financières et humaines disponibles et des besoins des utilisateurs, en particulier les décideurs politiques participant à la prise de décisions économiques. (voir étude du professeur Abderrahmane Mebtoul décembre 2013- Institut Français des Relations Internationales Ifri 2ème Think Tank mondial en 2017)- « poids de la sphère informelle au Maghreb et incidences géostratégiques ».
Il s’agira d’éviter cette confusion dans le calcul du montant de la sphère informelle en différenciant plusieurs méthodes de calcul qui donnent des montants différents soit par rapport au produit intérieur brut( PIB) , par rapport aux effectifs employés , par rapport à la masse monétaire en circulation et le montant des devises échangé sur le marché parallèle. Car cette cacophonie au niveau officiel, est d’une extrême gravité car sans système d’information fiable, avec la percée de la théorie de l’intelligence économique, aucune prévision et politique économique cohérente n’est possible les pertes pouvant se chiffrer en milliards de dollars.
Il s’agit d’expliciter clairement pourquoi plusieurs mesures tant des chèques que de l’obligation de déposer l’argent de la sphère informelle obligatoirement au niveau des banques algériennes, que l’emprunt obligataire malgré des taux d’intérêts élevés supérieurs à ceux des banques, ont eu un impact très limité renvoyant toujours à la confiance et au fonctionnement global de la société.