Pour les jeunes générations, contre les faussaires de l’histoire. Je ne célèbre pas les morts, je commémore simplement les luttes et les combats libérateurs.
Les temps étaient à l’espoir, le peuple algérien venait juste de briser la chape de plomb qui lui pesait depuis la prise de pouvoir par le groupe de Chikor d’Oujda en 1962.
À Oum El Bouaghi, les préparatifs battaient leur plein. On n’avait jamais connu une marche nationale unitaire de l’ensemble des amazigh de progrès. Le centre universitaire de Makomades était très bien encadré et structuré par les étudiants berberistes et progressistes malgré l’hégémonie du fascisme islamiste à Constantine, Alger et toutes les grandes villes algériennes. Les étudiants Yahyaoui de Menaâ, Laïd de Tazougaght, Larbi de Tawezyanit, Hamid Slimani d’Oum El Bouaghi avaient construit un solide mouvement à l’université contrairement à nos jours actuels où certains étudiants populistes désertent les luttes estudiantines pour aller grappiller quelques restes de la rente et de la honte.
Un groupe nombreux de la wilaya d’Oum El Bouaghi, venu des communes d’Aïn Kercha, de Meskiana, d’Oum El Bouaghi et cetains éléments de Tazougaght dans la wilaya de Khenchela, a pris le bus vers Alger le 24 janvier au soir.
Dans nos bagages nous avions un tract imprimé clandestinement par un ami salarié de l’université. Partis à 21 heures, nous sommes arrivés à Alger vers 4h30 du matin. Certains cafés dans les environs des boulevards Zighoud-Youcef et Che Guevara étaient ouverts.
À 7 heures du matin, c’était la déferlante !
Je n’ai jamais de ma vie vu autant de monde.
Toute l’Algérie profonde était à Alger. Un sentiment de sécurité, de liberté et d’allégresse qui n’a pas son équivalent dans ma vie de militant !
L’heure était au déploiement des banderoles, la formation des carrés et la distribution des tracts. Nous étions la seule délégation à avoir rédigé une littérature politique à l’occasion.
À notre banderole ramenée des Aurès avec le mot d’ordre « Tamazight à l’école », nous avons pris la décision de confectionner, sur place, une deuxième avec une seule phrase: « Ul inough yetchath fellam » (mon coeur ne bat que pour toi) choisie par Hamana Acid et tirée d’un tube du groupe des Berbères de Makomades (poème de Joe Sabri).
Nous étions sur le front de mer et le pouvoir de la rue était à nous. Aucun policier n’était visible et la masse était plus que paisible. Ce jour-là nous étions le peuple. Le peuple responsable.
Nos représentants devraient être reçu par Mouloud Hamrouche, chef du gouvernement du moment, mais le protocole a changé à la dernière minute. Ce sera à la représentation nationale (APN) que nous serons reçus.
C’était la première fois que le Mouvement culturel berbère (MCB), organisation horizontale, s’est vu physiquement dans sa dimension nationale ! Et c’est aussi la première fois depuis les Byzantins qu’il s’est attablé en face d’un pouvoir pour des pourparlers politiques.
Et qui était notre chef de délégation pour remettre nos mémoires du MCB !? Lounès Matoub, bien sûr !!
Il était appuyé sur sa canne et sur l’histoire de ses ancêtres. Déterminé comme un fauve dont la progéniture et l’environnement naturel étaient menacés. C’était l’une des rares fois où nous nous sentîmes citoyens d’un territoire.
Merci Lounès !
Ce 25 janvier 1990 marquera le reste du parcours de notre mouvement. Nous sommes toujours présents, les médiocres et la dictature passent et l’histoire donnera raison à la vérité.
Le combat continu.
Kada Sabri
J’étais là lorsque vous déployiez vos banderoles à même le sol, square Port Said. Et j’avais pour la première fois échangé et discuté avec nos frères Chaouis. Je m’en rappelle très bien car la marche était unique et prometteuse. La suite nous apprendra que rien n’est jamais définitivement gagné. Nous devons rester unis et solidaires, continuer le combat pour une Algérie meilleure, authentique et tournée vers l’avenir.