« Xas terka lǧetta tefsi, tikti ur tettmettat ara ». Matoub Lounes.
Le courage, le dévouement ou encore la résistance sont des mots forts, mais qui deviennent subitement insuffisants et vacillants lorsqu’il s’agit de décrire le barde kabyle, Lounès Matoub.
Ce digne fils du Djurdjura est, pour le peuple kabyle, son âme éternelle; pour les Amazighs, un repère identitaire incontournable, et pour l’humanité, une richesse et non des moindres qui vient étoffer le patrimoine des combats justes.
Lounès Matoub a lutté pour la liberté de son peuple, pour la reconnaissance de sa langue, pour la promotion de sa culture et pour le respect de la vie humaine. Son espoir de voir son peuple libre s’étendait naturellement à l’ensemble de Tamazgha. Ses idées ont indiscutablement une dimension universelle.
Son combat est le nôtre. Sa conviction nous anime toutes et tous. Suivre ses traces sur ce chemin de liberté est pour nous «le testament de Lounès Matoub » dont nous revendiquons légitimement l’héritage.
Notre volonté de perpétuer sa mémoire et de transmettre son message de paix et de liberté est une fondation solide. N’est-ce pas lui qui disait : « … Il faut véhiculer la mémoire, il faut la véhiculer positivement… »
Le combat du barde de la chanson engagée n’est pas un combat orphelin. Lounès a puisé son éveil identitaire dans les souffrances de son peuple et dans les sacrifices de ses aînés, à l’instar de Mouloud Mammeri, Kateb Yacine, Masin U Harun, Slimane Azem et tant d’autres…
C’est conscient de la noblesse et de la justesse de l’engagement de Matoub Lounès, à travers sa poésie tranchante et transcendante, mais aussi à travers son implication militante, que nous considérons, sans équivoque, que notre rôle principal réside dans notre capacité à poursuivre ce combat pacifique avec dignité et sérieux.
Continuer à se soulever contre la dictature, soutenir les militants des droits de l’Homme, rester unis et convergents lorsque notre langue, notre culture et la mémoire de nos symboles sont menacées est, sans doute, la meilleure manière d’honorer Lounès Matoub et, à travers lui, les femmes et les hommes victimes de la barbarie étatique.
Pour toi Lounès,
Tu as été pour moi et pour toute ma génération, l’école qui nous a enseigné la vie, l’honneur et la résistance.
Tu as chanté la mélancolie et le magma d’une vie qui n’est pas toujours clémente. Tu nous as rappelé à juste titre que la vie ne vaut rien, mais rien ne vaut la vie. Ainsi « I facal a d-naǧǧew ddwaa ».
Dans tes textes inégalés, tu nous as éduqués à l’amour d’une femme. Tu nous as appris à aimer sans réserve. Tu nous as appris à souffrir sans limite et tu nous as montré que le cœur, quand bien même ravagé, exténué de désespoir sulfureux, possède naturellement la capacité de se régénérer.
Tu nous as prouvé et ensuite rassuré que l’amour est une bougie qui ne se consume jamais. Que l’amour et le cœur arrivent toujours à se réconcilier.
Ton combat pour notre existence en tant que peuple, nation et civilisation, a été un jalon indélébile pour nous et un itinéraire sûr pour les générations futures.
Les femmes qui t’ont accompagné durant ta vie, sont aussi valeureuses que toi. On le voit encore aujourd’hui dans le combat que mène Nadia. Le chagrin dans le cœur et le regard n’a pas eu raison de son désir fort, d’entretenir ta mémoire, de transmettre ton combat noble, ta poésie profonde et ton humanisme connu et reconnu pour la postérité.
Ton combat a voyagé autant que tes textes dans le temps et l’espace, de ta Kabylie à l’Algérie toute entière.
Ta voix résonne encore et pour toujours au fin fond de l’Afrique du Nord et au-delà des mers et des océans.
Enfin, tu as été, pour nous, un père intransigeant quand il s’agit d’honneur et de dignité. Mais, aussi et surtout, un père aimant, serein et protecteur.
Ainsi, tu nous disais «Ttweṣṣiyet ɣef laḥder yelha deg wulawen at-neẓẓut».
Y. Cheraiou