28 mars 2024
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Menaces sur les syndicats autonomes

Ministère du Travail.

Les syndicats sont sommés par le gouvernement de justifier leur représentativité  avant le 31 mars 2023. Avis de tempête sur les syndicats autonomes donc.

Le gouvernement va vite en besogne. Une semaine après l’adoption  par le parlement du  projet de loi relatif à l’exercice du droit syndical,  il décide de passer à l’action, en sommant les syndicats agréés de présenter les éléments de leur représentativité, autrement dit d’indiquer le nombre d’adhérents qu’ils comptent dans leurs rangs, avant le 31 mars 2023. Première oukase donc.

L’injonction dont les effets prévisibles risque d’être fatales pour  le pluralisme syndical, du reste de pure forme, est venue du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité Sociale, via un communiqué publié ce mercredi 15 mars 2023. Il y rappelle aux organisations syndicales enregistrées « l’obligation de communiquer à l’autorité administrative compétente, visée à l’article 10 de loi n° 90-14 du 2 juin 1990, modifiée et complétée, relative aux modalités d’exercice du droit syndical, les éléments permettant d’apprécier leur représentativité syndicale dans le délai qui ne saurait excéder le 31 mars 2023 via la plateforme numérique du ministère de tutelle ». C’est dit, avis de tempête pour les syndicats dont l’activité est neutralisée et soumise à la surveillance comme pour les partis et les associations.

 

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La même source précise que les organisations syndicales qui n’auraient pas souscrit à cette  obligation « peuvent être considérées non représentatives, conformément aux dispositions de l’article 37 bis de la loi 90-14 susvisée ».

Cette directive du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité Sociale vise, à n’en pas douter,  les syndicats autonomes dont le nombre dépasse la trentaine activant tous dans le secteur de la fonction publique.

Ce foisonnement d’organisations syndicales de type corporatiste n’est pas du goût du chef de l’Etat biberonné à la culture du parti unique du FLN et de la pensée unique. Tebboune l’a clairement signifié, lors de sa dernière sortie médiatique, en déplorant  qu’un secteur (la fonction  publique, ndlr) renferme 34 syndicats.

Un chiffre que le président a qualifié d’anormal, indiquant que la loi remettra de l’ordre et la création du syndicat sera soumise à des conditions. Comme si son premier souci était la pluralité et non les conditions de travail, les droits des fonctionnaires…

Les signes d’une réorganisation à marche forcée se mettent déjà en place, et ses effets risquent d’être dévastateurs pour les organisations syndicales autonomes.

Le dispositif dont les contours sont clairement définis par le code qui vient d’être validé par un parlement croupion sans légitimité se traduira, à  coup sûr,  par un  resserrement drastique du champ de représentation des travailleurs.

Nombre de syndicats autonomes passeront à la trappe et rares sont ceux  d’entre eux qui  résisteront au filtre de la nouvelle loi qui plafonne le seuil de représentativité à 20%. Un seuil trop élevé, ont estimé les syndicats autonomes qui ont proposé de le  réviser à la baisse  et de le réduire de 3 à 5 % pour permettre à tous les syndicats d’être représentatifs et d’activer librement.

On rappellera qu’au mois d’avril 2018, les syndicats autonomes avaient bruyamment protesté contre la décision du ministère du Travail de fixer le seuil de représentativité à 20%. Ils ont accusé clairement la tutelle de vouloir les écarter de la scène syndicale, car «ils dérangent le pouvoir».

A l’époque déjà, le ministère a laissé aux syndicats un délais très court,  12 jours seulement pour collecter les noms des adhérents, leurs activités et leur numéro de sécurité sociale.

Selon des comptes rendus de presse de l’époque, Mourad Zamali qui était alors  ministre   du travail et de l’emploi avait  promis de débarrasser «la scène des syndicats hors-la-loi», accusant ces derniers de faire de l’agitation sociale et médiatique, mais sans réelle représentativité sur le terrain. Pour lui, l’impératif de représentativité devient un critère nécessaire pour permettre l’identification de syndicats représentatifs avec lesquels le gouvernement entend promouvoir un dialogue permanent, avec possibilité d’intégration dans  les futures tripartites.

Trente-cinq syndicats, sur les 65 inscrits au niveau du ministère du Travail n’ont communiqué aucune information sur les éléments permettant d’apprécier leur représentativité. Treize syndicats n’ont pas présenté de dossier complet pour être en conformité avec la législation, tandis que 17, dont l’UGTA et le Snapap, ont rempli toutes les conditions de mise en conformité, selon selon un communiqué du ministère repris par l’APS.

Samia Nait Iqbal