Michel Margotton (alias M. de Saint-Michel), est un poète d’une grande profondeur, c’est comme une méditation poétique qui s’offre au lecteur. Michel Margotton fait partie de ces rares poètes qui écrivent sous pseudonyme, ce qui intrigue, en ajoutant une part de mystère forçant et élevant l’élan poétique vers les plus hautes cimes où le lecteur tente de saisir ou seulement d’appréhender un sens enfoui ou une rime vagabonde déchirant l’air transfigurant toute la beauté.
Il y a un jaillissement de lumière dans la poésie de Michel Margotton, où les esprits avertis et non avertis s’apaisent et s’immergent emportés par les flots où chemine l’éveil spirituel comme un voyage vers le soi et l’expérience humaine.
La poésie défriche notre jardin intérieur, améliorant notre perception du monde, Michel Margotton nous emporte à travers ses vers libérés des entraves des illusions humaines vers une démarche spirituelle aboutissant à une quête entre le visible et l’invisible, où l’apparent et le caché annihilent la dualité.
La poésie de Michel Margotton fait sortir le meilleur de nous-même, en nous projetant vers l’Un et vers le Tout, tout nous apparaît alors lié dans une parfaite harmonie de la Terre à l’univers.
Michel Margotton est né à Marseille, il a effectué sa scolarité, dans le primaire et le secondaire, à Arles cette ville d’art et d’histoire, située sur le Rhône, dans la région de Provence au sud de la France, une ville réputée qui a inspiré Van Gogh, qui a influencé l’art contemporain exposé à la Fondation Vincent Van Gogh. Autrefois capitale provinciale de la Rome antique, Arles est également renommée pour ses nombreuses ruines romaines, notamment l’amphithéâtre d’Arles, qui accueille aujourd’hui des pièces de théâtre et des concerts.
Après des études de Lettres à la Faculté Paul Valéry de Montpellier, Michel Margotton a enseigné pendant une trentaine d’années dans les Académies de Lyon et d’Aix-Marseille. Déjà poète adolescent, il a été très tôt attiré par l’écriture et, notamment, l’écriture poétique.
Les recueils de Michel Margotton invitent donc à la réflexion à l’élévation tant spirituelle que philosophique. La nuit et le jour s’entrechoquent, la vie et la mort se côtoient dans l’harmonie, dans une relation d’interdépendance, sachant que l’une ne peut être sans l’autre.
La conscience humaine se trouve bouleversée, bousculée, interrogée, cherchant des réponses dans un monde en toute vitesse, en perte de repères, où l’illusion et le mensonge tendent à remplacer le vrai. La poésie se dresse heureusement salvatrice pour ramener les équilibres perdus.
Le Matin d’Algérie : Vous êtes un poète à la fois grave et lumineux, vous écrivez depuis longtemps, mais vous n’avez publié que tardivement, qui est Michel Margotton ?
Michel Margotton : Il est toujours difficile, voire impossible, de dire qui l’on est vraiment. C’est sans doute pour cela que la poésie me paraît essentielle : elle seule permet de plonger au plus profond de soi, par-delà les images toutes faites que chacun se fait de lui-même. Traverser le miroir des apparences et des concepts, telle est pour moi la finalité de l’écriture poétique. Lorsque j’écris, je pars en quête de moi-même – quête qui ne peut, évidemment, jamais atteindre totalement son but : il y a en moi (comme en tout être humain) une part toujours mystérieuse que le poème ne définit pas, ne circonscrit pas mais suggère… « Je est un autre » comme dit Rimbaud.
Le Matin d’Algérie : Vous écrivez sous pseudonyme est-ce pour vous extraire du réel pour que puissent librement battre vos ailes comme pour ne pas être souillé par le monde qui vous entoure ?
Michel Margotton : Le pseudonyme permet de bien différencier le « moi social » du « moi créateur », pour reprendre la terminologie de Marcel Proust : le premier représente l’homme extérieur, l’homme public vivant à la surface des choses, résumé à sa biographie ; le second est l’être intérieur, caché aux yeux du siècle, celui-là même d’où naissent les œuvres – le moi véritable : sous le masque visible, à peu près semblable à tous les masques, le visage réel, unique entre tous.
Michel Margotton va, vient, s’agite sur la scène du monde, M. de Saint-Michel écrit.
Le Matin d’Algérie : On sent votre passion pour la mythologie grecque, pouvez-vous nous en parler ?
Michel Margotton : En effet, j’aime particulièrement les mythologies grecque et romaine (C’est d’ailleurs la même, les Romains ayant le plus souvent repris à leur compte les divinités grecques en se contentant de changer leurs noms : Zeus devenant Jupiter, Athéna Minerve, Arès Mars etc…)
C’est en 6ème que m’est venu cet intérêt lorsque j’ai commencé à apprendre le latin et cet intérêt n’a fait que croître au fil des ans. La fiction mythologique nous apprend, à mon sens, beaucoup plus sur l’âme humaine (ses passions, ses craintes, ses désirs…) que tous les livres de psychologie réunis. Sous le couvert de récits fabuleux, elle met à nu les ressorts les plus enfouis de notre psyché ; elle exprime à merveille nos interrogations essentielles face à la Vie, à la Mort – au Destin. Loin d’être simplement une collection de contes plus ou moins curieux d’un temps révolu, elle dévoile l’intimité de ce que nous sommes. Elle est donc Poésie.
Le Matin d’Algérie : Vos recueils élèvent la philosophie et la spiritualité, Friedrich Nietzsche disait « Dieu a aussi son enfer : c’est son amour des hommes », qu’en pensez-vous ?
Michel Margotton : Le chrétien que je suis est d’accord sur ce point avec l’auteur de « L’Antéchrist » ! Le Christ, par sa passion et sa mort, a bien, pour le salut des hommes, vécu l’enfer – mais cet enfer-là débouche sur une lumière surpassant toutes les ténèbres du monde.
Pour adhérer à cela, il faut, bien sûr, accepter l’idée d’incarnation : celle d’un dieu désireux, par amour, d’endosser, à l’exception du péché, la condition humaine – et la souffrance en fait partie…
Le Matin d’Algérie : La France pays des droits de l’homme et des lumières, vient de vivre un moment critique et charnière de son histoire, où l’extrême droite a failli prendre le pouvoir, à votre avis, comment sommes-nous arrivés là ?
Michel Margotton : Les gouvernants français des trente ou quarante dernières années (de droite, du centre ou de gauche) se sont peu à peu coupés du peuple. Enfermés dans un élitisme bon chic, bon genre, ils ont refusé d’entendre, plus ou moins consciemment, ses plaintes et ses colères. Avec arrogance, ils ont pensé qu’en eux seuls résidaient l’intelligence, la raison, la culture ; la « plèbe » n’avait qu’à suivre ce que les « doctes » lui professaient… Ainsi n’ont-ils pas voulu (ou pas osé ?) répondre à ses problèmes quotidiens : immigration incontrôlée, insécurité galopante, effondrement du pouvoir d’achat, dépossession de souveraineté au profit d’une Europe hors-sol et mercantile… D’où la montée des populistes. (Tous les pays européens, d’ailleurs, sont, peu ou prou, dans le même cas de figure.)
Le Matin d’Algérie : Quels sont les poètes qui vous influencent ?
Michel Margotton : Baudelaire est depuis mon adolescence mon poète de chevet : je considère Les Fleurs du Mal comme le livre phare de la poésie française, à la croisée du classicisme et de la modernité, où se mêlent sensualité et mysticisme, vertige de la vie et hantise de la mort…
Parmi les autres poètes français qui ont, sinon influencé, du moins nourri ma création, je peux citer pêle-mêle Ronsard, Hugo (surtout celui des Contemplations), Mallarmé (un maître du Verbe), Lautréamont, O. V. de Lubicz-Milosz (un immense poète trop peu connu, hélas !), Saint-John Perse, Pierre Jean Jouve…
Sans oublier, chez les écrivains étrangers, Dante dont la Divine Comédie est l’un des plus hauts sommets de la poésie universelle !
Le Matin d’Algérie : La création poétique et l’art en général, peuvent-ils changer notre regard sur le monde ?
Michel Margotton : Oui, je le crois fermement. L’art, en effet, nous permet de sortir de nous-mêmes et de nous mettre en contact avec les différentes facettes du réel. Chacun d’entre nous, seul enfermé dans son coin, seul claquemuré dans son ego, a une vision nécessairement univoque du monde ; l’art nous fait prendre conscience de sa diversité, de sa pluralité, de sa complexité : de sa richesse. Il nous ouvre à l’infini des possibles de l’existence…
Mais attention, il ne faut pas être naïf et s’illusionner : si l’art change certes notre regard sur le monde, il n’a pas le pouvoir de changer le monde !
Le Matin d’Algérie : Avez-vous des projets en cours et à venir ?
Michel Margotton : Je suis en train de préparer un recueil comprenant des formes poétiques courtes : monostiques, haïkus, distiques. C’est Twitter qui, il y a quelques années, m’a donné cette idée : comme il était impossible de poster des textes allant, à l’époque, au-delà de 140 caractères, je me suis vu « contraint » de composer des poèmes très brefs – dont le haïku, ce type de poésie d’origine japonaise que j’apprécie particulièrement.
Ce recueil devrait paraître fin 2024 ou début 2025…
Le Matin d’Algérie : Un dernier mot peut-être ?
Michel Margotton : De nos jours, en Europe (je ne sais s’il en est ainsi sur votre continent), la poésie paraît ne pas exister aux yeux du plus grand nombre. Elle est proprement invisible. Invisibilisée par la quasi-totalité des principaux médias qui n’en parlent jamais.
Je veux espérer, contre toute espérance, qu’elle reviendra un jour à l’honneur et reprendra la place qui est sienne : la première.
Entretien réalisé par Brahim Saci
http://mdesaintmichel.eklablog.com/
Livres publiés :
– 2018 : D’Éros & de Thanatos [poésie] (Edilivre)
– 2019 : Mémoire d’un corps anonyme [poésie] (Ed. Spinelle )
– 2021 : Nuit obscure [roman] (Ed. Maïa)
L’absolu dans la peau [poésie] (Ed. Atramenta)
– 2022 : Douze longs mois d’une vie éphémère [poésie] (Ed. Atramenta)
– 2023: Il faut détruire Babel [poésie] (Ed. du Net)
Cent précieuses paroles de Divine [poésie] (Ed. du Net)
– 2024: Dionysos et le Crucifié [poésie] (Ed. Atramenta)
« 𝑫𝒆 𝒏𝒐𝒔 𝒋𝒐𝒖𝒓𝒔, 𝒆𝒏 𝑬𝒖𝒓𝒐𝒑𝒆 […] 𝒍𝒂 𝒑𝒐é𝒔𝒊𝒆 𝒑𝒂𝒓𝒂î𝒕 𝒏𝒆 𝒑𝒂𝒔 𝒆𝒙𝒊𝒔𝒕𝒆𝒓 𝒂𝒖𝒙 𝒚𝒆𝒖𝒙 𝒅𝒖 𝒑𝒍𝒖𝒔 𝒈𝒓𝒂𝒏𝒅 𝒏𝒐𝒎𝒃𝒓𝒆. 𝑬𝒍𝒍𝒆 𝒆𝒔𝒕 𝒑𝒓𝒐𝒑𝒓𝒆𝒎𝒆𝒏𝒕 𝒊𝒏𝒗𝒊𝒔𝒊𝒃𝒍𝒆. »
Si un arbre tombe dans la forêt et qu’il n’y a personne pour l’entendre, est-ce qu’il fait quand-même du bruit ?
Si personne n’est là pour l’apprécier, la poésie existe-t-elle toujours ?
Mais la question ne se pose pas que pour la poésie. L’Art avec un grand A peut-il encore exister ?