Militer dans un pays autoritaire est en lui-même un fardeau que beaucoup se refusent à porter tant l’épée de Damoclès qui risque de peser sur leur tête à chaque pas effectué et à tout moment de la journée ne connaît jamais de répit.
Ils s’accrochent pourtant, souvent avec l’énergie du désespoir, aux idéaux les plus universels pour faire évoluer les idées de justice, de libertés individuelles et collectives et des droits de l’homme sans relâche, guidés par la seule satisfaction du devoir accompli et du bonheur que procure la sensation de faire acte de salubrité publique et de travail pédagogique salvateur.
Ils savent les risques encourus et les sacrifices à consentir dont la quiétude quotidienne n’est pas la moindre, mais ce qu’ils ignoraient auparavant est qu’un acharnement pouvait leur venir non pas du pouvoir qu’ils critiquent, mais paradoxalement des citoyens qu’ils défendent.
En effet, s’ils échappent au harcèlement et à l’emprisonnement, ils sont accusés par leurs concitoyens d’être à la solde d’un clan ou au service des « services ». Une double peine en somme !
Ce qui sous-entend qu’on n’avance pas, puisque Matoub Lounès s’était retrouvé dans la même situation il y a des dizaines d’années (emprisonnements tous azimuts, mais lui épargné. D’où des soupçons injustifiés à son encontre, -peut-être distillés à dessein-, qu’il dénonça dans une chanson).
Avec l’ouverture démocratique mal entamée, jamais comprise et maladroitement appliquée, les gens se sont découvert des ennemis fictifs là où ils croyaient ne compter que des amis.
En Kabylie, par exemple, les militants des deux partis influents dans la région, le FFS et le RCD, ou ce qu’il en reste, font tout pour que celui qui émerge dans le camp de l’un ou de l’autre soit vite traîné dans la boue, croyant ainsi déblayer le terrain pour les leurs dans un exercice à l’équilibre impossible à tenir. Ce qui les déstabilise et les neutralise au grand dam du pouvoir qu’ils disent combattre, mais qui n’a plus besoin de fournir aucun effort, tant ils se ruinent eux-mêmes et s’affaiblissent avant d’avoir pu mener bataille.
Avec l’avènement du MAK qui les accuse tous les deux de traîtres, le terrain est miné, laissé en jachère, et aucune graine d’espoir ne risque d’y pousser. La population est émiettée et désorientée, et ne pense plus qu’à fuir vers d’autres cieux pour pouvoir survivre et respirer.
Les écrivains, journalistes, intellectuels, artistes, etc. récalcitrants ou appelés communément opposants subissent les mêmes coups de boutoir et se retrouvent pris entre plusieurs feux qui les empêchent d’évoluer et de faire partager leurs lumineuses idées.
Il est pourtant clair que tant que ce climat ne sera pas assaini, le pouvoir aura de belles années devant lui sans qu’il ait besoin de déployer le moindre moyen de déstabilisation.
Les forces récalcitrantes ou opposées se neutralisent déjà d’elles-mêmes !
Il n’est jamais trop tard pour changer la donne, mais le chemin semble encore long, très long …
Youcef Oubellil, écrivain