C’est au debut janvier 2022 que Mohamed Hilmi nous a quittés, emporté par l’épidémie du Covid-19 ! Nous aurions tant aimé lui rendre hommage de son vivant, mais est-il trop tard pour nous remémorer ce géant et nous incliner à sa mémoire ?
Pendant des décennies, ce touche à tout du spectacle humoristique et de la comédie occupait les ondes de la chaîne 3 pour nous égayer de ses innombrables sketchs, aussi hilarants les uns que les autres. Pour le bonheur des auditeurs jeunes ou moins jeunes, il était souvent accompagné de Cheikh Nourredine, avec sa voix de vielle mégère non apprivoisée, oh combien cocasse !
Biographie
De son vrai nom Ameziane Brahimi, Mohamed Hilmi est né le 15 février 1931 à Azzefoun. À tout juste 13 ans, il quitte son village natal pour aller à Alger où son médecin traitant – il avait une ostéite bacillaire – lui procure un emploi de coursier dans une compagnie d’assurance. Parallèlement, il prend des cours par correspondance durant trois ans. En 1947, on le sollicita pour un rôle dans la pièce Ould Ellil. Bachetarzi ne lui attribuait que des petits rôles et c’est pour cette raison qu’il rejoint, en 1949, Rédha Falaki à la radio. Il écrit même une pièce radiophonique pour la chaîne kabyle qu’il interprétera avec Cheikh Nourddine et Abder Isker.
En 1950, il renoue avec les planches. Après l’indépendance, il est l’auteur de nombreux sketches qui utilisent la chansonnette et se lance dans la réalisation de téléfilms, courts et moyens métrages : Chkoune Yassbag, El Ghoumouk, E-Chitta, Matfahmine, Listihlak et surtout l’Après-pétrole (1986). En 1993, il signe son premier long métrage, El Ouelf Essaib, et publie, à compte d’auteur, une comédie satirique intitulée Démocra-cirque ou le cri du silence. Mohamed Hilmi a également écrit en 1996 une autobiographie relatant son parcours artistique intitulée « De la flute du berger, aux planches sacrées ».
Après une carrière qui s’étale sur plus de 75 ans, Mohamed Hilmi tire sa révérence le 5 janvier 2022 à Alger, à l’âge de 90 ans. Avec lui disparaît un géant de la culture algérienne, en général, kabyle en particulier.
Parmi ses nombreuses chansons satiriques, nous vous proposons l’écoute et la traduction de Amghar. Il s’agit d’une prise de bec entre un vieux fainéant gourmet, voire un jouisseur né, qui ne rêve que de plaisirs et de mets, à qui l’épouse (interprétée par Cheikh Nourredine) et la fille (interprétée par Ourida) reprochent une farniente chronique ! Des échanges tout simplement succulents, à déguster sans modération !
« Ay Amghar », Eh vieux !
Prise de bec entre un vieux fainéant, sa vieille et leur fille
Voici le vieux dévergondé
Je n’ai jamais vu de plus paresseux que lui
Allez lève-toi de là
Si le sommeil gagnait son pain
Tu en remplirais des couffins
Avec la vigueur d’un jeune
Il passe son temps à gémir
Même son ventre ne fait que frémir
Si le village entier le nourrissait
Il ne serait pas rassasié
Allez oust lève-toi !
Lève-toi et met-toi à la tâche !
Cesse cette paresse !
Parlant dans ses rêves
Ah si je pouvais de couscous au beurre me délecter
Pour vivifier mes entrailles
Ah ce couscous à la sauce au poulet…
Lève-toi, ça suffit !
Jaillissant de son sommeil
Quoi, quoi, quoi ?
C’est quoi tout ça ?
Par le salut d’Allah et sa Rahma…
Tu n’as pas assez dormi espèce de fainéant ?
Où suis-je, parle-moi Fatima, où suis-je ?
Tu te prélasses dans ton lit !
Où se trouvent mon turban et ma chéchia ?
Juste là devant toi !
Où ça où ça ?
Ils se trouvent sur ta tête !
Mais où donc se trouve ma tête ?
Chanson
Où que tu sois vieux dévergondé
Tu ne fais que sommeiller
Je ne peux pas sortir et émerger
Je suis vieux et ne fais que grelotter
Oh vieux dévergondé
Lève-toi, mets-toi à la tâche
Je ne peux rien faire, je me meurs
Sollicite Meziane pour les labeurs
Oh toi le vieux aux mille peines
Ca suffit tant de sans-gêne
Je suis malade, je ne fais que chanceler
Mes os sont en train de chauffer
J’ai rempli la marmite de viande
Il n’en reste plus que les ossements
Quand je l’ai inspectée Je n’ai rien trouvé
C’est peut-être le chat qui l’a emportée
Oh vieux dévergondé te voilà devenu mécréant
Va donc à la mosquée faire tes oraisons
Je suis malade quand je guérirai, je me rattraperai
Et puis cela ne te regarde pas
Oh vieux dévergondé
Il est temps d’aller travailler
C’est trop facile de manger
J’apprécie ma vie et mes journées
Pour le travail tu es jeune pour me conseiller
Oh toi le vieux chibani
Montre-nous ce tu sais faire
Oh ma fille, c’est à vous de travailler
Me concernant je ne puis me déplacer
Oh vieux dévergondé
Va donc te remarier
Épouse la fille qui te plait
Je peux, je peux
Je suis vigoureux
Va donc ma fille me trouver
La plus belle des dulcinées
Ah tu peux, fils de vieille-fille va
Ah tu peux, elle est à toi prend-là.
Kacem Madani
https://www.youtube.com/watch?v=o_51Cr7tliI&t=254s