Il s’appelle Mohamed. Mohamed Tadjadit. Il a dans les yeux la poussière des révoltes et sur la langue des mots qui brûlent comme du sel jeté sur les plaies du pays.

Mohamed Tadjadit est jeune, il est poète — donc il est coupable.

Coupable d’avoir dit #JeNeSuisPasSatisfait, coupable d’avoir refusé de se coucher sous les slogans mitraillés par le pouvoir, coupable d’avoir cru qu’un peuple a le droit d’attendre autre chose que le silence et la soumission.

Alors ils l’ont pris. Encore. Arraché à la lumière, comme on coupe une branche en fleur. Condamné à cinq ans d’ombre pour un soupir d’indignation. Cinq ans pour un mot — comme on cloue un oiseau pour avoir chanté hors saison.

Il devait être rejugé. Le 17 avril.
Mais même la « justice » a reculé devant son propre reflet :
rendez-vous annulé, procès repoussé à demain, à jamais, à quand les tyrans en décideront. Car dans cette comédie d’État, la « justice » ne juge pas — elle exécute.

Ils l’accusent de fissurer la terre avec sa voix.
Ils l’accusent de troubler les masses avec des vidéos, d’appeler à des attroupements sans fusils, d’avoir insulté ceux qui insultent la vie chaque jour par leur pouvoir.

Quatre chefs d’accusation, quatre pierres jetées contre un cœur qui bat trop fort.

Mais ce qu’ils ne disent pas, c’est que leur vraie peur, ce n’est pas Mohamed.Tadjadit, C’est ce qu’il réveille.

Depuis que Tebboune trône sur les ruines, le poète a vu plus de barreaux que d’étoiles.

Arrêté, libéré, traqué, repris.

Comme une rumeur qu’on croit avoir étouffée et qui revient, chaque fois plus éclatante.

Parce que Mohamed Tadjadit, c’est l’Algérie qui refuse de mourir.

Celle qui crie dans les ruelles, celle qui écrit sur les murs, celle qui marche pieds nus mais la tête haute.
Et pour cela, on l’enferme.

Car penser libre, c’est devenir dangereux.

Ils veulent le réduire au silence. Mais ils ne comprennent rien aux poètes.
Un poème ne meurt pas en prison.
Il s’y propage.
Il s’y grave sur les murs.
Il se glisse sous les portes.
Il se murmure de cellule en cellule.
Et quand la porte s’ouvrira — car elle s’ouvrira —
la voix de Mohamed Tadjadit sortira plus vaste encore,
plus forte, plus fière, plus féroce.

Qu’on le sache : plus de deux cents cinquante cœurs battent aujourd’hui derrière des barreaux, coupables eux aussi de penser, de rêver, d’aimer autrement que le pouvoir ne l’ordonne.

Mais l’Histoire n’oublie pas les poètes.
Elle les attend.
Et elle vomit les geôliers.

Kamel Bencheikh

1 COMMENTAIRE

  1. En effet, Mohamed Tajaddit a toutes les qualités, plutôt tous les défauts, du coupable idéal.
    Il est de la gens Tajaddit dans un pays qui tourne le dos à ses racines et à sa religion. Plus encore, tous ce qui rappelle tajaddit est un empêcheur de vendre des palmes de plongée dans le souk El fellah de Tamanrasset.
    il est jeune, il n’est dompté comme les vieux qui, au moment on les attendait moins, on vendu leurs âmes à l’islamisme, peuplent les mosquées et désertent les lieux communs de la cité. Les jeunes ont ceci de fâcheux qu’ils n’ont pas attrapé le vice du «sauver d’abord son âme et au diable le sort la communauté»
    Et pour corser la note, il est poète. Alors là, c’est la faute suprême. Être poète, c’est être ne pas dans les normes, les normes rigides; encore moins quand elles sont dictées par des oiseaux de proie ou de mauvaises augures.
    En résumé, il ne fait pas beau d’être soi même, normal, avec ces gens aux commandes.

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